
Et voilà le vieux serpent de mer qui refait surface : la capitalisation. Le patronat et les politiciens veulent la peau de la retraite par répartition et quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage.
Le rapport du COR de juin 2025 a formulé des hypothèses en fonction de certains paramètres, et parmi les simulations, il y a celle d’un recul de l’âge jusqu’à 66 ans et demi à horizon 2070. On prépare les esprits à un allongement de l’âge de départ à la retraite à rebours de la demande des syndicats de revenir sur les 64 ans.
Selon le Conseil d’orientation des retraites le régime des retraites est déficitaire de 6,6 milliards d’euros pour l’année 2025, suivi d’une « stabilisation » jusqu’en 2030. Mais vraiment que représentent 6 milliards sur 400 milliards, c’est à dire 1,5% des dépenses de retraite ? On constate que la réforme Macron de 2023 n’a pas réglé le problème tout comme les précédentes réformes dont celle de Hollande. Quand on lit entre les lignes, on s’aperçoit que le problème des retraites, ce ne sont pas les dépenses, qui sont stables à 14% du PIB, mais la baisse des recettes, notamment celles dues au désengagement de l’État sur les finances publiques. Sans compter les exonérations patronales.
Dans la foulée du rapport du COR, le conclave sur les retraites entre dans sa dernière ligne droite. Les syndicats qui espéraient en début d’année aboutir à des pistes pour revenir à un âge légal de départ à la retraite à 62 ans en sont pour leurs frais car c’est à une offensive sur la capitalisation qu’ils assistent, impuissants.
Alors que le système de retraite français repose sur la répartition – les actifs et les entreprises cotisent pour payer les pensions des retraités –, le système par capitalisation consiste à placer les cotisations des actifs sur les marchés dans le but de faire fructifier ce capital qui sera ensuite reversé sous la forme de pensions de retraite. On voit toute la différence et surtout l’instabilité d’un tel procédé.
Édouard Philippe, actuellement maire du Havre et en pole position pour la prochaine présidentielle a évoqué la mise en place d’un « système de capitalisation qui n’a pas vocation à remplacer complètement la répartition, mais qui doit venir compléter le système de répartition », précisant que cette introduction pourrait se faire à hauteur de « 10, 15, 20 % ».
Cet ancien premier ministre de Macron proposait déjà quand il était en poste de porter l’âge de départ à la retraite à 67 ans. Belle perspective pour les travailleurs notamment ceux et celles qui exercent les métiers pénibles. Là, il va plus loin et désire surtout bénéficier du soutien du grand patronat et des financiers qui verraient d’un bon œil des possibilités de placements et de spéculations.
Mais Édouard Philippe n’est pas le seul à faire cette proposition puisque un de ses concurrents directs, l’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a fait de la retraite par capitalisation l’un des axes de sa campagne pour la présidence du parti Les Républicains. Présidence qu’il a gagnée haut la main face à Wauquiez. De la même manière, Gabriel Attal, lui aussi ancien premier ministre, de courte durée, a aussi lancé cette idée en début d’année. Idem pour l’actuel ministre de la Justice Gérald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur, qui a organisé le 11 juin à Paris, une réunion publique intitulée : « Retraites, et si la solution c’était la capitalisation ? » ; ça se bouscule au portillon pour vanter les mérites de la capitalisation. Tout ce beau monde y va de son couplet.
Mais « Les retraites par capitalisation, c’est un système dans lequel les cotisations des assurés servent à acheter des titres – des dettes d’États et des actions – qui vont constituer au fil du temps un capital pour leur retraite future. Et c’est le rendement de ce capital qui finance ensuite leurs pensions de retraite. L’inconvénient, c’est qu’il n’y pas de garantie. Les systèmes par capitalisation ont quasiment tous fait faillite dans la première moitié du XXe siècle en raison des guerres et de la crise financière », explique l’économiste Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l’Université Paris 1, coauteur du livre « Le Système français de protection sociale » (La Découverte, 2021).
Certains économistes ne sont donc pas fans de la capitalisation et pour cause, la Bourse est fluctuante et très instable notamment avec un autocrate comme Trump au pouvoir qui joue avec les droits de douane comme on joue au yoyo.
Le système français actuel de répartition a été mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour que les cotisations des salariés servent à payer les pensions des retraités, selon le principe de solidarité intergénérationnelle.
Mais on voit bien que les politiciens de droite et du centre (Renaissance…) n’aiment pas beaucoup la solidarité, l’entraide…et lui préfère la compétition et les jeux de roulette avec l’argent des travailleurs.
En Europe, les pays qui ont voulu limiter les dépenses liées au système de répartition ont mis en place un système complémentaire par capitalisation, mais non obligatoire. Du coup, les ménages qui n’y ont pas eu suffisamment recours notamment les salariés ayant les plus faibles salaires touchent une faible pension, ce qui ne leur permet pas de vivre dignement.
Est-ce cela que les capitalistes, qui n’ont aucune éthique, veulent pour les travailleurs ? Sans aucun doute.
Le système par répartition tend à réduire les inégalités ; au contraire la capitalisation les accroît.
La France est d’ailleurs l’un des pays où le taux de pauvreté des retraités (12 %) est le plus bas en Europe, au contraire de l’Allemagne (18 %), alors que la moyenne européenne se situe à 16 %, selon les chiffres d’Eurostat. Mais pour nous, 12%, c’est beaucoup trop surtout quand on voit le patrimoine des plus aisés qui n’est que très peu taxé.
Les apprentis sorciers, dogmatiques du libéralisme, n’expliquent pas non plus comment financer l’introduction de la capitalisation, même en système hybride. Comment continuer à financer les pensions des retraités actuels durant la période d’introduction du système par capitalisation. Quel sera les coûts engendrés par une telle mesure ? Avec la droite, on est dans l’idéologie, le social ne leur importe que très peu sauf quand ils sentent le vent du boulet de la révolte populaire.
Mais tout comme l’augmentation de l’âge du départ à la retraite, la capitalisation fera son retour lors de la campagne présidentielle de 2027. En 2027, les travailleurs auront le choix entre la peste et le choléra. A moins que le troisième tour social ne précède cette présidentielle.
Ty Wi (GLJD)