Le libertaire de février 2024

L’écologie sociale et libertaire

Les politiciens d’aujourd’hui nous parlent de crise écologique alors qu’une crise est censée être transitoire et qu’en réalité le réchauffement climatique est irréversible. C’est une donnée scientifique dont il faut impérativement tenir compte. La difficulté à laquelle tout le monde est confronté, c’est que la pollution, le dérèglement climatique ne s’arrêtent pas aux frontières des pays. Il faut donc agir de concert à l’échelle internationale. Le lobbying, le financement par les principales banques mondiales de leurs investissements pour le gaz, charbon et pétrole sont à dénoncer et combattre dès aujourd’hui. Les énergies renouvelables dont on parle depuis les années 70 représentent la portion congrue des dépenses d’investissement. Il est dorénavant certain que les hommes et les femmes transforment par leurs actions la planète et augmentent le dérèglement climatique, c’est ce que l’on appelle l’anthropocène. Les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les particules fines, les déchets plastiques, la pollution…sont le fruit d’une activité humaine. Diverses pratiques conduisent à l’érosion des sols, au réchauffement climatique (montée des eaux…), aux incendies de forêts (Amazonie, Californie, Australie…mais aussi pays européens).

De nombreuses catastrophes climatiques ont jalonné l’année 2023, cette dernière a été l’année la plus chaude jamais enregistrée. C’est un signal inquiétant d’autant que les mesures qui devraient être prises pour réduire de manière conséquente les émissions de gaz à effet de serre, ne le sont pas ou alors de manière minime et insuffisante. Le réchauffement climatique est créé par l’effet de serre et de nombreux écosystèmes disparaissent. Il induit un enchaînement de catastrophes.

Au Canada, près de 19 millions d’hectares de forêt ont brûlé. Le centre du Chili a été dévasté par les incendies. En Europe, la Grèce a subi de même, de multiples incendies (Rhodes…), idem pour le Portugal et l’Espagne. En Afrique du Sud, de fortes intempéries ont provoqué d’importantes inondations. Des typhons en Chine et un ouragan en Lybie ont fait de nombreuses victimes. L’Atlantique Nord a atteint fin juillet une température moyenne de 25° tandis qu’on relevait en Méditerranée une température de l’eau de 28,7° à la surface, au même moment. La fonte des glaciers s’accélère y compris dans les Alpes avec les conséquences que l’on constate : montée des eaux due notamment à la fonte de la Mer de Glace dans l’Antarctique et affaissements de terrain en montagne.

Quand un point d’équilibre est rompu, un autre point d’équilibre se produit selon Proudhon. Il peut arriver que le point d’équilibre entre les humains et la planète se rompe, un autre point se mettra en place et l’humanité devra trouver un équilibre avec les autres formes de vie. Les pays touchés par la sécheresse continueront à être de plus en plus secs alors que des zones géographiques glacées fondent et se transformeront en zones habitables. Mais il est possible concernant notre planète que les points d’équilibre ne soient pas extensibles et que la vie sur la Terre elle-même soit  en sursis. La loi de l’Univers est un équilibre entre attraction et répulsion. Rien ne dit qu’au niveau de l’univers l’équilibre soit indéfini, de même pour la Terre.

Les activités humaines enflamment notre planète. Concrètement nous ne savons pas si nous avons atteint un point de bascule climatique mais c’est fort probable. Les vagues de chaleur vont devenir la norme un peu partout dans le monde avec des températures extrêmes (En 2023, 53° dans la vallée de la mort en Californie, 52° en Chine dans le Xinjiang…).

Nous subissons l’effet boule de neige : les incendies qui dégagent des tonnes de carbone renforcent l’émission de gaz à effet de serre et les forêts dont les surfaces diminuent absorbent moins de CO2.

Intenses canicules et sécheresses à répétition ont des conséquences sur les cultures de céréales… et la famine dans le monde.

Mais les milieux d’affaires mettent la pression sur les gouvernements afin de continuer à engranger leurs profits. Les affaires sont les affaires.  Les anarchistes ne sont pas dupes. Nous voyons même les ultra-riches qui accentuent leur communautarisme et accroissent de jour en jour leur sécession avec le commun des mortels en construisant à titre préventif des îlots sécurisés qui leur permettraient de vivre en autarcie si la planète devenait globalement inhabitable. C’est donc une situation qu’ils envisagent sérieusement.

Pour Elisée Reclus, l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même. Aujourd’hui, nous assistons à un changement radical de nos rapports à la Terre, ce que les Indiens appelaient la Terre nourricière. Cependant l’homme dans sa dimension universelle est en interdépendance de la Terre. Reclus a bien vu que l’homme avait une influence sur la Terre et inversement. La Terre nous le rend bien. Les catastrophes naturelles sont là pour nous le rappeler. Sans compter les migrations climatiques qui viennent s’ajouter aux déplacements de population dus aux guerres, encore un produit humain.

Nous voilà donc obligés de repenser notre rapport à la Terre. Le réchauffement climatique et la déforestation spéculative au Brésil impliquent des incendies géants qui ont des répercussions sur la biodiversité et les peuples qui habitent la forêt, les peuples premiers mais aussi pour l’humanité. D’autres exemples pourraient être aussi parlants : la montée des eaux au Bengladesh induit une hausse de la mortalité et un autre type de déplacement de la population avec des conséquences sur l’agriculture et l’économie…

Les inondations dans le Nord-Pas-de-Calais, en France, ont sinistré des centaines de personnes fin 2023.

Les sommets intergouvernementaux ne sont que le reflet des politiques gouvernementales. Ce sera une difficulté majeure pour les anarchistes en cas de révolution réussie dans un pays, que de négocier avec des gouvernements élus, dont la majorité des représentants n’a ni les connaissances suffisantes ni la volonté de lutter contre le réchauffement climatique. Dans l’immédiat, il reste à convaincre notre entourage immédiat, puis par cercles concentriques les autres, que le productivisme, la destruction de la biodiversité et le réchauffement climatique sont le triptyque de notre future perte. D’autant que le populisme accentue la pression sur les migrants qui appartiennent, il faut le dire haut et fort, au genre humain tout comme nous autres occidentaux. Il est bon de rappeler que nous sommes tous et toutes citoyens du monde. Nationalisme et climato-scepticisme sont les deux mamelles du néofascisme. La construction d’une alternative libertaire se doit de répondre à ces défis. C’est pourquoi nous devons répondre aussi à la question sociale, le tout étant imbriqué et indissociable. Le fascisme se vit comme « révolutionnaire », mais sert les intérêts de la bourgeoisie en brisant les luttes populaires par une violence débridée. 

La lutte écologiste est incontournable car vitale ; elle n’est cohérente qu’en étant anticapitaliste et libertaire. Les anarchistes se battent contre les écocides d’aujourd’hui et défendent une production socialement utile, répondant aux besoins de l’humanité, respectant les limites de la biosphère et en étant au service des individus. Ils prennent des engagements pour l’égalité économique et sociale, la liberté et la paix, la vie, et même la survie de la planète. Les libertaires ont un idéal pour un nouvel horizon.

GLJD