Retraites et dépenses publiques

Jeunesse syndicaliste de Trélazé-1912

Retraites

Avant la Première Guerre mondiale, Jean Jaurès ainsi que de nombreux anarchistes imputaient le déficit des dépenses publiques aux dépenses militaires. Après la Seconde Guerre mondiale, les communistes et encore les anarchistes pointaient du doigt les dépenses militaires liées à la guerre d’Indochine quant à l’accroissement des dépenses publiques.

Aujourd’hui, seuls les anarchistes et quelques pacifistes genre-UPF dénoncent la gabegie des dépenses militaires. Combien coûtent les 7000 militaires français déployés dans le monde, tant sur le plan matériel qu’humain. La moitié de la soldatesque française est mobilisée pour l’opération Barkhane avec quels intérêts politiques et économiques à la clef ? Combien coûtent la construction, l’entretien, les déplacements…des porte-avions, sous-marins nucléaires…Sans compter la loi de programmation militaire.

De l’argent, il y en a ; ce sont les choix des politiques qui posent problème. Syndicats et politiciens de tous bords s’accordent à vouloir défendre l’emploi lié à la production d’armes : 170 000 salariés dépendraient du secteur de l’armement. Au-delà de l’aspect économique, c’est le côté éthique de l’utilisation des armes qui n’est jamais pris en compte, comme si les armes ne mutilaient ou ne tuaient pas. Durant les périodes de guerre, de nombreuses industries métallurgiques ont été transformées en usines d’armement. Il est évident que l’inverse est possible ; une reconversion est non seulement possible mais souhaitable. Notre morale anarchiste est basée sur une production d’objets socialement utiles et non-polluants. Elle est axée de même sur la liberté mais la misère et l’exploitation des prolétaires à l’autre bout du monde, parfois leur massacre, c’est aussi notre problème. La dimension internationaliste des anarchistes est hautement revendiquée.

Alors quand le gouvernement veut changer les règles pour les futurs retraités, nous nous disons que le problème des dépenses publiques est pris par le mauvais bout de la lorgnette. Si on a de l’argent pour faire la guerre, nous devrions en avoir pour les œuvres utiles à la vie et aussi pour les retraites. Le projet en cours validerait de fait un passage à 64 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Les hypocrites disent que Macron a respecté sa promesse de campagne en ne touchant pas aux 62 ans. Mais si le fait de partir à 62 ans implique une décote de pension, on se doute bien que les travailleurs bosseront davantage, notamment ceux qui ont de petites retraites. L’insidieux dans ce projet Delevoye, c’est aussi de constater que les gens pourront travailler au-delà de 66 ans et continuer à engranger des droits. Cela équivaut à valider le fait que les futurs retraités au regard de leurs faibles retraites devront continuer à travailler indéfiniment. Sous couvert de vieillissement actif, le gouvernement enclenche un processus de régression sociale voire morbide. Ne parlons pas des régimes spéciaux. Le personnel hospitalier, infirmières et aides-soignants en tête, bien souvent avec le dos cassé après la cinquantaine, devra allonger de plusieurs années son temps de travail pour finalement gagner moins puisque le calcul des retraites ne s’effectuera plus d’après les six derniers mois de travail mais sera lissé sur toute leur carrière. Belle avancée sociale, sauf pour les chiens de garde du capital, la police et l’armée, qui garderont leurs avantages.

Le but des libéraux est bien entendu de pousser les salariés à souscrire des régimes de retraites privés pour compenser toute perte de pouvoir d’achat. Car au final, le projet équivaut à une baisse drastique des retraites futures. On engraisse le patronat, on dilapide l’argent public pour l’armée qui a toujours besoin d’un ennemi pour justifier son existence et ses dépenses. Hier, nous avions le boche puis la guerre froide. Aujourd’hui, nous avons le terrorisme et Daech. Le tour est joué. Sans compter l’ennemi de l’intérieur, le gilet jaune ou l’anarchiste, qu’il va falloir un peu mieux surveiller.

Nous avons produit dans notre journal « le libertaire », une étude sur le conflit des retraites en 1953 qui pourrait être d’une grande utilité sur le plan syndical mais aussi des gilets jaunes, mouvement spontané, transversal et sans porte-parole officiel.

Aucune ligne de conduite ne peut être donnée car l’histoire ne repasse pas deux fois les mêmes plats même si parfois l’histoire bégaye.

Cependant, l’histoire présente nous enseigne qu’un fossé s’accroît entre l’Etat, ennemi des travailleurs, et une grande partie de la société. Les taux de syndicalisation des années 1950 n’ont plus rien à voir avec l’état léthargique des forces syndicales de 2019. Ceux que l’on nomme « la France périphérique » font partie des perdants de l’économie libérale tout comme les ouvriers et employés des grandes villes. De même pour ceux et celles qui vivent dans les banlieues.

Le régime Macron donne quelques miettes aux manifestants, gilets jaunes ou k-way noirs, pour tenter de maintenir la paix civile mais pas sûr que ces donations fassent taire le mécontentement qui grandit d’autant que le gouvernement surjoue la carte autoritaire et répressive,( Où est Steve ?).

Le problème qui se pose au mouvement ouvrier, c’est que les travailleurs, hormis les militants, manquent de mémoire et sont soumis à la fatalité : « c’est le pot de fer contre le pot de terre, on peut rien changer, c’est comme ça, si on bouge on va dérouiller, ce sera encore pire… ».

De surcroît, l’avenir semble sombre. Les enfants auront peut-être moins bien que leurs parents et la vie même sur terre semble des plus précaires. Pas de quoi réjouir les foules. La peur de l’avenir engendre souvent un désintérêt pour le passé. Et c’est bien dommage car le passé fournit des comparaisons et de bons enseignements. Les libertaires sont porteurs de sens à la fois collectif mais aussi individuel. La gauche a perdu le sens de l’histoire ; les trahisons ont eu raison des mythes. La gauche d’aujourd’hui, c’est la droite d’hier. Parallèlement, Macron tente de disqualifier  toute forme de contestation sociale, c’est une escroquerie intellectuelle qui risque fort de se retourner contre lui à terme.

Pour notre part, nous faisons confiance en ceux qui dépassent les tardigrades et utilisent l’intelligence collective, c’est ce que Pierre-Joseph Proudhon appelait à juste titre : « De la capacité politique des classes ouvrières », car effectivement il existe plusieurs classes ouvrières…et nous nous réclamons de celles qui essaient de faire bouger les lignes et construire des choses concrètes sans vouloir singer pour autant nos prédécesseurs.

Patoche (GLJD)