A tous les chefs d’Etat, les gros patrons, les politiciens, les prélats…présents pour la cérémonie de réouverture de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, le samedi 7 décembre 2024, nous dédions le texte ci-dessous :
Toute la doctrine chrétienne repose sur l’idée de Rédemption. La crédulité des gens les pousse à attendre d’un Messie cette Rédemption à laquelle ils aspirent. Mais le Christianisme n’a jamais racheté la misère, la servitude, le mensonge, la haine de l’homme. De la misère ? Mais ouvrez les yeux : Le chancre du paupérisme continue à étendre sur l’humanité ses ravages dévastateurs. Les masses humaines continuent à être écrasées sous le fardeau du froid, de la faim et des privations. La misère n’atteint-elle pas, aujourd’hui autant et peut-être plus qu’il y a deux mille ans, des enfants, de tout petits enfants desquels il est impossible de dire que s’ils sont malheureux et privés de tout, c’est qu’ils l’ont mérité ? Leur existence en est à ses débuts. Ils n’ont ni mérité, ni démérité, et cependant combien, tout jeunes, connaissent les privations et la misère !
Le Christianisme ne nous a rachetés de rien. Ses promesses, son salut sont restées lettres mortes. Il a laissé subsister toutes les causes de haine, les sources de conflit ; il y a même ajouté le sectarisme et la violence. Cette Rédemption qu’il se flattait d’apporter au monde, où est-elle ? Où en voyons-nous la preuve ? N’y a-t-il pas là, de la part du Christianisme, une sorte d’abus de confiance, une manière d’escroquerie ? La terre n’est-elle pas aujourd’hui, et peut-être plus que jamais, le paradis des riches et l’enfer des pauvres ? Le Christianisme est venu dire aux hommes : Je vous apporte la délivrance ; désormais vous connaîtrez enfin le bonheur, vous allez le connaître quelque peu ici-bas et pleinement dans l’éternité ; sachez souffrir et vous résigner dans ce monde ! Car, plus vous aurez souffert ici-bas, plus belle sera votre récompense dans l’éternité.
Notre rédemption, la vraie, implique, bien-être, savoir, liberté. Et le Christianisme est la négation de ces trois choses.
Ce Dieu « vivant et personnel » sert de base à toute religion. S’il est prouvé que ce Dieu n’existe pas, qu’il est impossible qu’il existe et qu’il est absurde d’en admettre l’existence, tout le monument édifié sur cette base s’effondre et l’imposture éclate.
La conquête du Monde, tel est le but de l’imposture religieuse. Pour y parvenir, l’Eglise a constamment tenté de s’appuyer sur les deux classes opposées. L’Eglise est la plus formidable entreprise d’escroquerie du Monde. Si l’Eglise était pauvre, si elle ne possédait pas un peu partout des intérêts considérables, si le monde ecclésiastique n’avait pas ses grandes et ses petites entrées dans les châteaux et les palais, dans les salons huppés et les boudoirs élégants, s’il n’y avait pas une banque, un négoce, une industrie, une propriété catholiques, s’il n’y avait pas dans les grandes administrations publiques et privées, ministères et préfectures, établissements de crédit, compagnies d’assurances et chemins de fer, sociétés houillères et métallurgiques, grands magasins et vastes usines, une nuée de directeurs, chefs de bureau et de services, ingénieurs et techniciens, qui doivent leur situation à des protections, influences et recommandations catholiques, si les conseils d’administration des grandes entreprises financières et industrielles n’étaient pas, en majeure partie, composés de capitalistes catholiques ou dévoués à l’Eglise, même quand ils sont juifs, protestants ou libres penseurs, si le capitalisme catholique n’était pas une puissante organisation ayant ses chargés d’affaires : chefs d’Etat, ministres, diplomates, généraux, académiciens, parlementaires, journalistes, magistrats, policiers, fonctionnaires de toutes catégories, etc. Si, en un mot, l’Eglise au lieu d’être immensément riche était pauvre et ne pouvait reconnaître les bons offices de personne ; si sa seule force se trouvait dans ses dogmes, ses préceptes et ses enseignements ; bref, si elle n’était qu’une puissance morale, on aurait tôt fait d’apercevoir sa profonde débilité ; on verrait ce château de cartes s’effondrer au moindre vent. A cette imposture : « L’Eglise est la plus haute puissance morale du monde », nous opposons cette vérité : « L’Eglise est la plus formidable entreprise d’escroquerie du monde. »
La religion et l’armée sont les alliées par excellence du capitalisme. La bourgeoisie considère l’armée et la religion comme les plus solides remparts de la forteresse qui abrite ceux de sa classe et les trésors qu’ils ont extorqué au travail d’autrui. Elle place tous ses espoirs dans la conjugaison de l’influence morale de la religion et de la force brutale de l’armée ; elle regarde la soutane du prêtre et les galons de l’officier comme les meilleurs et même les uniques moyens de défense qui la puissent sauvegarder.
La religion est un attentat permanent à la liberté de pensée et de la conscience : « La religion est sans doute une affaire de conscience individuelle et d’ordre privé en ce sens que chacun doit avoir la faculté de croire ce qui lui plaît et de penser à sa guise. De cette liberté de la conscience, de cette indépendance de la pensée, on ne saurait être un partisan déterminé. Or, la religion est, en principe et en fait, un complot et un attentat permanents contre cette indépendance de la pensée et cette liberté de conscience. Quand elle est enchaînée par la foi, quand elle est emprisonnée dans le réseau serré des croyances qui constituent une religion, la pensée cesse d’être indépendante. Elle est liée, ligotée, tenue en servitude.
Les êtres humains traînent le péché originel comme un boulet. La morale chrétienne part de cette idée que l’être humain est originellement et foncièrement pervers. Elle estime que la faute qui a valu à Adam et Eve d’être chassés honteusement du paradis a transmis à leurs descendants des germes de méchanceté et de crime dont le temps n’a pas atténué la fermentation putride. Elle considère que dans la chaîne ininterrompue des générations, qui de nos premiers parents va jusqu’à nous, ce lourd héritage de perversité s’est conservé intact et que tout homme porte, à sa naissance, cette marque originelle. Le sacrement du baptême a pour objet de purifier l’enfant de cette souillure et l’Eglise enseigne que ne peut être admis au ciel quiconque n’a pas été baptisé, eût-il été, dans sa vie terrestre, le modèle de toutes les vertus humaines.
L’église apparaît avec ses dogmes intangibles comme une force régulatrice susceptible de ramener l’équilibre et favoriser le retour à la stabilité en cas de problèmes sociaux. L’imposture dogmatique, c’est par le dogme indiscuté, la domination de l’Eglise sur les esprits ; l’imposture historique, c’est, par l’alliance avec l’Etat, synthèse de l’Autorité et de la propriété, la domination sur les corps ; l’imposture sociale, c’est par la doctrine politique, économique et morale de l’Eglise, la domination sur les consciences.
L’esprit de résignation est inculqué dès la prime enfance et est ainsi opposé à l’esprit de révolte. Le capitalisme instaure un régime où l’amour du prochain est impossible. L’erreur et le crime communs aux Etats et aux Eglises – à tous les Etats et à toutes les Eglises – c’est d’instituer un régime social où tout est concurrence, rivalités, convoitises, intérêts inconciliables, haines, jalousies, ruses, duplicités, intrigues, cupidité, domination, puis de précipiter les hommes au sein de cette sanglante mêlée et de leur dire ensuite : « Aimez-vous les uns les autres ! » Comme s’il était possible à ces hommes que tout dresse en bataille les uns contre les autres, de vivre en confiance, en fraternité, de s’aimer mutuellement !
L’enfer prouve que Dieu n’est ni bon, ni miséricordieux. L’existence d’un Dieu de bonté est incompatible avec celle de l’Enfer. Ou bien il n’y a pas d’Enfer, ou bien Dieu n’est pas infiniment bon.
Tel est pourtant le Dieu que, depuis des temps immémoriaux, on a enseigné et que, de nos jours encore, on enseigne à une multitude d’enfants, dans une foule de familles et d’écoles. Que de crimes ont été commis en son nom ! Que de haines, de guerres, de calamités ont été furieusement déchaînées par ses représentants ! Ce Dieu, de quelles souffrances il a été la source ! Quels maux il engendre encore ! Depuis des siècles, la Religion tient l’humanité courbée sous la crainte, vautrée dans la superstition, prostrée dans la résignation. Ne se lèvera-t-il donc jamais le jour où, cessant de croire en la Justice éternelle, en ses arrêts imaginaires, en ses réparations problématiques, les humains travailleront, avec une ardeur inlassable, à l’avènement, sur la terre, d’une Justice immédiate, positive et fraternelle ? Ne sonnera-t-elle donc jamais l’heure où, désabusés des consolations et des espoirs fallacieux que leur suggère la croyance en un paradis compensateur, les humains feront de notre planète un Eden d’abondance, de paix et de liberté, dont les portes seront fraternellement ouvertes à tous ? Trop longtemps, le contrat social s’est inspiré d’un Dieu sans justice ; il est temps qu’il s’inspire d’une justice sans Dieu. Trop longtemps, les rapports entre les nations et les individus ont découlé d’un Dieu sans philosophie ; il est temps qu’ils procèdent d’une philosophie sans Dieu. Depuis des siècles, monarques, gouvernants, castes et clergés, conducteurs de peuples directeurs de consciences, traitent l’humanité comme le vil troupeau, bon tout juste à être tondu, dévoré, jeté aux abattoirs. Depuis des siècles, les déshérités supportent passivement la misère et la servitude, grâce au mirage décevant du Ciel, et à la vision horrifique de l’Enfer. Il faut mettre fin à cet odieux sortilège, à cette abominable duperie.
Notre devoir est tout tracé. La question religieuse doit être considérée comme la préface et l’introduction à la question sociale. Tant que nous n’aurons pas vidé le ciel, nous serons impuissants à peupler la terre. Tant que les humains fixeront leurs regards vers l’éternité en quête de compensations posthumes et de félicités lointaines, ils ne réaliseront pas le bonheur ici-bas. Tant qu’ils croiront que la justice est du domaine de l’autre monde, ils ne pourront pas en établir le règne sur terre.
A l’adresse des jeunes libertaires, Charles-Auguste Bontemps (1893-1981) lance un appel : « Apprenez à penser par vous-mêmes, n’étudiez pas un catéchisme, penchez-vous sur les problèmes de votre temps et apprenez à les résoudre. La vie de l’homme est inscrite dans un cercle limité, il a par conséquent le droit d’en disposer comme bon lui semble. Comptez sur vous et rien que sur vous, l’homme a un devoir envers lui-même, celui de vivre debout, apprenez donc à vivre. »