Face au Rassemblement National au Havre et ailleurs, faisons jouer notre liberté d’inventer des réalités sociales jamais expérimentées à ce jour.

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Nous subissons Macron depuis six ans avec son cortège de réformes antisociales dont la plus récente, celle des retraites que tout le monde rejette. Mais il s’entête et n’écoute que son ego. Et nous pensons que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Des cadeaux au patronat avec son « quoique qu’il en coûte ! » à la destruction de l’environnement et de la répression des manifestations dont l’emblématique Sainte-Soline avec coups de matraques et LBD pour tous ceux et celles qui s’opposent au désastre social et écologique en cours, nous n’en pouvons plus. Malgré le mépris de Macron , des centaines de milliers de personnes continuent à se mobiliser.

Mais on observe une surenchère autoritaire, avec un pouvoir exercé de manière de plus en plus solitaire. Il joue avec le feu et favorise quoiqu’il en dise, le Rassemblement National de Marine Le Pen qui sort vainqueur des trois mois de conflits sociaux. Elle engrange la colère des travailleurs et des chômeurs. Nous arrivons donc à une séquence de fascisation politique car le pouvoir en place peut de moins en moins obtenir le consentement de la population et exerce de plus en plus son pouvoir sous une forme répressive, sous une forme d’intimidation. Cette fascisation de notre pays progresse dangereusement. Lors des deux derniers deuxièmes tours à la présidentielle, on a proposé aux électeurs le choix entre des gens à la botte des patrons de la finance et du CAC40 (Macron jusqu’à présent mais Edouard Philippe en embuscade en 2027) qui veulent faire encore davantage de profits, continuer la casse des services publics, notamment l’école et la santé, et des conquis sociaux. Ou bien on nous a proposé pour la troisième séance consécutive une femme d’extrême-droite dont les discours et propositions sont des plus inquiétants.

Face à la  banalisation des idées d’extrême-droite dont la rhétorique et les applications sont reprises par des partis décrits comme modérés (LR…) et par le conglomérat de partis au pouvoir, la clique de Zemmour puis des groupes d’extrême-droite en viennent à se sentir tout-puissants. Certains rêvent de prendre la rue pour y semer violence et terreur : c’est le credo traditionnel de la véritable extrême-droite.

La lutte contre l’extrême droite et ses idées ne passera pas par les personnes au pouvoir. Au contraire, dans de savants calculs politiciens, les affidés de Macron balisent la route de Marine Le Pen vers le pouvoir. Darmanin et Macron vont surfer sur la vague de haine qui déferle envers les migrants en y prélevant ce qui leur permet de se maintenir en place.  On voit croître une violence d’État qui non seulement n’hésite pas à réprimer les manifestations, les mobilisations sociales, comme on l’a vu depuis la loi travail en passant par le mouvement des Gilets jaunes et aujourd’hui contre les écologistes à Sainte-Soline. Le pouvoir légifère d’un point de vue sécuritaire et autoritaire. Il désire même interdire les Soulèvements de la Terre et entend attribuer des subventions à des associations aux ordres. Cette perspective de plus en plus liberticide ne nous réjouit pas et augure mal de la suite du deuxième quinquennat. Il opère une espèce de stratégie du choc où il ne s’agit même plus de négocier avec les partenaires sociaux qu’il considère comme du menu frottin, même la réformiste CFDT. Macron méprise les syndicats, inutiles à ses yeux, surtout s’ils sont contre les projets du prince. Ce qui explique depuis les gilets jaunes une très forte impopularité du président des riches à gauche mais aussi à droite. Cette dernière est pourtant avide de strapontins et maroquins ; nous le verrons bien lors d’un prochain remaniement ministériel. Cela amène à cette extrême-droitisation de la société et à la tactique du bouc émissaire. Macron est bien relayé par la voix de ses ministres, même si quelques couacs apparaissent sporadiquement.

Darmanin qui a des visées élyséennes soutient et surtout fait allégeance à sa police – comme l’a montré sa présence devant l’Assemblée nationale lors de la manifestation des policiers en mai 2021. Aujourd’hui, il distille à l’aide de médias peu scrupuleux des informations peu ragoutantes concernant les blessés de Sainte-Soline : certains seraient fichés S. On crée l’amalgame avec les fichés S du terrorisme islamiste.

Pour lutter contre l’extrême-droite, on ne peut guère compter sur Darmanin qui assume de trouver Marine Le Pen « trop molle » en matière de lutte contre l’immigration. En reprenant les thèmes et les mots de l’extrême-droite dans une dangereuse surenchère, le gouvernement porte également une lourde responsabilité.

Regarder et analyser les corps de l’État qui sont consacrés à la sécurité et à la répression est un bon critère pour évaluer la tendance à la fascisation de la société. Quand il y a des morts ou des blessés extrêmement graves (Sainte-Soline…) au cours des mobilisations ou encore, évidemment, dans des commissariats des quartiers populaires. Le constat est amer mais bien là : il n’y a pas le moindre souci de la part du pouvoir en place de freiner cette tendance-là. Avec l’ordre républicain, on peut même penser que le pouvoir encourage la répression afin que les gens aient peur de manifester. Mais jusqu’à quel point de bascule ?

Alors puisque nous ne pouvons compter sur le pouvoir en place pour lutter contre l’extrême-droite, quelles solutions peuvent apporter les libertaires ?

Une des solutions passe par l’autogestion et l’auto-organisation de la lutte au niveau local. Mais pour cela, il ne faut pas cloisonner les thèmes de nos engagements. L’antifascisme doit être articulé à d’autres luttes, notamment les luttes féministes et les luttes écologistes. C’est très important parce que l’extrême droite n’a pas grand-chose à nous dire sur ces sujets, à part le retour de la femme au foyer et le climato-scepticisme. L’extrême-droite intègre l’écologie dans un programme et carcan identitaire. Cloisonner l’antifascisme, c’est prendre le risque que l’extrême-droite récupère chaque domaine de revendications et propositions du camp antifasciste. Contrairement aux militants d’extrême-droite, les militants libertaires sont contre la délégation de pouvoir. A nous de prouver que le camp des travailleurs, c’est le camp de l’écologie sociale, libertaire et féministe.

Pourquoi le féminisme ? Parce que les décisions du monde de l’industrie minière, l’industrie fossile…sont prises par des hommes qui renforcent ainsi la domination patriarcale. Et à l’autre bout de la chaîne, ce sont les femmes qui sont les principales victimes du dérèglement climatique. Les femmes ont donc tout intérêt à se mobiliser pour changer l’ordre des choses. Tout comme les travailleurs et notamment les plus pauvres ont le plus intérêt à prendre leur destinée en main. Mais en réalité, ce sont toutes les classes d’âge, les hommes comme les femmes qui doivent se battre ensemble pour combattre la fracture sociale. Passer à côté de cette fracture ; favoriser par médias interposés les pseudo-conflits de générations qui ont de tous temps existé, c’est entrer dans le jeu de la dépolitisation voulue par le système. Le diviser pour mieux régner. Les libertaires ont un rôle à jouer dans l’évolution des mentalités car ils connaissent l’histoire des mouvements sociaux. La royauté a été renversée en France, ailleurs des dictatures ont été déboulonnées…Et nous pouvons aussi convoquer la pensée de David Graeber. A ceux et celles qui se désespèrent du réchauffement climatique, de l’agriculture intensive, de l’utilisation des pesticides et des polluants éternels, de la pollution industrielle, de l’effondrement de la biodiversité, des guerres…de l’exploitation et de la domination de l’homme et de la femme par une minorité…Il suffit de lire « Au commencement était…- Une nouvelle histoire de l’humanité », un livre vitamine où le rêve reprend ses droits ; et de considérer que la situation n’est pas inéluctable, irréversible et que les lignes peuvent bouger. Et de faire jouer notre liberté d’inventer des réalités sociales jamais expérimentées à ce jour.

Et comme il est dit en quatrième de couverture : « Il (ce livre) élargit surtout nos horizons dans le présent, en montrant qu’il est toujours possible de réinventer nos libertés et nos modes d’organisation sociale. CQFD.

Ce qui nous importe en tant qu’anarchistes, ce sont les moyens à employer pour arriver aux finalités, aux destinations où nous voudrions aller. La question des moyens est aussi primordiale que celle des finalités. Quelles finalités ? Est-ce que tout ce que l’on produit est socialement utile ? Sans danger pour l’environnement ? Peut-on produire en mettant en esclavage des enfants, des adultes pour faire encore davantage de profits ? Et si nous avons une finalité libertaire, peut-on employer des moyens contraires à nos buts ? C’est pour cela que nous sommes anticapitalistes. Les capitalistes ont toujours des arguments à nous vendre pour faire leurs affaires et rester entre eux. Hier, c’était le commerce triangulaire, le travail des enfants dans les manufactures, les mines, les verreries…Aujourd’hui, ce sont les ventes d’armes…Le modèle économique est à revoir du sol au plafond. Le modèle économique et politique qui prévaut aujourd’hui est peu inventif et créatif car il n’entend pas résoudre la question sociale. Il est surtout inutile de compter sur les politiciens pour changer les choses. Ni sur l’Etat ; à Sainte-Soline, ce sont les forces de l’ordre qui ont mis en danger les manifestants. L’Etat n’est protecteur que pour les intérêts minoritaires, ceux des puissants. La violence de l’Etat prime pour défendre ces derniers alors que l’urgence écologique nous menace à tous les niveaux : réchauffement climatique, problème de l’eau, plastiques et pesticides que l’on retrouve dans toutes les chaînes alimentaires et dans notre sang… Alors, non, lutter contre les mégabassines, contre une autoroute, la déforestation…ce n’est pas du terrorisme. C’est de notre ressort de nous soulever, de nous révolter, pour lutter contre ce système étatique. A nous de créer des espaces libres d’expression et de contestation. Tout comme l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, le sauvetage de la planète sera l’œuvre de ces mêmes travailleurs.

Et, « Si je ne peux pas danser, ce n’est pas ma révolution » (Emma Goldman)

Ti Wi (GLJD)