
«La possibilité d’un conflit armé » en France doit être sérieusement envisagée. Ce sont les mots du Directeur Général de la Gendarmerie, Hubert Bonneau. Il estime que « Depuis l’invasion russe en Ukraine, la possibilité d’un conflit armé et d’une agression du sanctuaire national doit être sérieusement envisagée ». Ces propos ont de quoi inquiéter les antimilitaristes que nous sommes. Cet ancien commandant du GIGN indique que la gendarmerie a le devoir de se préparer… (Le Monde du mercredi 29 janvier 2025). Peut-être espère-t-il une rallonge budgétaire en ces temps de budget contraint, chacun tirant la couverture à soi ? Peut-être prépare-t-il les esprits à la guerre et à tout le moins essaie d’obtenir des budgets plus conséquents pour rénover les casernes et armer davantage ses troupes.
Ces propos couplés à certains sondages publiés pour les besoins de la cause (militaire en l’occurrence) nous obligent à réfléchir rapidement afin de contrer ces perspectives guerrières ainsi que celles prônant une dérive autoritaire de l’exécutif. Une majorité de Français serait favorable au retour du service militaire et un jeune sur deux serait prêt à partir sur le front ukrainien. Balivernes que tout cela.
Nous avions plutôt constaté que la jeunesse se tournait davantage vers les problématiques écologiques que guerrières. Mais les alliances de la droite et de l’extrême-droite cherchent à nous tromper. Nous sommes bien loin des temps où les libertaires pesaient dans et sur le mouvement ouvrier afin de contrer la propagande militariste. Quoique les digues aient cédé rapidement lors de la déclaration de la Première Guerre mondiale. La situation en 2025 ne nous est guère favorable sauf que nous avons réussi à plusieurs organisations à lutter contre le SNU qui vient d’être abandonné davantage pour coupes budgétaires que par volonté pacifiste. La guerre est le contraire de toute émancipation ; ce sont les pleins pouvoirs à l’armée et l’obéissance aveugle des travailleurs. La guerre, c’est la souffrance et la perte de son individualité. Ty wi -GLJD
Nous communiquons la motion de la FAI sur le militarisme. XXXIIe Congrès de la Federazione Anarchica Italiana -FAI, Carrare 3-6 janvier 2025. Nous en sommes d’accord avec la plupart des propos tenus.
La Fédération Anarchiste Italienne réaffirme son soutien à l’Assemblée Antimilitariste afin de construire un vaste mouvement anti-guerre, uni et indépendant des partis, contre les politiques de guerre des gouvernements qui se sont succédé jusqu’à présent. D’où l’importance de soutenir les luttes contre la militarisation des écoles et des universités, les luttes contre les installations, les productions de guerre et les bases militaires du Frioul à la Sicile, du Piémont à la Toscane, les initiatives des travailleurs contre la production et le trafic d’armes, et la solidarité avec les déserteurs de toutes les guerres.
D’une part, dans ce qu’on appelle l’Occident, nous assistons à des élaborations de plus en plus explicites de la part de politiciens et d’intellectuels de la zone libérale et au-delà qui dessinent les scénarios potentiels d’une nouvelle guerre mondiale. Pour eux, le soi-disant « monde libre », expression déjà utilisée dans les décennies qui ont vu le monde divisé en deux blocs, mènerait une bataille existentielle contre les autocraties du reste de la planète, identifiées aux nouveaux stéréotypes orientalistes comme lieu d’origine des menaces qui pèseraient sur notre « civilisation ». Dans ce récit aussi toxique que manichéen, les nations alliées qui partagent les valeurs de la démocratie libérale comme l’Ukraine, Israël et Taiwan, ou même la soi-disant opposition démocratique dans des pays comme le Myanmar, mèneraient la même bataille mondiale des « bons » contre les « méchants ». Dans la même logique, même les fondamentalistes du HTS en Syrie se sont rangés du côté des « gentils ».
Le gouvernement italien actuel s’inscrit pleinement dans cette course au désastre, qualifiant sa politique étrangère d’agressif. Ce discours sert surtout de prétexte pour faire passer l’augmentation des dépenses militaires et la production de mort comme quelque chose de même vertueux. La nécessité de « se défendre » et d’abandonner le pacifisme et l’antimilitarisme en tant qu’outils obsolètes et inadéquats pour résoudre de nouvelles urgences « pratiques » est comprise selon un récit unique. Sous toutes les latitudes, la propagande nationaliste alimente les conflits et empoisonne le débat public en érigeant des murs entre les classes opprimées.
Dans le cas de la Palestine, cela implique une minimisation constante des crimes de guerre israéliens et du génocide en cours à Gaza, en Cisjordanie et au Liban, au point que même les gouvernements européens ont minimisé le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre le criminel Netanhyahu après avoir applaudi le jugement contre le criminel Poutine.
En ce qui concerne l’Ukraine, il existe une volonté internationale d’impliquer le monde de la gauche et les mouvements, y compris les mouvements libertaires ou autoproclamés, sur le front de guerre contre le « tyran ». Ce récit est basé sur la rhétorique de la résistance nationale à l’invasion. dans lequel la fin justifie tous les moyens (y compris la guerre nucléaire dans les cas les plus extrêmes), dans le but de diviser les forces pacifistes et antimilitaristes en désactivant l’un des instruments de lutte qui ont été historiquement plus efficaces dans les pays occidentaux : l’opposition aux guerres et aux dépenses militaires accompagnées d’objections, de refus de se battre et de désertions en relation avec des luttes sociales plus larges.
La rhétorique du combat a été abondamment déployée au cours des trois dernières années par des secteurs autoproclamés antifascistes et antiautoritaires dont les slogans, les analyses et les documents publics ne s’écartent pas le moins du monde de la propagande de guerre occidentale et libérale et des récits nationalistes locaux, l’absence totale de toute nuance en termes de lectures classistes ou libertaires de la situation. Sans revendiquer, selon nos principes fondateurs, un quelconque monopole sur l’anarchisme, nous sommes clairs sur le fait que les dérives nationalistes, militaristes et libérales de ce type ont et ne peuvent rien avoir à voir avec notre idée de l’anarchisme et doivent donc être abordées de la même manière que celles de toute autre force politique qui s’oppose à nous : dans la reconnaissance de positions différentes, sans confusion ni association formelle entre programmes et projets politiques inconciliables.
De l’autre côté, le projet d’un monde « multipolaire » promu par certains gouvernements de la sphère BRICS+, qui n’est rien d’autre qu’un autre programme impérialiste, a fatalement séduit les restes du bolchevisme et les secteurs de gauche venus à penser aux « camarades » ou presque, aux dictateurs assoiffés de sang comme Poutine en Russie, Maduro au Venezuela et divers copains. Selon la même logique, il y a ceux qui légitiment les fanatiques religieux, les misogynes, les homophobes et les assassins de groupes comme le Hamas et le Hezbollah, ou les bureaucrates d’autorités corrompues plus ou moins « nationales », comme protagonistes d’une prétendue résistance à Israël. Même si la misère et les contradictions de ces derniers discours sont évidentes, nous ne pouvons que réaffirmer avec force le principe fondateur de la cohérence des moyens et des fins, selon lequel notre antimilitarisme ne peut en aucun cas être séparé de notre politique anti-autoritaire, anticléricale, anti-militariste, d’inspiration anti-patriarcale et anticapitaliste.
Dans les scénarios internationaux futurs, ce ne sera certainement pas l’arrivée de réactionnaires dépassés comme Donald Trump qui apportera une alternative à la folie guerrière progressiste de son prédécesseur Joe Biden et d’une grande partie de la classe dirigeante occidentale, ni aucun succès militaire (ou non-succès) du monde « non occidental » apportera plus de justice ou défiera le capitalisme, le colonialisme de puissance et l’impérialisme.
Nous ne devons pas non plus oublier les centaines d’autres conflits qui continuent de se dérouler dans le monde, notamment dans les pays du Sud, y compris, comme nous le rappellent nos camarades du Brésil et d’Amérique latine, la guerre génocidaire qui dure depuis plus de 500 ans dans leur pays. Si nous reconnaissons la nécessité constante d’une action anticoloniale et décoloniale, il est important de préciser que cela ne doit en aucun cas conduire à de nouvelles formes de nationalisme, de communautarisme ou d’essentialisme civilisationnel. Le concept d’individu reste central dans toute dérive qui y conduit, aux essentialismes ethniques, raciaux et culturels, bien qu’ils soient fondés sur l’idée de « peuples », ces dernières entités toujours caractérisées en interne par des dynamiques d’inégalité et d’oppression en termes de classe, de genre et de toutes les formes possibles de discrimination et marginalisation.
Malgré toutes les difficultés, il existe d’importants espaces d’action et d’organisation depuis la base où notre contribution peut être décisive dans la construction d’une opposition sociale à la guerre et au militarisme. Un point central de notre action a été notre soutien aux grèves générales du syndicalisme conflictuel et populaire, qui se sont caractérisées ces dernières années par l’association des luttes sociales et salariales avec une approche antimilitariste contre les guerres et l’économie de guerre, cohérente avec notre hypothèse qu’il lie étroitement une perspective antimilitariste à une perspective de classe.
Une grande initiative culturelle est également nécessaire pour contrecarrer la propagande militariste qui se diffuse quotidiennement, plus ou moins explicitement, dans les écoles et dans la communication publique, de manière de plus en plus omniprésente, et prête à exploiter les lieux d’éducation et de formation pour rendre plus efficace un discours qui présente le prétendu « bon » visage des forces armées de l’État comme s’il s’agissait d’entreprises humanitaires.
En ce sens, notre soutien au refus de combattre, à l’objection, à la désertion, à la fuite des rangs sur tous les fronts de guerre et au défaitisme révolutionnaire reste crucial, surtout à l’heure où, pour ne citer qu’un des fronts les plus connus, les militaires russes et ukrainiens les commandements eux-mêmes reconnaissent la désertion comme un problème réel qui entrave leurs programmes de mort respectifs. Ce soutien se développe dans le cadre de notre engagement internationaliste, notamment au sein de l’Internationale des Fédérations Anarchistes, qui doit être développé en promouvant de nouvelles initiatives de déconstruction des frontières et de remise en question de toute idée de nationalisme et de souveraineté territoriale de l’État-nation ou toute autre entité qui aspire à l’être, en la remplaçant par de nouveaux mécanismes de solidarité internationale et de fraternité universelle.
Ce qu’il faut, c’est dialoguer, dans le cadre d’actions menées de manière cohérente depuis la base et en dehors des partis et du contrôle des institutions, avec tous les groupes et mouvements qui partagent notre intransigeance antimilitariste, en construisant des alliances fonctionnelles sur des bases bien définies et objectifs cohérents avec toutes les hypothèses que nous avons exprimées dans ce document. Ce n’est qu’en développant et en généralisant des actions d’en bas basées sur ces hypothèses que nous pourrons véritablement redonner espoir dans un monde de liberté et d’égalité au lieu du monde de mort, de destruction et de guerre permanente que le capitalisme et l’État nous imposent de plus en plus ouvertement.
XXXIIe Congrès de la Federazione Anarchica Italiana -FAI, Carrare 3-6 janvier 2025