Tremblement de terre : solidarité avec les populations touchées

Rojava (1)

Jusqu’à il y a quelques années, dans les régions kurdes, le mouvement kurde était considéré comme un mouvement de libération nationale du même type que de nombreux autres qui ont émergé dans les années 1970 et 80. En fait, c’était comme ça à l’origine. Cependant, après l’emprisonnement d’Ocallan, le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) parrainé par le leader lui-même depuis la prison, a connu un virage vers le confédéralisme démocratique, abandonnant le marxisme qu’il invoquait jusqu’alors. Les plus anciens des militants anarchistes se souviennent des manifestations parisiennes où les portraits de Marx, Lénine et Staline ouvraient la marche des partisans du PKK. Comme quoi, certains idéologues peuvent évoluer. Donc, succinctement, on peut dire que le confédéralisme démocratique défend que la libération de la société doit commencer par la libération des femmes du patriarcat et que, loin de considérer l’État comme une solution pour le peuple, c’est un problème qui peut être bipassé par une confédération de communes, organisée à partir d’assemblées populaires. Ce système se construit de bas en haut.

C’est ainsi que le confédéralisme démocratique a pris corps concrètement au Rojava, l’une des quatre parties en lesquelles se divise le Kurdistan historique (Rojava, en Syrie ; Bakur en Turquie ; Basur en Irak et Rojhilat en Iran, selon le nom géographique Ouest-Nord-Sud-Est).

Avec le déclenchement de la guerre civile syrienne et l’apparition de l’Etat islamique, face à une vacance du pouvoir, les Kurdes du Rojava se sont organisés à travers le PYD et une constellation d’associations de toutes sortes, parmi lesquelles Kongra STAR se démarque, lancées pour mener à bien la pratique de son projet révolutionnaire anti-patriarcal, démocratique, radical et éco-socialiste, comptant sur toutes les minorités ethniques de la région ; ils ont formé des milices, les YPG mixtes et les YPJ féminines pour affronter et, au final, vaincre Daech.

L’expérience organisationnelle entamée au Rojava pour contourner le modèle étatique repose sur les conseils populaires. C’est une organisation ascendante qui commence par les conseils de village voire de rue, la commune et le canton (en principe le Rojava était configuré en trois cantons -Afrin, Kobane et Cizire-) pour aboutir à une sorte de plénière, puisque de chaque conseil, deux délégués obligatoires (une femme et un homme) sont élus qui vont à l’instance supérieure. Compte tenu de la configuration ethnique de la zone et fuyant expressément le monolithisme culturel inné à la forme étatique, il existe un système de quotas par ethnie pour la participation aux assemblées communales ; ainsi les ethnies minoritaires se voient garantir une participation minimale de 10%. Alors que la libération des femmes est un principe non négociable du mouvement, ce modèle d’organisation est double : il existe des conseils mixtes et des conseils exclusivement féminins à tous les niveaux de cette auto-administration démocratique. Ainsi, chaque niveau a un coprésident masculin et féminin. Aujourd’hui, au-delà du Rojava, le KCK et le KJK (féminin) fédèrent toutes les organisations démocrates confédéralistes.

Le modèle économique est basé sur la formation de coopératives, et vise à instaurer une économie non marchande, autogérée, proche et aussi autosuffisante que possible.

Dans ces circonstances (en 2015), l’attention des médias s’est portée sur ce qui se passait au Rojava, compte tenu  de la collaboration tactique avec les États-Unis dans la lutte contre l’islamo-fascisme. En même temps l’intérêt d’une partie du militantisme révolutionnaire occidental, principalement le mouvement libertaire s’est concrétisé. Compte tenu des  approches et des expériences et de l’appel express de ses protagonistes aux mouvements « démocratiques » mondiaux.

 

Non seulement les Kurdes ont reçu la sympathie et le soutien moral de certains pays du monde occidental, mais de nombreuses personnes ont également décidé de les soutenir en se présentant sur place, malgré les difficultés, soit pour combattre dans les milices, soit pour leur offrir un soutien logistique ou d’entraînement. L’une des initiatives qui s’est le plus démarquée à cet égard est la création de la Commune internationaliste, qui rassemble des personnes de divers pays désireuses de contribuer à agir concrètement sur le terrain. Il faut le souligner parce que l’analyse et l’information politique tendent à prédominer dans ce qui vient du Rojava, on présente des notions du modèle économique qui, basé sur la formation de coopératives, vise à élaborer une société non marchande, autogérée, proche et aussi autosuffisante que possible, basée sur la connaissance du milieu dans lequel elle se développe et abandonnant les approches extractivistes. Ceci, même avec toutes les difficultés et obstacles imaginables, le Rojava étant la région de Syrie avec le plus de puits de pétrole.

Avec Daech acculé et vaincu (du moins pour l’instant), le projet municipaliste est attaqué par l’État turc qui a conquis, avec le soutien des milices islamistes, l’un des trois cantons dans lesquels s’était configuré le Rojava, celui d’Afrin, en 2018. Depuis, des violations constantes des droits de l’homme ont été dénoncées dans cette zone, notamment l’utilisation d’armes chimiques, notamment du phosphore blanc, pour laquelle une enquête internationale est demandée au Rojava. De plus, la zone est soumise à embargo. Pendant ce temps, les Kurdes du Rojava tentent de garder le contrôle sur les camps où sont enfermés des islamistes qui, ces derniers temps, parviennent à  s’échapper, ce qui pourrait conduire à une résurgence de Daech, jamais tout à fait éteint. Dans ce domaine, et malgré le fait que les États-Unis aient retiré la plupart de leurs troupes de la région sous l’administration Trump, l’expérience organisationnelle lancée au Rojava pour contourner le modèle étatique repose toujours sur les conseils populaires et continue de résister.

Dans d’autres régions du Kurdistan la population continue sous la botte des États. Ainsi, en Iran des arrestations sont signalées alors qu’en Turquie des membres du parti politique HDP qui réunit la gauche kurde et une partie de la gauche turque ou dont les populations subissent l’oppression sont emprisonnés (surtout en 2017, année où plusieurs municipalités ont choisi de proclamer l’autonomie démocratique). Le Kurdistan irakien autonome est politiquement dominé par le parti de Barzani.

Il y a plusieurs tentatives du mouvement kurde pour trouver des soutiens, entre autres pour que l’UE retire le PKK de la liste des organisations terroristes, pour laquelle il y a eu une campagne de signatures récemment. Cependant, l’attitude des gouvernements européens qui voient un partenaire privilégié en la Turquie ne risque pas de mettre Erdogan mal à l’aise. La guerre en Ukraine consolide la position de la Turquie qui navigue entre l’U.E., l’Otan et la Russie de Poutine.

Tremblement de terre : solidarité avec les populations Kurdes

« Dans la nuit de dimanche à lundi, un séisme dévastateur a frappé le Nord-Kurdistan (sud-est de la Turquie), le nord de la Syrie, ainsi que les régions environnantes. L’épicentre de ce tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 est situé dans les régions kurdes de Marash et Antep, non loin de la frontière syrienne. Un dernier bilan provisoire fait état d’au moins 17 000 morts. D’innombrables bâtiments se sont effondrés, laissant un nombre infini de personnes sans abri, sous la neige et la pluie. Des milliers de personnes sont coincées sous les décombres, alors que les secours sont quasiment absents dans de nombreuses zones.

 

Beaucoup de villes ont été en grande partie dévastées par le tremblement de terre qui a également affecté la capitale kurde de Diyarbakir à 300 km de l’épicentre, ainsi que la région à prédominance arabe de Hatay en Turquie.

Les effets du séisme sont aggravés par la corruption endémique qui a été institutionnalisée au cours des deux décennies de règne de Recep Tayyip Erdogan et de son Parti de la justice et du développement (AKP). Les nominations dans les ministères, notamment les ministères de l’Environnement et de l’Urbanisation, sont plus déterminées par le népotisme et la loyauté envers Erdogan et l’AKP que par le mérite et les compétences.

Au nord de la Syrie, le Rojava, une région déjà affectée par l’occupation et les agressions militaires turques, a subi de grandes pertes. Alors que des centaines de milliers de personnes ont été déplacées en Syrie par les agressions militaires turques, ce terrible séisme qui survient en plein hiver va aggraver la crise humanitaire dont souffrent déjà les peuples de la région, notamment les Kurdes, les Arabes et les populations chrétiennes.

Il est notoire que la Turquie et le Kurdistan sont situés sur des lignes de faille géologiques majeures, ce qui expose la région à des risques de tremblements de terre importants. Néanmoins, les autorités turques n’ont jamais pris les mesures nécessaires pour prévenir ces risques.

Le CDK-F partage la douleur de toutes celles et ceux qui ont perdu des proches dans cette catastrophe. Nous leur présentons toutes nos condoléances et souhaitons un prompt rétablissement aux personnes blessées.

Sachant par expérience le traitement réservé par le régime d’Erdogan aux populations kurdes affectées par les catastrophes naturelles, nous relayons l’appel de l’organisation humanitaire kurde Roja Sor (Soleil rouge) à soutenir les milliers de personnes sinistrées par cette tragédie, et leur épargner ainsi d’être victimes des calculs politiques du gouvernement islamo-nationaliste turc. »

Nous considérons que le bilan tragique de cette catastrophe est en grande partie imputable à une politique d’abandon et de mépris du gouvernement turc pour les populations des régions majoritairement kurdes.

Don par Carte Bancaire Helloasso