
Pourquoi toujours : « Canailles qui déclarez la guerre ! » et jamais : « Crétins qui consentez à la faire ! » ?
Et même, pourquoi pas : « Canailles qui consentez à la faire ! » ?
Manuel Devaldès
O prolétaire, depuis longtemps tu « remplis tes devoirs » : si tu songeais un peu à remplir tes droits.
Ce qui détermine le « droit » des maîtres, c’est la patience et la docilité que les esclaves apportent à les supporter.
En tout esclave consentant à la servitude est un maître qui sommeille. Qui obéit volontiers à plus fort que soi est prêt à imposer à plus faible sa volonté.
Le bon patron aime le « bon ouvrier », le dirigeant aime le « bon citoyen ». Le phylloréra, lui, aime la vigne.
Prenez la bonne habitude de ne pas obéir, de ne pas supporter les chefs, d’être chacun votre propre maître, et vous ne serez pas trahis, vendus, livrés comme un troupeau de bestiaux.
Que l’on dise de certains hommes qu’ils sont « au pouvoir », cela implique que d’autres ne peuvent pas.
Manuel Devaldès
Fraternité (1904)
Salut, homme nouveau, héritier du Grand Soir !
Viens. La table où doivent s’asseoir, manger et boire,
Puis se pencher sur des vérités éternelles
Les hommes qu’unira la communion nouvelle.
Cette table est ouverte aux cœurs fraternitaires.
Citoyens du Cosmos, ignorants des frontières,
Seules nous sont ennemies les âmes mauvaises
Que ni la faiblesse ni la douleur n’apaisent.
Ici plus d’étrangers, c’est la maison commune
Où de tous la volonté de vivre est une.
Un élan magnifique impulse notre vie
Vers des régions naguère à nos vouloirs ravies.
Tels, hommes sans chaînes rêvés par les ancêtres,
Délivrés du marchand, du soldat et du prêtre,
Nous serons les puissants nés d’un profond labour
Qui donneront au monde une leçon d’amour.
Extrait d’Un en-dehors. Manuel Devaldès (1875-1956),
Pensée et Action, Paris-Bruxelles, 1957.)