
Violences conjugales, féminicides, incestes, pédophilie, rixes entre bandes rivales, attaques au couteau, drogues, harcèlement, conditions de travail dégradées, salaires en berne, plans de licenciements, ghettoïsation des quartiers et des écoles, racismes, réseaux sociaux, etc…on pourrait égrener encore d’autres éléments de cette violence multiforme.
L’assassinat d’une surveillante, assistante d’éducation au collège Dolto à Nogent, mardi 10 juin 2025, par un élève de 14 ans, a montré une nouvelle fois que les établissements scolaires n’étaient plus un sanctuaire préservé de la violence de la société. Pas de chance pour l’extrême-droite, c’est un gamin français bien de chez nous qui est à l’origine du meurtre et dont il n’éprouve apparemment aucun regret et aucune compassion. Il n’y aura pas de récupération raciste cette fois-ci. Mais comment cet élève qui avait été exclu temporairement par deux fois de son établissement scolaire a-t-il pu passer sous les radars d’un suivi. Comment des surveillants se retrouvent-ils souvent seuls aux portes des établissements ? Voilà deux questions qui appellent des réponses de l’Etat qui fait semblant d’être démuni. La réponse sécuritaire ne peut être une réponse à ce type d’acte odieux et incompréhensible. Des portiques à l’entrée des établissements ? Est-ce que cela empêche les tueries de masse dans les écoles aux Etats-Unis ? Qui paiera pour les portiques et qui les encadrera ? A l’heure où Elisabeth Borne cherche des économies, cela ressemble à du foutage de gueule. Interdire les réseaux sociaux avant 15 ans, voilà une mesure qui ne coûte pas cher…
Par contre, un bilan des politiques éducatives successives depuis une quarantaine d’années n’a pas l’air de s’imposer dans les hautes sphères. Combien de postes de surveillants ont été supprimés depuis les années 1980 ? Ces postes étaient réservés à des étudiants qui suivaient des études et passaient des examens pour devenir en général, enseignants. Les étudiants avaient jusqu’à l’âge de 28 ans pour obtenir leur diplôme. Après, si ce n’était pas le cas, il leur fallait changer de voie et trouver un autre cursus. La formation des actuels assistants d’éducation est quasiment inexistante ou inadéquate quand elle est mise en place par des dispositifs hors sol et générique.
Combien de Rased ont été supprimés dans les écoles primaires ; combien de temps faut-il entre le signalement d’un enfant et sa prise en charge ? Où en est-on de la psychiatrie, sachant que pour les adultes bon nombre de services n’ont plus de psychiatre dans les hôpitaux publics, que pour les enfants, les temps d’attente pour leur prise en charge sont extrêmement longs. Les services de pédopsychiatrie qui ont pour mission la prévention et les soins des enfants et des adolescents en difficulté ou en souffrance psychologique et psychiatrique ne sont présents que dans les grandes villes et sont submergés de demandes. Les soins externes et traitements ambulatoires sont à l’os comme tout le système de santé.
L’école n’est pas une bulle à part, elle reflète ce qu’est la société. Et la société va de plus en plus mal. Il suffit de regarder les journaux, les infos au quotidien pour constater que tout est anxiogène : le dérèglement climatique, la guerre présente sur tous les écrans, les « plans de sauvegarde de l’emploi » pour les parents etc.
Alors, l’Education Nationale botte en touche. Il faudrait s’occuper davantage des enfants hors temps scolaire voire raccourcir les vacances d’été…Comme si c’était nouveau. On a beau changer l’intitulé sur les rythmes de l’enfant en « une convention citoyenne sur les rythmes scolaires », on a toujours les mêmes ingrédients inefficaces surtout quand on manque de moyens financiers.
A partir du moment où on ne prend pas en compte le temps de travail des parents, parce que le temps de l’enfant, c’est d’abord le temps social de leurs parents, on passe à côté de beaucoup de choses. Les femmes de ménage qui se lèvent très tôt pour nettoyer les bureaux et qui rentrent très tard après avoir nettoyées d’autres bureaux ne peuvent s’occuper de leurs enfants car c’est la croûte qu’il faut gagner en priorité. La caissière qui bosse le dimanche, l’ouvrier qui est astreint aux 3X8 ou aux quarts norvégiens…, tous ces éléments de réflexion passent à la trappe dans les ministères. Le rythme scolaire pour les familles monoparentales par exemple, c’est un besoin de garde qui permet d’aller travailler. Quand les municipalités ne peuvent encadrer après l’école la garde des enfants ou jusqu’à 18 heures, ce sont les aînés des fratries qui prennent le relais en attendant l’arrivée des parents qui rentrent souvent exténués du travail. Mettre les enfants devant la télé, envoyer les enfants jouer dehors sont souvent des recours bien moins éducatifs que d’aller dans les musées etc. mais c’est tellement la réalité vécue pour bon nombre d’enfants de travailleurs.
Sur le temps de l’enfant, notamment durant les vacances estivales, nous avons tous une responsabilité. Pourquoi ? Parce qu’auparavant il y avait les colonies de vacances organisées par les Comités d’entreprise à des prix raisonnables. Aujourd’hui la plupart des C.E ont vendu leurs locaux. On est passé du collectif à l’individuel où les travailleurs préfèrent un voyage avec leur famille en « all inclusive », leurs billets de ciné etc. Les seules colos qu’il reste sont inabordables pour des enfants de la classe ouvrière. De surcroît, on retrouve les colos de classe : des colos Rap pour les gamins de banlieue, des colos péniche pour les enfants de classes moyennes, les colos à l’étranger pour les familles les plus huppées. Des colos de l’entre soi.
Les municipalités n’organisent plus de colos mais des centres aérés qui replacent les familles dans les limites de la prise en charge.
Le temps de l’enfant, les rythmes de l’enfant ? Que d’hypocrisie de la part de l’Education Nationale, des communes et même des enseignants. Les contrats éducatifs locaux (CEL) ont été créés en 1998 et visaient à enrichir et mettre en cohérence les activités proposées aux enfants et aux jeunes dans les temps périscolaires, extrascolaires et des vacances… Ils succédaient à d’autres dispositifs (PEL etc.). Depuis l’après-guerre, on parle du rythme scolaire, de la chronobiologie….
De même, quand l’Education Nationale a supprimé l’école le samedi matin pour le remplacer le mercredi matin, on était dans les rythmes scolaires. Et on constate aujourd’hui qu’il n’y a plus école ni le samedi matin ni le mercredi matin en Haute-Normandie par exemple. A noter qu’à Paris, les enfants ont classe le mercredi matin.
Le problème a toujours été la qualification des intervenants pour encadrer les jeunes hors temps scolaire et la stabilité de ce personnel. C’est difficile de fidéliser un personnel avec des horaires atypiques et qui est payé avec un lance-pierres. Quand des ateliers sont encadrés par du personnel sous-qualifié, c’est contre-productif car l’on revient à de la garderie déguisée. Tant que l’institution n’aura pas pris en compte ces données, les mesures concernant les rythmes ne seront que de la poudre de perlimpinpin.
Elisabeth Borne ouvre un débat sur les « rythmes » pour en réalité augmenter le temps de travail du personnel éducatif. Mais où sont passées les classes de découverte pour tous les élèves, à la mer, à la montagne, classe verte, spéléo… ? En réalité, les enfants d’ouvriers sont pénalisés par une absence de contenus, une absence de projet éducatif car on ne met plus les moyens financiers là où ils étaient mis auparavant. Allonger le temps scolaire avec du personnel déjà tellement sollicité, malmené et parfois épuisé ne va pas améliorer la situation.
Vient s’ajouter à cela, la prise en charge d’enfants en situation de handicap, ce que l’on appelle l’inclusion. Et parfois la scolarisation des mineurs isolés ou non-francophones. Sacré défi. En ce qui concerne le handicap, que l’on regarde en Italie, pays qui a mis les moyens pour l’inclusion, bien avant la France. Quand un enfant est scolarisé dans une classe avec un handicap lourd, il y a un autre enseignant présent dans la classe et celle-ci ne compte pas plus de 20 élèves. On est loin du compte dans notre pays.
L’objectif libéral sur l’école est simple : détruire la confiance dans le service public pour continuer à favoriser l’essor du privé et ouvrir de juteux profits aux actionnaires et promoteurs du privé. Aux travailleurs de se libérer de cette aliénation où l’individu au final se complaît dans la servitude et où l’on participe à la reproduction sociale par laquelle d’ailleurs les dominés reproduisent inconsciemment les structures de l’ordre social.
Goulago (GLJD)