Une réduction du temps de travail ne peut qu’aller de pair avec une exigence d’émancipation et de contrôle ouvrier

Sophie Binet, nouvelle secrétaire confédérale de la CGT veut parler de réduction du temps de travail. Face à un gouvernement qui veut allonger le temps de travail avec sa réforme des retraites, elle entend au contraire le réduire et demande la semaine de 4 jours et les 32h, comme en Espagne. Les arguments sont les suivants : il y a à la fois un bienfait social dans la réduction du temps de travail, notamment pour l’égalité femmes-hommes, mais aussi du point de vue économique car finalement les gens qui travaillent moins longtemps de manière hebdomadaire sont plus productifs. On sent pointer le réformisme car la responsable syndicale veut se concilier le patronat qui finalement n’y perdrait pas en laissant filer quelques heures de travail à leurs ouvriers.

Cette semaine de 32 heures était demandée par les camarades de la CGT-SR durant l’entre-deux guerres face à un chômage important en France. L’Union des Syndicats du Havre, autonome et majoritaire localement, effectuait la même demande au travers de sa presse syndicale. Par expérience, nous savons que les acquis s’obtiennent par la lutte et non par le bon vouloir du patronat.

Si nous étions en régime communiste libertaire, donc rien à voir avec les communistes, genre soviétiques, Chinois  et autres marxistes léninistes, la question de la durée de travail serait réglée rapidement à l’avantage des travailleurs afin de réguler journées de travail et production. Car dans une société libertaire, des organismes régulateurs sous le contrôle des ouvriers et des communes existeraient et éviteraient toute surproduction, les profits capitalistes étant devenus obsolètes. Un point d’équilibre serait recherché.

Il est même certain que non seulement les travailleurs pourraient envisager la semaine de 32 heures mais plus sérieusement la semaine de 24 heures ; les besoins actuels seraient satisfaits à l’échelle de la population mondiale qu’il conviendrait certes de réduire, elle aussi.

Et quand on parle des besoins actuels et que l’anarchisme propose d’instaurer un milieu social qui assure à chaque individu le maximum de bien-être et de liberté adéquat à chaque époque, il est possible que les besoins futurs soient supérieurs à ceux d’aujourd’hui. Le problème écologique devra se poser aussi dans notre modèle de décroissance. Quels besoins seront essentiels et prioritaires ? Comment produire et que consommer ?

Parce que le relèvement du niveau de vie engendrera  une augmentation de la production nécessaire pour les satisfaire. Le modèle de production et de consommation devra être déterminé par les acteurs, c’est-à-dire ceux qui participent au processus de production et de consommation, sans gaspillages, en tenant compte des enjeux écologiques.

L’avantage d’une semaine de 24 heures serait d’atténuer le chômage. Partage du temps de travail, partage des richesses…Voilà qui nous intéresse pour une vie digne. Mais la donne du dérèglement climatique vient se greffer sur nos désirs. Le temps libéré par des semaines moindres pourrait en partie être réservé pour une participation active des gens aux décisions à prendre. Du temps libre pour aussi améliorer l’habitat notamment pour contrer le réchauffement climatique…

Mais malheureusement, nous ne sommes pas en société communiste libertaire et l’application ne serait-ce que de la semaine de 32 heures, même si elle est bénéfique pour les salariés, exigera un effort du patronat. Les patrons qui ont profité des aides Covid, du quoi qu’il en coûte et de tout ce qu’ils ont engrangé auparavant avec de confortables dividendes durant les périodes de prospérité, ces patrons ne sont pas prêts dans leur majorité à réduire le temps de travail des ouvriers. Ils ne voudront pas sauf si on les y oblige, réduire cette partie du travail de leurs esclaves salariés qu’ils s’approprient.

Les patrons ne voudront consentir aucun sacrifice, aucun recul de leurs profits à moins que les travailleurs dont la revendication est légitime les forcent à accepter d’aller dans le sens de l’histoire : la baisse du temps de travail pour aller vers la société des loisirs et moins se tuer à la tâche.

Pour diminuer le temps de travail, il n’est pas question de faire confiance aux parlementaires, ces bonimenteurs de tous temps. C’est par l’action directe que des résultats pourront être obtenus.

L’économie est mondialisée, il faut donc envisager une action ouvrière sur le plan international ; une action nécessaire, efficace et tenace car il en faudra du temps et de l’énergie.

Mais ce que la CGT et autres syndicats ne demanderont jamais, c’est la véritable émancipation, celle qui en finira avec l’exploitation de l’homme par l’homme. Celle-ci ne passera que par la réappropriation des moyens de production et de distribution, par la gestion directe des entreprises par les travailleurs eux-mêmes. Le succès de cette émancipation ne peut être assuré que par la volonté d’obtenir satisfaction. Et là, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Nous voyons bien qu’il ne suffit pas de demander le retrait de la dernière réforme des retraites pour que cela se fasse.

A notre niveau, exiger une réduction du temps de travail ne peut qu’aller de pair avec une exigence d’émancipation et de contrôle ouvrier.

Jipé