Pourquoi avons-nous perdu ?
Il faudra bien analyser le comment et le pourquoi de l’échec à faire plier Macron sur sa réforme des retraites. Comment avec deux à trois millions de manifestants dans les rues, jusque dans les petites villes, pourquoi avec une intersyndicale soudée, les travailleurs vont partir deux ans plus tard à la retraite. Cette incapacité à gagner mérite notre attention, ne serait-ce que pour de futurs conflits qui ne manqueront pas de survenir à court ou moyen terme.
Nous avions pointé déjà le point faible d’une mobilisation ne s’appuyant que sur la seule suppression de la réforme Macron. S’il était inutile de rédiger un catalogue de revendications qui noient le poisson, il aurait été plus judicieux de coupler le problème des retraites avec celui du pouvoir d’achat en pointant du doigt l’inflation notamment dans le domaine alimentaire et le coût de l’énergie. C’était une piste qui aurait méritée d’être explorée. « Qui sème la misère, récolte la colère ». Fédérer les énergies et les forces était du domaine du possible. Nous l’avions proposé bien en amont ; nous sommes très contents que d’autres soient sur la même ligne que nous maintenant.
Certains nous diront que le nombre de grévistes n’était pas à la hauteur de l’enjeu. D’autres vilipenderont l’intersyndicale pour son attitude timorée jouant avec les grèves saute-moutons qui ne sont pas satisfaisantes…
Peut-être, est-ce un peu tout cela réuni.
Pourtant, nous pouvons constater que bon nombre de travailleurs ont répondu aux mots d’ordre de grève des syndicats. Que l’unité de l’intersyndicale n’a pas permis aux froussards d’invoquer le manque de cohésion syndicale pour ne pas faire grève. Une intersyndicale unie est un puissant moteur de mobilisation, c’est incontestable. Pas forcément dans la grève mais au moins dans les manifestations.
Dans l‘enseignement par exemple, les enseignants se sont bien accommodés des journées de grève comme proposées par les syndicats. C’est indéniable.
Ce qui a manqué, c’est certainement la faiblesse de la participation aux AG corporatives. Faire de l’interpro, c’est bien, mais à condition que l’interpro vienne coordonner les AG de grévistes secteur par secteur. C’est toute la différence avec les grèves de 1995, déjà sur les retraites, où les AG regroupaient des centaines de personnes par corporation, du moins pour les plus importantes.
Le point faible du mouvement du premier trimestre 2023 tient aussi au fait que les syndicats n’ont pas voulu aller à la confrontation pour empêcher les réquisitions. L’interpro aurait pu être bien utile dans ce cas précis. Même si on peut signaler que de nombreuses personnes se sont déplacées pour soutenir la raffinerie de Gonfreville l’Orcher, notamment par l’intermédiaire de militants de « Révolution permanente ».
Douze grèves saute-moutons avec un nombre plus que significatif de manifestants à chaque fois. Nous le répétons, si nous sommes pour la décentralisation des manifestations pour que le plus grand nombre puisse venir près de chez lui manifester, nous pensons qu’une manifestation nationale aurait pu porter ses fruits, comme ce fut le cas pour le 16 janvier 1994 avec l’immense manifestation laïque contre Bayrou qui voulait faire sauter le verrou de la loi Falloux.
Mais il nous faut être réaliste : nous n’avons pas réussi à enclencher la grève générale reconductible ; les gens n’ont pas suivi. Certains secteurs ont bien essayé mais ont arrêté car de nombreux autres travailleurs se contentaient d’une grève par procuration.
D’autre part, le mouvement syndical n’a pas réussi à bloquer le pays. Sans blocage, pas de moyens de pression contre un gouvernement obtus comme celui de Macron. Les temps ont bien changé depuis 1995 où les routiers et les cheminots pouvaient faire pression pour tout le monde.
Le Premier Mai arrive et il sera émaillé d’incidents à Paris et localement car les gens sont en colère mais nous pensons que Macron ne bougera pas sur sa réforme et il va au pas de charge mettre la pression sur d’autres sujets clivant : immigration, chômage et RSA avec contreparties…
Nous espérons nous tromper et nous aurions bien aimé envisager un Mai 68 en 2023 mais cela n’en prend pas le chemin. Mais rien n’est écrit…Soyons optimistes, demandons l’impossible.
Goulago (GLJD)