Premier Mai 2024

Mais où sont les Premier Mai d’antan ?

Lorsque nous entendons les mots « Fête du travail », ça nous énerve un peu beaucoup à la folie. C’est non seulement faire injure, présentement, aux chômeurs et exclus de la planète qui eux, ne sont pas de la fête, mais c’est souffleter la mémoire de nos anciens dont le combat, quelquefois jusqu’à la mort, à travers les siècles et les nations, aboutit à des conditions de vie et de labeur meilleures et plus humaines. Quand, de surcroît, le joyeux brin de muguet est associé à la dite commémoration (ah, la commémo !), nous sommes atterrés de voir à quel point la journée internationale des luttes ouvrières a pu être dénaturée.

Sous le régime de Vichy, tant apprécié par l’extrême-droite, on lui fit un mauvais sort. Après que Pétain eût dissous la CGT (au niveau national car les UL ne furent pas dissoutes), la Charte du Travail fut créée afin de tromper et de bâillonner les salariés : interdiction des grèves, collaboration de classe à l’honneur…Tout comme Hitler, le maréchal proscrivit le socialisme international, les grèves et l’action syndicale. Inspiré également par la dictature de Franco, le Premier mai 1941 tint à la fois du Premier mai hitlérien et du Premier mai phalangiste.

Par pure coïncidence, la Saint-Philippe, chère à l’Action française, tombe à ce moment-là, ce qui permit le ralliement des royalistes au nouveau Premier mai. Autre particularité, la loi du 12 avril 1941 consacra le Premier mai comme fête du travail et de la concorde sociale (tout un programme !). Il était également décrété férié et vidé de son contenu revendicatif, voire révolutionnaire !

Il ne faut pas oublier, non, plus, qu’aux origines, lors des manifestations, les boutonnières s’ornaient de la rouge églantine qui, avec le coquelicot, symbolisait le prolétariat et non de clochettes parfumées mais ô combien pâlichonnes, devenues à la longue, une simple coutume mercantile.

Après des décennies de dégradation de ce jour mémorable, voilà où nous en sommes, aujourd’hui : Premier mai saboté. Il fut même récupéré par Le Pen et ses disciples, dignes descendants de ceux qui avaient pour devise « travail, famille, patrie », ayant choisi de défiler à cette date précise, en hommage à Jeanne d’Arc récupérée par les réactionnaires. Et aujourd’hui, Macron qui se présentait comme un rempart contre le FN/RN, n’en est plus que la courroie de transmission.

Pourtant toutes les conditions sont réunies, actuellement, pour redonner au Premier mai sa vocation protestataire et combative. Le chômage repart à la hausse et les allocations chômage sont de plus en plus restreintes. Le gouvernement et le patronat continuent leur sape du code du travail. Les retraites sont sabrées et vont l’être encore sauf réaction de la part des travailleurs. Personne n’est épargné : actifs, chômeurs, retraités, jeunes.

Si nous ne voulons pas reculer d’un siècle (cf la Grande grève de la métallurgie au Havre de 1922) et nous retrouver les esclaves des maîtres des Forges des temps modernes, il nous faut redescendre massivement dans la rue et, pourquoi pas déclencher la grève générale, arme redoutable et redoutée.

Quand on pense au Premier mai 2000 où la CNT avait organisé un cortège de 5000 personnes à Paris…Pour ceux et celles qui y ont participé, cela nous rend un brin nostalgique.

La société de ce XXI ème siècle se trouve sur une pente où les employeurs continuent à licencier à leur guise : 677 emplois à Exxon Mobil (Port Jérôme), des milliers d’emplois supprimés dans les magasins de vêtements, ou certaines grandes surfaces…

La réalité d’aujourd’hui, ce sont les inégalités qui se creusent, le gouvernement qui entend remettre en cause le statut des fonctionnaires. La santé et l’Education qui s’écroulent. Des riches toujours plus riches, des pauvres toujours plus pauvres et de plus en plus nombreux. La réalité, c’est aussi la continuité mais en hausse de la charité au lieu de la solidarité. Ce sont les organisations caritatives qui se multiplient et qui n’auraient pas lieu d’exister si tous les actifs avaient un travail sur la base de 32 heures par semaine et que les richesses étaient également réparties. Enfin, la réalité, c’est la négation des trois fleurons de la République : Liberté, Egalité, Fraternité !

Le Premier Mai a connu des heures de gloire souvent éclaboussées du sang des exploités. L’année 1886, inoubliable parce que lié inéluctablement aux martyrs de Chicago, devint le tremplin de sa renommée mondiale et, en 1889, la France lui donna sa dimension internationale. Après l’odieux massacre de Fourmies, le 1er mai 1891, le pape Léon XIII fera paraître son encyclique « Rerum Novarum ». L’Eglise, mise sur la touche par le socialisme en plein essor, se découvrira soudain un intérêt pour le sort lamentable des travailleurs et prendra en marche la dernière voiture du train des batailles sociales. Le combat contre toutes les religions reste d’une actualité brûlante.

Aux périodes sombres de la boucherie de 14-18, les Premier Mai ont périclité et au cours de celle de 39-45, les dirigeants fascistes les ont transformés en parades militaires, afin d’étaler leur puissance guerrière. Les régimes totalitaires de l’Est n’ont pas échappé à ces mascarades qui sont la honte de ceux qui osaient s’appeler « socialistes ».

« L’histoire du Premier Mai » de Maurice Dommanget, se termine pourtant par une phrase plutôt optimiste : « Le passé enseigne l’avenir. Le 1er Mai, qui a su résister à toutes les bourrasques et a su élargir considérablement le champ de son activité, saura se dépasser en se renouvelant ».

Ce qu’il faut cependant retenir, c’est que quand nous nous endormons sur nos lauriers, le Capital dévalise le Travail ! Et le Capital utilisera l’extrême-droite quand il se sentira menacé par les travailleurs.

Claudette et Ty Wi