La perte d’influence du syndicalisme alimente régulièrement les journaux où chacun, en fonction de ce qu’il souhaite démontrer, expose sa théorie.
Globalement, les syndicats doivent être responsables, modernes et s’adapter à l’air du temps ; finalement, ils doivent devenir un syndicalisme d’accompagnement si l’on en croit certains dirigeants. Le résultat est affligeant, à peine 8% de syndiqués en France. Principalement dans la Fonction publique et dans les grandes entreprises du privé.
Mais bizarrement, personne ou pas grand monde ne remet en question cette évolution qui est déjà bien réelle, car depuis l’origine du syndicalisme, quel changement ! Face à un patronat qui ne connaissait pas d’autres règles que l’exploitation la plus éhontée, le syndicalisme naissant ne pouvait que se battre pour être reconnu et améliorer la condition ouvrière. D’un syndicalisme révolutionnaire/anarcho-syndicalisme qui revendiquait la lutte des classes, on est passé progressivement à un syndicalisme « responsable ». Un syndicalisme coincé dans la gestion, avec le patronat, d’un certain nombre d’organismes publics. Il est bien évident dans ces conditions que l’idée même de lutte des classes est mise sous le boisseau au nom d’un prétendu modernisme pragmatique. Aujourd’hui, on nous explique que les patrons ne sont plus les exploiteurs de la misère du monde, mais des chefs d’entreprises qui se battent pour faire face à la mondialisation de l’économie. Quelle blague ! En quelque sorte, ils seraient devenus « sociaux ». Quelle contre-vérité ! Un patron ne réfléchira pas en terme de société, mais toujours par rapport au « fric » et à la meilleure manière d’en gagner encore plus. Dans le cas inverse, ce ne serait plus un patron. Par exemple, a-t-on déjà vu un patron réduire son train de vie pour éviter des licenciements ? Ou tout simplement accorder à ses salariés les mêmes augmentations de salaire que celles qu’il s’octroie si généreusement ? Face à de tels comportements nous avons des syndicats qui n’ont pas vu venir l’éclatement et la disparition de leurs bastions. Parallèlement nous avons assisté à une désertification syndicale dans les nouvelles zones industrielles ou les centres commerciaux par exemple. Dans ces lieux, les patrons sont rois et les discours syndicaux à cent lieues du vécu quotidien des salariés.
Et puis comment faire confiance à un syndicalisme capable de se retrouver coude à coude avec le patronat, comme par exemple lors d’OPA où les salariés n’ont que l’éventualité de perdre leur emploi. Et on nous parle maintenant de plans de sauvegarde de l’emploi ! C’est-à-dire qu’on va garder des emplois mais en supprimer bon nombre selon les cas. C’est dans l’air du temps de trouver des intérêts communs aux salariés et aux capitalistes. Quelle fumisterie ! Dans ces conditions, pourquoi se syndiquer et avoir des syndicats, si au bout du compte ce sont les licenciements qui l’emportent.
En octobre 1997, nous avions constaté que patrons du groupe Casino, salariés et organisations syndicales défilaient ensemble, à Saint-Etienne, pour s’opposer à l’OPA lancée par Promodès, capitaliste normand, et appuyer celle lancée par Rallye qui avait été racheté par Casino en 1991. Le président du directoire de Casino, Christian Couvreux, paradait en tête du cortège entouré d’une vingtaine de cadres du groupe. Bel exemple de concorde. Ce qui n’empêcha nullement qu’en décembre 2023, 313 supermarchés et hypermarchés Casino allaient être rachetés par Auchan et Intermarché.
Souvent, il ressort que les syndicats par leur présence, leur activité, contribuent à leurrer les travailleurs. Ils rejoignent au final, les rangs de ceux qui, à longueur d’antenne, veulent nous faire croire que nous sommes sur le même bateau, voire la même galère. Mais nous connaissons fort bien ceux qui rament pour les autres. Les rachats d’usines, de grandes surfaces…pour les patrons, il ne s’agit en aucun cas de défendre l’emploi, mais bel et bien, de faire en sorte que les salariés se trouvent impliqués au milieu d’une bagarre de requins qui souhaitent faire encore davantage de profits en se regroupant, en rachetant à bas coût tout en supprimant des milliers d’emplois.
Aujourd’hui face à la concurrence des ventes en ligne et à l’inflation, les magasins d’habillement accusent une baisse continue de leurs ventes et souffrent de la flambée des loyers. Les fermetures de boutiques et les plans sociaux se multiplient à bas bruit: des milliers d’emplois ont été supprimés depuis la fin de l’année 2022 et bien d’autres sont menacés. Depuis longtemps, les syndicats dans ce secteur n’existent qu’à la marge, uniquement lors des élections professionnelles et encore.
Ce sont les syndicats qui trompent les travailleurs et contribuent à la défection syndicale car à quoi cela peut-il servir d’être syndiqué si nous sommes tous sur le même bateau. D’autre part, comment réagira le manifestant qui, ayant cru défendre l’emploi, recevra sa lettre de licenciement, lorsque les capitalistes se seront mis d’accord après une OPA? La défense de l’emploi passe par la lutte contre le capitalisme, il ne peut rien avoir de commun entre les exploités et les exploiteurs.
Il serait temps que les syndicats reviennent à un discours plus proche de la réalité des travailleurs. Malheureusement, on peut en douter ! Dans ces conditions, un jour ou l’autre, une forme d’organisation des travailleurs refusant tous les compromis avec les patrons, avec le pouvoir, apparaîtra et à ce moment-là, la condition ouvrière, de nouveau, ira en s’améliorant.
A.A.