Une grève longue, historique dirons nous.
Entre les pessimistes qui tempêtent que la majorité des Français n’est pas en grève, qu’ils sont au boulot, à faire les soldes dans les magasins, à faire la grève par procuration et les optimistes qui sont dans l’action au quotidien vivant dans un microcosme militant qui ne veut rien lâcher, se trouvent de nombreux salariés qui aimeraient faire grève mais sont étranglés par les prêts immobiliers, auto, sans compter ceux et celles qui ont leurs enfants en étude et puis tous ceux qui ne font pas grève par peur des représailles patronales ou de l’image qu’ils pourraient renvoyer à leurs chefs…Bref un éventail de situations diverses et variées. LES salariés des TPE et PME sont quasi absents du conflit, c’est un constat. Non qu’ils approuvent la réforme mais c’est très difficile de mobiliser dans ces secteurs d’activité.
Il ne faut pas se leurrer donc, les grévistes se trouvent dans les grandes entreprises pour la plupart et encore. De nombreux salariés de grosses boîtes comme Renault, Airbus…sont très peu visibles dans le présent conflit. Les camarades de la SNCF et de la RATP se sentent bien seuls même si les travailleurs des raffineries, les enseignants et les dockers sont entrés dans la danse. Pour les plus anciens, ceux qui ont connu les conflits de 1995 ou 2010, il est amer de constater que ce conflit ne fait pas le plein étant donné l’enjeu, un enjeu commun et non spécifique à telle ou telle corporation. Le 5 décembre, point d’orgue de la manifestation, nous étions près de deux millions dans la rue alors qu’en 2010 nous avons connu des pics à 3,5 millions et davantage encore en 1995.
Pendant ce temps, le gouvernement met en avant « ses partenaires sociaux », la CFDT et l’Unsa qui bien que non représentative pourra participer à la gouvernance du système universel. Il faut bien récompenser ses alliés.
Pour autant, le combat n’est pas fini et il risque de s’étaler dans la durée comme le mouvement des gilets des jaunes. Une multiplication de jours de grèves et d’actions médiatiques va perdurer.
Au Havre, le mardi 14 janvier, nous étions près de 8 000 dont 3500 dockers et travailleurs portuaires à manifester. Les pompiers ont copieusement arrosé le sol et les grilles de la Sous-Préfecture ; pompiers très applaudis. Le mercredi 15, 300 personnes ont voulu s’inviter aux vœux de la CCI. Un accident a eu lieu puisqu’ un commissaire de police a été sévèrement touché à la main à cause d’un pétard. Les réactions de classe ne se sont pas fait attendre. Léa Lassarat (ancienne patronne d’Interior’s bien connu de nos camarades de la CNT havraise), la présidente de la CCI y est allée de son couplet, le maire LR aussi. La palme revient à Alternative-Police qui a accusé le syndicat des dockers de mafia qui n’hésite pas à user de violences : « Cela rappelle certaines organisations italiennes. » Peut-être que le syndicat des dockers pourrait déposer plainte lui aussi car associer un syndicat à la mafia qui a à son actif de nombreux meurtres, c’est plutôt diffamatoire.
Le jeudi 16, ce sont 15 à 20000 manifestants qui ont déambulé dans les rues du Havre. A noter des actions sur les rails…un quart des enseignants étaient en grève. Les ports et docks aussi ; ce sont de gros pourvoyeurs de manifestants, c’est pour cela qu’ils sont visibles et pas forcément coupables du moindre incident dans les conflits sociaux.
Ce que l’on peut retenir, c’est qu’une étincelle pourrait mettre le feu aux poudres. La tension après plusieurs jours de grève est palpable. En méprisant les grévistes, en ne les écoutant pas, on les accule…Macron ferait bien de relire « Eloge de la fuite ». Le patronat se plaint des pertes financières de centaines de millions : mais à qui la faute. Les travailleurs se défendent ; c’est de l’auto-défense sociale. Et il ne faut pas voir de politicaillerie dans ce mouvement social. On constate que de nombreux maires se présenteront en mars prochain sans étiquette sous couvert de rassemblement. En réalité, les Français ont une piètre opinion des partis politiques et c’est tant mieux.
Le 24 janvier 2020, il y aura grève et une journée nationale à Paris est plébiscitée par de nombreux grévistes. En attendant, toute occasion de faire parler des grévistes sera bonne. Les manifestations sportives d’envergure serviront de support pour mobiliser par exemple, les coupures sauvages d’électricité rappelleront que le combat continue. Sans compter les surprises…
Les anarchistes sont souvent qualifiés d’utopistes ; pourtant cela ne signifie pas pour nous de regarder ce monde comme magnifique, idéalisé et sans faille ; en bref, comme une illusion que beaucoup cherchent à relier au milieu libertaire. Assez d’illusions, parce que l’art de tromper est dans la publicité, dans la vente de produits superflus aux crédules du monde de la consommation en cette période de soldes comme après les Black Friday. Ce monde est exposé dans les journaux, à la télévision, dans les informations déformées et préjugées. Tout ce que nous savons, c’est que nous voulons le changer ; il est vérifiable au quotidien que le capitalisme tue, détruit et détériore les relations sociales d’une manière jamais vue auparavant. De la même manière, il saccage la nature et met en péril le devenir de la planète.
L’anarchisme est la pensée en action ; «l’action et la pensée deviennent compléments », nous dirait Proudhon. Une théorie sans pratique n’est d’aucune utilité et une pratique est aussi raisonnable et aussi nécessaire qu’une théorie. C’est pourquoi il est impératif de se battre aux côtés des travailleurs pour la défense des acquis, aux côtés des gilets jaunes pour dénoncer un monde inégalitaire et poser les pierres d’une société horizontale sans leader. La pratique nourrit la théorie qui a son tour nourrit la pratique. C’est ici que l’anarcho-syndicalisme prend tout son sens.
Micka (GLJD)