Après une année 2023 où nous avons perdu contre Macron et le patronat à propos de la réforme des retraites où nous allons devoir charbonner deux années supplémentaires, où les guerres (Ukraine, Palestine, Tigré…) ont fourni et fournissent encore leur lot d’horreurs, où les avancées sur le climat sont des plus timides, où la prépondérance des budgets militaires diminue d’autant les budgets consacrés à l’Education, la santé et les services publics en général…Où la droite et l’extrême-droite se gaussent d’être les instigateurs de la loi immigration, le R.N. se prévalant d’une victoire idéologique et où le camp antifasciste a bien du mal à faire entendre sa voix…Rien ne nous dit que 2024 sera meilleure, malheureusement.
Et ce n’est pas le discours tartuffe de Macron lors de ses vœux aux Français du 31 décembre qui viendra nous réconforter. Il a employé plusieurs fois le terme « détermination », et ce n’est pas de bon augure pour les travailleurs. Macron va s’efforcer de réformer jusqu’en 2027, fin de son mandat. Il sait déjà que les élections européennes de juin 2024 vont être défavorables au camp présidentiel mais il s’en fiche. Par contre, il n’a pas fini encore son œuvre de dérégulation du droit du travail voire des services publics restants.
L’enseignement privé tire son épingle du jeu au détriment de l’école publique qui n’en finit pas de péricliter. L’hôpital est toujours en souffrance et ne voit aucune issue à la crise que la santé traverse depuis des années.
Cette fin d’année fut aussi marquée par l’affaire Depardieu et le soutien apporté par le chef de l’Etat à ce dernier. Aucun mot pour les victimes d’agressions sexuelles. Avec un ami comme Macron, Depardieu n’a pas besoin d’ennemis. Une cinquantaine d’artistes ont signé une tribune pour soutenir « le monstre sacré ». Le monstre tout court, diront des centaines d’autres artistes dans d’autres tribunes. A juste titre. Là encore, un proche de Zemmour était à la manœuvre pour initier la tribune de soutien à Gégé. Ca fait très beauf tout ça. Et certains soutiens se désolidarisent…Très opportunistes les soutiens.
A l’heure où le nombre de féminicides ne baisse pas en France, où l’on a recensé 759 femmes, en 2022, qui se sont suicidées ou ont tenté de le faire en lien avec le harcèlement de leur conjoint, où de même le ministère de l’Intérieur a comptabilisé 244 300 femmes qui ont subi des violences physiques ou sexuelles, en 2023, on ne peut minimiser ce scandale Depardieu. Et encore, parmi les 2440300 femmes violentées, on ne comptabilise que celles qui sont âgées de 18 à 75 ans. C’est-à-dire que les femmes de plus de 75 ans ne sont pas prises en compte dans les statistiques (les toutes jeunes non plus). Un lecteur du Libertaire nous a signalé qu’un homme de 77 ans a pris sa carabine le dimanche 17 décembre dernier, au Havre, l’a chargée et mis le canon de celle-ci sur le front de sa femme de 78 ans en criant qu’il allait la tuer. Elle a réussi à s’enfuir dans la rue et appeler son fils et la BAC est arrivée dans la foulée. Les affaires criminelles comme celles-ci ne sont donc pas prises en compte. Pourtant les tentatives de féminicides de tous âges doivent se compter par centaines. Seuls les drames restent dans les mémoires et sont répertoriés.
Au-delà de l’affaire Depardieu, c’est la nécessité de mettre les artistes et les intellectuels face à leurs responsabilités.
Prenons l’exemple de la pédophilie, celle-ci n’a pas toujours été condamnée par les intellectuels français. À partir des années 1970, de nombreuses personnalités de tous bords politiques ont demandé, au nom de la liberté, que la loi permette aux adultes d’avoir des relations sexuelles avec des enfants. L’esprit 68 avait bon dos pour les pervers.
En 2013 (ce n’est pas si lointain), quand Gabriel Matzneff a reçu le prix Renaudot, aucun journaliste littéraire, pas un seul, ne s’est interrogé sur le bien-fondé de cette récompense. La vie d’une adolescente anonyme n’est rien face au statut d’un écrivain pensait-on dans les salons. Dans son roman autobiographique, Vanessa Springora dénonça la complaisance des milieux artistiques et littéraires français ainsi que les médias qui fermèrent les yeux sur des écrits qui firent la promotion de la pédophile au prétexte que l’oeuvre prime l’auteur. Ici tout est dit, l’œuvre prime l’auteur. D’autres diront, il faut séparer l’œuvre de l’individu, ce qui revient au même. C’est en partie la défense des admirateurs de Depardieu.
Le 23 mai 1977, dans les pages « Opinions » du Monde, 80 intellectuels français parmi lesquels Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Jacques Derrida, Philippe Sollers, Daniel Guérin (le chantre du marxisme libertaire)…signèrent un texte pour demander que la loi décriminalise les rapports sexuels entre les adultes et les enfants de moins de 15 ans. Et on évitera de parler des élucubrations de Dany le Rouge évoquant ses « expériences » d’éducateur en Allemagne…
Quand plusieurs personnes ont voulu canceller le peintre Gauguin à Clohars-Carnoët en Bretagne mais aussi ailleurs, certains ont pris le contre-pied en spécifiant qu’alors il fallait mettre au rencart les tableaux de Léonard de Vinci car le maître italien aimait beaucoup la chair fraîche, lui aussi. Parmi ses amants, le jeune Salai que le génie toscan prit sous son aile alors qu’il n’avait que de 10 ans…
De même, pour les œuvres de Louis Aragon car l’écrivain communiste, sur ses vieux jours aimait à se consoler d’Elsa dans la pénombre du Louxor à Barbès, alors cinéma porno. L’auteur de « ce qu’il nous faut, c’est un Guépéou », aimait y caresser les jeunes maghrébins, souvent mineurs, qui fréquentaient les lieux pour se faire de l’argent de poche…
Nous pourrions parler de tant d’autres comme Polanski ou Sébastien Faure…
Quand on tripote une gamine, quand on est pris la main dans la culotte, quand on viole…on entre dans des actes de criminalité. Il n’y a pas d’hypothétique consentement. C’est encore une question d’emprise et de domination, celles qu’en tant qu’anarchistes nous condamnons. Nous sommes du côté des victimes sans ambigüité.
Alors, oui, la menace fasciste est à nos portes et la République française poursuit sa dérive autoritaire. Oui, le comportement de certains de nos congénères nous heurte et doit être condamné, qu’ils soient citoyens lambdas ou très connus.
Pourtant, nous continuons à rêver d’un autre monde. Notre bel idéal de socialisme libertaire nous empêche d’accepter ce monde injuste, corrompu et meurtrier, tel qu’il est. C’est avec nos mots, notre énergie que nous voulons transformer le monde.
C’est pour cela que nous souhaitons à tous et toutes : Santé et Anarchie pour 2024.
Patoche (GLJD)