L’idéal est une illusion

« L’idéal est une illusion, mais sans cette illusion la vie ne vaut pas la peine ». Madeleine Pelletier

Suite d’un procès

Barbie condamné et éliminé comme tortionnaire guerrier, mais restent tous ces nombreux militaires qui ont torturé à mort, non seulement les résistants mais des civils de tous âges.

Qu’attend-on, au lieu de les honorer de décorations, pour juger ces célèbres bourreaux qui au Viêt-Nam, en Algérie et ailleurs ont employé leurs exécrables crimes contre l’humanité ?

Leurs atroces méthodes n’ont cessé d’ensanglanter l’histoire même récente. Il y a ces interminables mutilations avant la mort, ces exécutions sommaires, l’horreur des charniers.

Tous ces crimes leur donnent encore l’audace d’une opulente gloire et d’être prêt à renouveler les mêmes cruautés.

Barbie envoyait ceux qu’on lui désignait dans les camps nazis. D’autres le faisaient aussi à la faveur de célèbres rafles organisées par la police de Vichy. Il y eut aussi de nombreuses dénonciations. Il y eut des magistrats, dont un bien connu, qui à l’exemple de Barbie, ont désigné des Juifs pour la déportation. Il y eut cette majorité de français collaborateurs.

Et dire qu’il y aurait un moyen radical d’éliminer ce fléau, si nous le voulions il suffirait de s’imprégner de cette idée que : « le pire n’est pas celui qui condamne ? mais ceux qui exécutent ».

On ne peut pas faire autrement, obligés que nous sommes d’écouter les ordres supérieurs disent inévitablement tous les auteurs de sévices.

De là viennent les cruelles exterminations auxquelles se sont livrés, même en pleine paix, la masse de catholiques de circonstance rendus féroces par ordre impératif de la papauté. On pense aux petits enfants qu’on a condamné à être écrasés contre les rochers, aux femmes qu’il fallait violer et éventrer ; on pense au raffinement des tortures, à l’Inquisition, aux bûchers, à toutes ces haines entretenues et partout et toujours.

Parmi ces impitoyables criminels en puissance, l’ignoble Pie V : on en a fait un saint, ce qui confirme la stupidité des croyances.

Il est vrai qu’on croit encore en un J.C., qui lui aussi condamne aux souffrances, cette fois éternelles, ceux qui ne croient pas en lui (Marc XVI. 16). De ce tyrannique personnage, la chrétienté en a fait un dieu. La déraison s’en donne à cœur-joie.

Eh oui, le mal vient de tous ces esclaves, volontaires pour exécuter les ordres supérieurs d’en haut comme d’en bas que distribuent les détenteurs de mort.

Quoiqu’il en soit on constate que s’il y a des procès, la guerre, elle, n’y est jamais condamnée. Pourquoi ? Parce que tant qu’on aura des guerriers professionnels, jamais le monde sera tranquille. Tous les prétextes seront bons pour nous faire entretuer. Avec ces dominateurs, notre existence est toujours en sursis.

Faire massacrer les hommes a toujours été la tâche primordiale des sabreurs galonnés, ces chefs de guerre toujours prêts à se transformer en pousses aux crimes.

En fait de procès, faisons celui de la guerre ; ainsi on n’aura plus à juger ceux qui font les crimes en son nom !

Anacharsis

Que voulait dire André Malraux quand il prophétisa que le prochain siècle serait un siècle religieux ? Entendait-il par-là que les églises désertées pourraient se repeupler d’adeptes de Mgr Lefèbvre ? Que l’islam conquérant de la guerre sainte s’apprêtait à tout submerger ? Que les confessions et les théologies allaient servir d’adjuvant moral aux prévisibles révoltes, très matérialistes au fond, des masses déshéritées ? Que, cent ans  après le despotisme qui voulut faire une flétrissure de l’étoile jaune des juifs, il faudra subir – conception contraire de la « différence » – le dogmatisme qui vénère la calotte blanche des hadji ? Que les chômeurs, embrigadés naguère par le fascisme dans ses milices mercenaires, revêtiront non plus la chemise brune ou noire mais le froc clérical pour se grouper en communautés benoîtes, et s’évader enfin d’une fatalité désespérante ? On ne sait que répondre, mais une chose est certaine : ceux qui, comme nous, assignent à la laïcité un rôle prépondérant pour pacifier les hommes auront beaucoup de travail en perspective. P.-V. Berthier

Le libertaire N°78 de juillet 1987.