L’illusion prolétarienne

La plus grande force des régimes totalitaires de notre temps a été d’arriver à inculquer les mêmes idées à une foule de gens qui savent parfaitement lire, mais qui n’ont pas la capacité de choisir leurs lectures. Le Pouvoir choisit pour eux, décrète ce qui est bon et ce qui est mauvais et, par une diffusion constante de contre-vérités très acceptables, voire par l’exploitation maxima du sentiment chauvin, parvient à créer un fanatisme que rien ne rebute.

C’est ainsi que ce sont agglomérées, sous la bannière de l’anticapitalisme et de l’anti-impérialisme, des foules fanatisées préparant pour elles une exploitation et une oppression plus implacables que celles dont elles croyaient se délivrer. L’espérance prophétique enfoncée dans les cervelles par la prédication marxiste est une de ces formidables escroqueries qui résultent de la duperie des mots et des mythes forgés par une propagande supérieurement organisée.

Les socialistes qui ont précédé Marx tenaient compte de l’infinie complexité de l’être humain, de ses besoins moraux et matériels ; ils lui parlaient de justice, de vérité, de liberté individuelle, de fraternité…Marx est arrivé avec sa pile de bouquins, affirmant solennellement que les seules vérités nécessaires, et accessibles, aux hommes étaient contenues dans son monumental « catéchisme ».

La justice, la vérité, la liberté, la fraternité ne sont pour lui, selon l’expression de son compère Fredrich Engels, que des marottes, idéalistes ou, selon l’expression de Lénine qui est venu apporter sa surenchère, de vaines plaisanteries bourgeoises.

Par une des nombreuses contradictions que l’on peut relever dans ses écrits, Marx, qui a prêché d’exemple quant à l’utilité de l’effort, nie dans sa Bible toute valeur à l’idée individuelle, qui ne peut rien faire au milieu des grands courants qui, seuls, déterminent la marche de l’histoire.

Cette théorie ne pouvait que favoriser de nouvelles tyrannies se disant portées par l’histoire et habilitées pour installer le prolétariat dans un prétendu socialisme qui devait mettre fin à tous les maux.

Non seulement Marx n’avait pas du tout prévu que ses théories serviraient d’alibi à la dictature d’un parti, mais il n’avait pas prévu non plus que la classe prolétarienne ne serait pas capable d’assumer son rôle prétendument historique et que le XXè siècle amènerait l’ère des administrateurs, comme dira Burnham en découvrant que la classe qui s’élève et qui tend à tout diriger n’est pas la classe ouvrière, en dépit des prévisions marxistes, mais celle des techniciens de direction, administrateurs, bureaucrates, etc… C’est un phénomène qui est en passe de s’accomplir, non seulement dans les pays capitalistes, mais dans «  la patrie du prolétariat » même.

L’esprit de troupeau et ses conséquences – Louis Dorlet (1971)