Les canicules sont-elles épisodiques et accidentelles ?
A force de considérer les fortes chaleurs comme épisodiques, l’Etat se dédouane de ses responsabilités et ne se donne pas les moyens de penser et d’agir face aux mutations climatiques qui se profilent. Aussi, l’Etat fait l’autruche et raisonne à court terme. Il communique sur des plans d’urgence mis en place de manière récurrente maintenant, afin de se donner bonne conscience et d’éviter que la mortalité due aux canicules ne dépasse celle de 2003. Mais est-ce vraiment une bonne idée que de tout espérer de l’Etat ? Il faut bien se rendre à l’évidence que les vagues de chaleur submergeront dans les décennies à venir, la planète. La France ne sera aucunement épargnée par le phénomène. Les vigilances orange ou rouges n’empêchent nullement les pics de chaleur et quand les nuits sont suffocantes, la vie devient dure. Tant au travail qu’à la maison. Il est grand temps que le réchauffement climatique soit pris en compte dans les faits et comme une donnée qui reviendra régulièrement. Autant donc prendre les dispositions qui s’imposent dès aujourd’hui pour rendre plus vivable l’atmosphère en temps de canicule. Nos amis du pourtour méditerranéen européen, habitués aux grandes chaleurs, ont mis en place depuis des lustres des solutions : plantation d’arbres qui procurent de l’ombre, maisons peintes en blanc pour réfléchir le soleil, voiles pour protéger les passants dans les rues piétonnes, ce qui procure de l’ombre et de la fraîcheur, nombreuses fontaines et points d’eau, arcades…Nous pourrions de même imposer la gratuité des transports en commun afin de limiter le trafic de voitures. Des communes comme Le Havre proposent cette gratuité les jours de pollution importante. Il faudrait étendre ce système tous les jours. Des villes comme Bordeaux étendent les horaires d’équipements publics qui peuvent apporter de la fraîcheur comme les piscines, les musées…Ce sont de bons exemples qui dénotent que les communes ont des possibilités d’imagination et d’action que l’Etat central n’a pas.
Dans le contexte de réduction de l’énergie et des matières premières disponibles, de la montée des conflits pour le contrôle des ressources, l’État ne pourra pas rester sans changements majeurs. Nous croyons que le modèle d’État-nation qui a émergé au stade fossile du capitalisme, du moins dans les pays occidentaux, va voir son rôle décroître au profit des régions et des communes ou bien au contraire s’autocratiser encore davantage à l’instar du régime chinois. Cela n’implique pas la disparition de l’État dans le premier cas de figure. Dans le deuxième cas, le contrôle social et la répression vont s’amplifier.
La principale faiblesse de l’état fossile est qu’il est trop complexe pour se maintenir dans un environnement où l’énergie disponible diminue. Les organisations sociopolitiques dominantes (qui sont de grands consommateurs d’énergie et de ressources) finissent par rencontrer des problèmes croissants simplement pour maintenir le statu quo, et des investissements supplémentaires dans le maintien de la complexité entraînent des coûts croissants et ingérables. C’est la loi des rendements décroissants appliquée aux structures institutionnelles.
L’État a été renforcé à travers cinq mécanismes fondamentaux : 1) la bureaucratisation ; 2) la stabilisation et l’augmentation des revenus ; 3) la monopolisation de la force ; 4) la création de légitimité ; et 5) l’homogénéisation culturelle de la population. Tous régresseront en conséquence de la moindre disponibilité de l’énergie et de la simplification sociale qui en résultera (par exemple, la bureaucratie aura moins de ressources disponibles). Ainsi, l’Etat sera de moins en moins en moins présent dans de nombreuses zones du territoire. Il n’y aura pas un seul déclencheur de la crise de l’État, mais plusieurs qui épuiseront les structures jusqu’à ce qu’elles soient insoutenables.
Les gouvernements auront des budgets de plus en plus précaires. Les revenus vont baisser (moins de cotisations sociales du fait de la hausse du chômage et de la baisse des salaires, plus grande difficulté à recouvrer les cotisations des entreprises, boom de l’économie souterraine), les dépenses vont augmenter (sauvetage des entreprises et des banques, allocations chômage, augmentation de la facture énergétique, guerres pour les ressources, gestion des catastrophes climatiques et migration) ; il y aura des postes importants difficiles à couper (maintenance des infrastructures, paiement de la dette…) et la capacité de financement diminuera, du moins pour les États « moins fiables ». Ceci dans un contexte où de nombreux pays sont déjà dans des positions très vulnérables avec des niveaux d’endettement très élevés. La crise énergétique va accroître le mouvement.
Les « classes moyennes » ont été un élément clé du développement de l’État capitaliste (et ont été créées par lui) : en pratiquant une consommation massive, elles ont soutenu la croissance ; et en votant pour des partis « du centre », ils ont garanti la stabilité politique. Mais ils sont voués à beaucoup diminuer. Les principales caractéristiques des « classes moyennes » sont d’avoir une sécurité financière raisonnable (sans être rentier), une sécurité physique et psychologique. Ces éléments vont se briser du fait de leur perte de pouvoir d’achat (baisse des salaires, chômage, moindre accès aux biens de base, hausse des impôts) ; par le fait que l’emploi stable a cédé la place à l’emploi précaire (ubérisation, temps partiels non choisis…), dans lequel on ne sait pas non plus comment s’épanouir ; et par la réduction des services publics et sociaux. L’« état d’exception » dont a toujours souffert la population appauvrie se répandra dans tout le corps social. Ce processus deviendra plus aigu à mesure que la population qui jouit encore de conditions de travail relativement bonnes diminuera.
Les prévisions semblent pessimistes mais il arrive toujours un point où acculé le peuple n’a plus d’autre choix que de se rebeller. Et là, le meilleur comme le pire peuvent arriver. Espérons que ce sera le meilleur pour un autre futur et la survie de la planète.
Dans le cadre de cette survie, il ne faut pas oublier qu’une centaine de multinationales sont responsables aujourd’hui de 70% des émissions de gaz à effet de serre. Si des gestes individuels peuvent diminuer la pollution, les émissions de ces fameux gaz…nous nous devons de nous en prendre au capitalisme qui devient de plus en plus criminel en jouant la carte du laxisme. Pour ce faire, les jeunes (et les moins jeunes) doivent apprendre à penser par eux-mêmes. A se donner des moyens d’investigation pour contrer les fake-news, les complotistes, les climatosceptiques, les spéculateurs…et enfin à agir selon les moyens et actions définis par le plus grand nombre. Les guerres permettent à des gens sans éthique de gagner beaucoup d’argent sur la mort, d’autres à empocher des sommes rondelettes en spéculant sur la nourriture. Il est évident que ces mêmes personnes sauront engranger des profits sur le dos des victimes du réchauffement climatique. La morale anarchiste sera bien utile pour lutter contre les profiteurs de tous les maux de la société. En attendant, des incendies sont survenus à grande échelle en Gironde, dans les Monts d’Arrée, et en de nombreux endroits en France, en juillet 2022. Plus de 1000 décès ont été enregistrés en Espagne et au Portugal à cause de la canicule et l’été n’est pas terminé. Les conséquences de ces incendies inquiètent aussi les pneumologues quant aux particules fines ingérés par les personnes se trouvant à proximité des feux de forêt ou de broussailles. Il est temps que la population se réveille et agisse.
Ti Wi (GLJD)