Réchauffement climatique
Cet été 2022, la France n’a pas été épargnée par les canicules, les incendies, les orages et les pluies diluviennes. De celles qui ne pénètrent pas dans le sol tant il est dur et imperméable. Dans d’autres pays, les morts se comptent par centaines. Les vagues caniculaires ont engendré la sécheresse qui elle-même a permis des incendies dantesques. On n’a pas fini de mesurer les conséquences d’un tel dérèglement climatique. Prenons l’exemple du miel. Si les abeilles ne peuvent butiner sur des fleurs calcinées, la récolte de miel d’été sera très en-deçà de ce qui se produisait en temps normal. Idem pour les légumes, notamment les pommes de terre. Les vaches qui ne peuvent se nourrir convenablement produiront moins de lait…le tout cumulé à l’inflation, la crise de l’énergie, la hausse du budget militaire… le pouvoir d’achat des travailleurs va en prendre un sérieux coup. L’avenir qui se dessine semble sombre. Pourtant il faudra bien prendre les mesures qui s’imposent pour lutter contre le dérèglement climatique qui pourrait s’aggraver bien plus rapidement qu’on ne le pensait. Tant que nous ne remettrons pas en cause nos habitudes de consommation et le régime capitaliste qui induit cette dernière, nous resterons dans le court terme en attendant avec impatience que les températures redescendent. Le trafic aérien, la circulation automobile, la croissance, les productions et emplois inutiles, tout est à revoir. Les possibilités de décarboner, de stocker l’eau, de réduire la chaleur dans les appartements en les isolant mieux… vont devoir s’accroître.
Lors des vagues de chaleur, le potentiel desséchant de l’atmosphère augmente et on constate que de nombreuses plantes se dessèchent, libérant ainsi plus d’énergie lors de la combustion. Il réduit également l’humidité dans les forêts, facilitant l’allumage et la propagation du feu. Autrement dit, du fait du changement climatique et de la hausse des températures qui l’accompagne, les zones les plus humides, qui feraient normalement office de pare-feux, deviennent aussi sèches que celles qui les entourent.
Eduardo Robaina, dans Climat, explique que « le changement climatique exerce un contrôle croissant sur la météorologie des incendies et la superficie brûlée interannuelle, et modifie progressivement l’activité des incendies mondiaux. Dans le cas de l’Europe, au cours des dernières décennies (1980-2020), il y a eu un « changement sans précédent » du régime des feux en été et au printemps qui est lié aux effets du réchauffement climatique, selon une étude récemment publiée dans la revue scientifique « Rapports scientifiques ». L’augmentation des vagues de chaleur et de la sécheresse hydrologique, événements extrêmes de plus en plus fréquents et puissants en raison du changement climatique, sont deux facteurs clés pour déclencher ces incendies dévastateurs », selon cette étude.
De plus, l’étude révèle, entre autres enjeux, que l’espace méditerranéen se réchauffe 20 % plus vite que le reste du monde et que ses grands massifs montagneux (Pyrénées, Alpes, Systèmes ibérique et cantabrique, Apennins, etc.) risque de se réchauffer encore davantage dans le futur. Selon les projections, si la température augmentait de 2 ºC, il y aurait 20 jours de plus de risque d’incendies extrêmes d’ici 2100. En revanche, avec un réchauffement de 4 ºC, il y aurait 40 jours de risque d’incendies de forêt extrêmes.
Ceci n’est pas une question mineure selon Robaina : “ les arbres du continent européen absorbent annuellement près de 10% des émissions totales des gaz à effet de serre, ce qui se traduit par l’absorption de quelques 360 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2 ) par an. Ceci est très intéressant car les incendies donnent lieu à des boucles de rétroaction positives du changement climatique : à mesure que les températures augmentent, le risque d’incendie augmente également ; les incendies libèrent du CO2, qui à son tour fait monter les températures. Pendant ce temps, les surfaces forestières détruites par les incendies se réduisent et la quantité de gaz à effet de serre qu’elles piègent diminue, ce qui accroît le réchauffement climatique. Bref, un cercle vicieux dont il est très difficile de sortir ».
D’autre part, en plus d’entraîner davantage d’incendies, la moindre disponibilité en eau provoque l’affaiblissement des espèces cultivées et la propagation de maladies telles que les champignons et les ravageurs, affectant les niveaux de production. Les parasites augmentent en nombre et produisent davantage de dégâts. Les espèces invasives se développent dans la Loire et menacent les écosystèmes. La biodiversité est mise en péril, des micro-organismes disparaissent. Les chaînes alimentaires par voie de conséquence sont mises à mal et risquent de causer des dégâts irréversibles. Certains animaux perdent leur pelage car ils n’arrivent plus à se thermoréguler.
Et pas seulement ça. En Espagne, Sara Serrano a expliqué qu’« une autre conséquence de la canicule est l’augmentation de la consommation d’énergie avec le danger subséquent de surcharge des centrales électriques et des réseaux de distribution. Cela augmente le risque d’interruption de l’alimentation, en raison d’une demande électrique plus élevée pour le refroidissement ».
En France, certaines centrales nucléaires sont à l’arrêt car le manque d’eau ne permet plus le refroidissement d’éléments essentiels au bon fonctionnement, notamment au niveau de la sécurité. Le danger nucléaire est aussi présent dans les zones de guerre comme en Ukraine. Il est aussi présent dans les pays à fort potentiel sismique (Japon par exemple).
La pollution à l’ozone, un danger pour la santé publique
Depuis le début de la canicule, la pollution par l’ozone a explosé. Comme le souligne « Ecologistes en Action » , l’effet combiné des températures élevées et des émissions polluantes des transports et des centrales thermiques (dues à l’utilisation accrue de la climatisation), a augmenté les niveaux d’ozone dans l’air. En fait, dans un tiers des 500 stations qui mesurent l’ozone en Espagne, le seuil de danger établi est dépassé. En France, les incendies posent des problèmes de santé publique au niveau des particules qui ont été respirées par la population proche des zones de feu (Gironde, Monts d’Arrée, Aveyron…).
Serrano explique aussi que « la principale conséquence des incendies est l’augmentation des maladies respiratoires et l’aggravation des problèmes cardiovasculaires. L’Agence européenne pour l’environnement estime qu’entre 1 500 et 1 800 décès prématurés surviennent à la suite d’une exposition à des niveaux d’ozone tels que ceux enregistrés ces jours-ci en Espagne . Et en plus des personnes, l’ozone est également toxique pour l’environnement : il endommage les forêts et réduit la productivité des cultures.
Changement climatique et capitalisme
Il est très important de garder à l’esprit que la principale cause du réchauffement climatique est le changement climatique, mais il est tout aussi fondamental de comprendre qu’il est causé à son tour par le modèle de développement capitaliste. Sans la politique de consommation effrénée et de croissance illimitée du capitalisme, il n’y aurait pas de changement climatique, ou du moins il serait nettement moindre. En effet, l’histoire du développement économique et de l’accumulation de capital depuis la révolution industrielle est l’histoire du changement climatique. Le carbone émis dans l’atmosphère mettant des siècles à se diluer, nous subissons actuellement les effets des émissions d’énergies fossiles produites depuis la fin du 18e siècle.
Pour cette raison, des auteurs comme Andreas Malm ( Fossil Capital : The rise of steam and the roots of global warming , édité par Captain Swing) préfèrent remplacer le terme « anthropocène » (la vérification de l’humanité elle-même en tant que force autodestructrice du milieu) par « capitalocène ». La disponibilité des combustibles fossiles a été un facteur essentiel dans la formation du capitalisme historique, non pas tant en raison des possibilités technologiques qu’elle ouvrait, mais en raison de ses effets politiques. Selon Malm, au départ, la machine à vapeur n’était ni plus efficace ni moins chère que les moulins à eau. Sa généralisation a été la conséquence d’une stratégie capitaliste visant à concentrer les ressources productives afin de dominer les règles du jeu sur les marchés du travail émergents et de contrôler la classe ouvrière.
Tant que l’on ne posera pas la question du capitalisme, on passera à côté de l’essentiel, notamment en ce qui concerne les solutions à apporter pour diminuer aujourd’hui le réchauffement climatique. Il y a urgence à agir mais sans oublier la question sociale, celle qui a été au cœur des revendications anarchistes depuis un siècle et demi. Pas question que les pauvres paient pour l’empreinte carbone des riches. A ce titre, les actions directes visant les jets privés, le rebouchage de trous de golf au ciment, le dégonflage de pneus des gros 4X4, le débranchement des publicités lumineuses en ville, les attaques contre certains centres équestres qui arrosent le sol afin d’éviter que celui-ci, poussiéreux, ne salisse les habits d’une coterie qui tourne en rond…sont des actions dans lesquelles les libertaires se reconnaissent et dont ils sont parfois à l’initiative. Idem contre ces propriétaires de piscines qui gaspillent l’eau si nécessaire à la vie, surtout en période de sécheresse. Gageons que d’autres militants n’agissent contre les chasseurs qui parcourent des kilomètres en grosses cylindrées polluantes dans les sous-bois avec une faune en situation de stress animalier dû aux canicules successives.
L’assèchement des cours d’eau favorise la mortalité piscicole. De nombreuses espèces d’oiseaux se retrouvent déshydratées (hirondelles…) et les oiseaux migrateurs changent d’habitude et induisent des changements dans la chaîne alimentaire. Nous n’avons pas fini de compter nos morts et celles des animaux. Alors oui, la lutte contre le dérèglement climatique est une priorité incontournable, dès aujourd’hui.
Patoche (GLJD)