Perspectives

On entend souvent des militants d’aujourd’hui dire que les boomers n’ont rien dit et rien fait pour dénoncer la pollution, le réchauffement climatique etc. Mais des militants anarchistes comme Louis Dorlet dans les années 1970 dénonçaient la science qui n’avait pas d’éthique et les dirigeants qui étaient au courant de la catastrophe environnementale qui s’annonçait. Comme bien souvent, les anarchistes ont le tort d’avoir raison trop tôt…

« Jusqu’à une époque relativement récente, le problème était assez simple : il s’agissait de mettre un terme à la misère, aux privilèges, à l’injustice, aux contradictions économiques, au militarisme, à la guerre.

Aujourd’hui, tout s’est compliqué d’une manière qui n’était pas prévue dans le Catéchisme des prophètes. A tous ces maux, l’homme armé d’une implacable technique, en a ajouté d’autres qui mettent en cause l’existence même de la planète.

Avant la dernière guerre, l’écrivain Anton Zischka, écrivait un livre hallucinant qui révélait les extravagants exploits d’une science « qui manquait totalement de conscience ». Il intitulait son livre : « Le monde est fou ». On peut bien dire, en considérant les formidables progrès techniques de notre temps, que cette folie est devenue une véritable folie furieuse.

A l’Est comme à l’Ouest, la nature a été mise au pillage : l’air est corrompu, les eaux des rivières, des lacs, des océans sont pollués, sans que pour autant, la marche infernale soit entravée.

Bien au contraire, les dirigeants, qui ne peuvent plus nier cette détérioration de l’habitat humain, s’efforcent d’en minimiser l’importance et affirment qu’ils prendront toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’extension du fléau nouveau, un fléau qui menace de dépasser de très loin les pestes et les maladies épidémiques du Moyen-Age. On se rend compte que les fameuses mesures annoncées ne sont que de misérables palliatifs, incapables de nous ramener dans le courant normal d’une vie saine et équilibrée.

Ma collaboration aux travaux du Comité Méditerranéen contre les pollutions m’a permis d’entrer en contact avec des personnalités scientifiques très informées de la gravité du problème. Tous ceux qui n’ont pas ce gênant « fil à la patte » qui ne permet pas de s’exprimer à cœur ouvert estiment que le monde s’achemine à toute allure vers une autodestruction totale. »

Louis Dorlet – 1971

Et il faudrait écouter et compter sur les politiciens d’aujourd’hui ?

Et il n’y avait pas que des libertaires pour dénoncer les pollutions.

Déjà en septembre 1970, le commandant Cousteau déclarait au Conseil de l’Europe : « L’Education du public est le principal espoir dans la lutte contre la pollution. Un véritable appel à la révolte est nécessaire. Il faut que nous devenions tous les contestataires de la pollution et que le concert des protestataires soit assourdissant ! »

Alors, oui les activistes écologistes, Soulèvements de la Terre et autres, ont bien raison de ne plus vouloir compter sur les politiciens et d’agir pour changer les choses, pour la survie de la planète. Nous avons trop traîné, y compris, nous autres, les anarchistes. Il est indéniable que la transformation des mentalités des individus, de la société, de la manière de vivre, d’envisager la nature et les gens, est une nécessité vitale, une condition de la « survie ».

Patoche (GLJD)

Louis Dorlet disait que « Notre seule ambition serait d’amener les individus à réfléchir. Un petit effort leur permettrait souvent d’éviter des pièges astucieusement préparés.. Par la réflexion, les hommes apprendraient à s’écarter de cet esprit de troupeau qui est, en réalité, la cause de la plupart des maux qui nous accablent et dont nous sommes, fréquemment les artisans. Le point crucial est, décidément  là. On ne peut rien faire, rien créer de solide sans éclairer les individus. Sur ce sujet tout le monde est d’accord, même ceux qui ont la ferme intention de faire fonctionner l’éteignoir et d’emprisonner l’homme sous le noir capuchon de la dictature. C’est aussi là que gît la difficulté majeure. Un mensonge bien présenté, bien attifé, a généralement plus de poids qu’une vérité trop dénudée. Et les puissances qui dirigent les hommes, ou qui aspirent à les diriger, le savent fort bien. Il est très facile, quand on dispose d’énormes budgets publicitaires, de créer des « mythes passionnels » autour desquels on organise un grand tam-tam pour attirer les foules en quête de paradis.

Il est également facile de préparer de vastes conflits armés, en persuadant les foules que leur bonheur est dans la bataille ; on invente de terribles inimitiés, quand elles n’existent pas ; on met de l’huile sur le feu, là où elles existent. On met en avant les grands principes ou d’invraisemblables prétextes. En définitive, c’est toujours l’élément populaire qui fait les frais de la casse, quel que soit l’enjeu de la tragi-comédie, ce sont surtout les humbles qui s’entretuent.

Les idéologies meurtrières prennent le dessus, quand l’esprit troupeau leur facilite la tâche, quand l’individu cesse de réfléchir pour adopter les slogans publicitaires, quand il se précipite derrière les gros bataillons, quand il se laisse prendre aux promesses des charlatans. Alors les hommes deviennent de simples pions dans le jeu des cyniques qui aspirent au pouvoir ; la société se fait sans eux, contre eux : une société où domine la violence, les conflits, l’hypocrisie, la fraude, la mauvaise foi… »