Pourquoi sommes-nous révolutionnaires ?
Nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons la justice et que partout nous voyons l’injustice régner autour de nous. C’est en sens inverse que sont distribués les produits du travail. Nous voyons par exemple des enseignants, du personnel soignant…des professions d’utilité sociale non reconnues financièrement alors que des spéculateurs qui ne créent rien amassent beaucoup d’argent qu’ils réinvestissent dans la bulle spéculative. Même chose pour les travailleurs qui à la fin du mois tirent le diable par la queue : on les emprisonne même quand ils font grève ou qu’ils manifestent avec les gilets jaunes.
La police matraque et tire à son aise. Des personnes en robe noire, qui se disent la justice par excellence, condamnent les pauvres mais absolvent les riches car notre système bien huilé supporte mieux la délinquance financière que celle des petits larcins commis par de pauvres bougres.
Tout cela nous paraît infâme et nous voulons le changer. Contre l’injustice, nous faisons appel à la révolution. De nombreux politiciens dits de gauche nous demandent d’attendre car d’un côté ils veulent se dispenser d’agir, de l’autre, la lente évolution des choses leur suffit ; la révolution leur fait peur. Entre eux et nous, l’histoire a prononcé. Jamais aucun progrès, soit partiel, soit général, ne s’est accompli par simple évolution pacifique et s’est toujours fait par révolution soudaine. Si le travail de préparation s’opère avec lenteur dans les esprits, la réalisation des idées a leur brusquement : l’évolution se fait dans les cerveaux, et ce sont les bras qui font la révolution.
Et comment procéder à cette révolution que nous voyons se préparer dans la société et dont nous aidons l’avènement par tous nos efforts ? Est-ce en nous groupant par corps subordonnés les uns aux autres ? Est-ce en nous constituant comme le monde bourgeois que nous combattons en un ensemble hiérarchique, ayant ses maîtres responsables et ses inférieurs irresponsables, tenus comme des instruments dans la main d’un chef ? Commencerons-nous par abdiquer pour devenir libres ? Non, car nous sommes anarchistes, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui veulent garder la pleine responsabilité de leurs actes, qui agissent en vertu de leurs droits et de leurs devoirs personnels, qui donnent à un être son développement naturel, qui n’ont personne pour maître et ne sont les maîtres de personne.
Nous voulons nous dégager de l’étreinte de l’Etat, n’avoir plus au-dessus de nous supérieurs qui puissent nous commander, mettre leur volonté à la place de la nôtre. Nous voulons déchirer toute loi extérieure en nos tenant au développement conscient des lois intérieures de toute notre nature. En supprimant l’Etat, nous supprimons aussi toute morale officielle, sachant qu’il ne peut y avoir de la moralité dans l’obéissance à des lois incomprises, de pratique dont on cherche pas même à se rendre compte. Il n’y a de porale que dans la liberté. C’est aussi par la liberté seule que le renouvellement reste possible.
Nous voulons garder notre esprit ouvert, se prêtant d’avance à tout progrès, à toute idée nouvelle, à toute généreuse initiative. Mais si nous sommes anarchistes, les ennemis de tout maître, nous savons que la vie est impossible sans groupement social. Isolés, nous ne pouvons rien, tandis par l’union intime nous pouvons transformer le monde. Nous nous associons les uns aux autres en hommes et femmes libres et égaux, travaillant à une œuvre commune et réglant nos rapports mutuels par la justice et la bienveillance réciproques. Les haines religieuses et nationales ne peuvent nous séparer, puisque l’étude de la nature est notre seule religion et que nous avons le monde pour patrie.
Nous n’avons point à tracer d’avance le tableau de la Société future. C’est à l’action spontanée de tous les hommes et femmes libres de la créer et de lui donner sa forme, d’ailleurs incessamment changeante comme tous les phénomènes de la vie. Mais ce que nous savons, c’est que toute injustice, tout crime de lèse-majesté humaine nous trouverons toujours debout pour les combattre. Tant que l’iniquité durera, nous, anarchistes, nous resterons en état de révolution.
Merci à Elisée Reclus pour les emprunts.