La misère est expliquée rationnellement par les politiques menées. Elle n’est ni un châtiment divin pour mauvaise vie, ni un effet du hasard.
Être pauvre n’est pas un choix mais une conséquence des politiques économiques choisies. La fracture sociale que Chirac devait combattre ne cesse de croître et avec cette période de crise où l’inflation alimentaire avoisine les 16%, il est encore plus stigmatisant d’être pauvre quand on est au chômage. Le gouvernement Macron braque les projecteurs sur les « assistés », les fraudeurs du système social alors que les gros fraudeurs fiscaux, ceux des paradis ou des combines, peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Quelques-uns serviront de fusibles mais dans l’ensemble, ils s’en tireront à bon compte. Les économistes au service du pouvoir, ceux qui n’avaient pas prévu les crises précédentes, jouent les Cassandre sur le dos du petit peuple. Depuis des lustres, ils sont dénoncés par quelques esprits clairvoyants mais continuent à distiller les valeurs capitalistes.
« Qui est-ce qui soutient aujourd’hui, envers et contre tous, malgré la logique et malgré l’expérience, l’instabilité de la valeur, l’incommensurabilité des produits, le non-équilibre des forces industrielles ? les économistes. Qui est-ce qui défend l’inégalité de répartition, l’arbitraire de l’échange, le guet-apens de la concurrence, l’oppression du travail parcellaire, les brusques transitions des machines ? les économistes. Qui est-ce qui appuie la prépondérance de l’ordre improductif, le mensonge du libre commerce, la mystification du crédit, les abus de la propriété ? les économistes. Qui est-ce qui, à l’instigation de l’Angleterre, forme une ligue pour appliquer à l’univers ce système d’anarchie, d’escroquerie et de rapine ? toujours les économistes. […]
La conduite de l’ouvrier est mauvaise ! C’est possible, et cela vient peut-être de ce qu’on ne lui rend pas justice. Et de vrai, il s’agit de son salaire, et l’on nous parle de sa conduite ! Dites donc enfin, maître, ce que valent quatorze heures de travail par jour ? et si vous craignez de faire erreur sur le travail de l’ouvrier, dites la main sur le cœur, combien vous estimez le vôtre ? Nous prendrons votre chiffre pour étalon. » Proudhon
De son côté, Victor Hugo (1849), partisan de la propriété, approuve le rétablissement de l’ordre après les barricades de 1848 mais perçoit le rôle de la misère dans la révolte : « Je ne suis pas de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui croient qu’on peut détruire la misère. La misère est une maladie de la société, comme la lèpre est une maladie de l’homme. Elle peut disparaître comme la lèpre, oui. » La misère d’après lui est donc une maladie du corps social. Puis s’inquiétant des progrès du socialisme, il s’adresse ainsi à l’Assemblée : « Ce n’est donc pas à votre générosité que je m’adresse : je m’adresse surtout à votre sagesse. C’est l’anarchie qui ouvre les abîmes, c’est la misère qui les creuse. Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites-en contre la misère ! »
La misère change de forme mais pas de nature. En 2023, qui vit dans la misère en France ?
Et bien tous ceux et celles qui vivent dans la précarité alimentaire, ceux et celles qui n’ont pas les moyens de se chauffer, ceux qui subissent les appartements mal isolés, ceux qui sont sans abri, ceux qui n’ont pas accès aux soins, à la culture…ceux qui n’ont pas de papier…des centaines de milliers de famille monoparentales, essentiellement des femmes qui vivent avec moins de 1000 euros par mois. Ceux qui sont victimes d’expulsion, ceux qui vont à l’aide alimentaire, ceux qui scolarisent leurs enfants dans les collèges ghettos… Des paysans pauvres aussi et tous ceux qui s’isolent et veulent garder leur dignité par rapport aux autres contrairement aux riches qui étalent leurs richesses à longueur d’écran, de publicités dans les journaux…Alors le slogan « Liberté, égalité, fraternité » ne correspond aucunement à la réalité que nous vivons. Cette devise est le cache sexe de la bien-pensance. La question sociale se pose depuis la nuit des temps, des grèves sous les pharaons aux canuts de Lyon (1831) en passant par les Jacqueries à l’époque féodale et sous l’Ancien Régime, Proudhon est l’un des premiers à essayer de trouver la Solution au problème social après avoir publié « Qu’est-ce que la propriété ? ».
Mais depuis le mitan du XIXème siècle, pas grand-chose n’a changé dans le fond. Et les riches deviennent de plus en plus riches à mesure que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres.
Selon l’INSEE, 14,7 % de la population vivaient déjà dans la pauvreté en 2018, soit 9,3 millions de personnes. Deux millions de personnes touchent moins de 750 euros par mois. 300 000 vivent en hébergement d’urgence. La France est l’un des pays les plus riches au monde, mais elle n’a pas éradiqué la misère. Phénomène nouveau, elle essaie de la cacher en la dispatchant.
En 2022, 3 millions de personnes ont reçu l’aide alimentaire ; 2,4 millions de personnes vivent en habitat dégradé. Et Bruno Lemaire ose nous dire qu’il connaît le prix des pâtes car il a quatre enfants à nourrir. Non seulement les politiciens sont hors sol mais de plus ils n’ont aucune décence. A se comparer à ceux qui ont des difficultés à se nourrir, que recherche-t-il ?
Prenons un peu le large ! « Pauvre » vient du latin « pauper », cela signifie à l’origine « qui produit peu ». Ce qui sous-tend que si l’on produit peu, c’est normal que l’on reçoive peu. Très certainement l’équilibre capitaliste. En revanche, « Misère » vient du latin « miseria » qui évoque le malheur, la peine. On y trouve plutôt l’idée de souffrance. Alors, non Lemaire, tu n’es ni pauvre ni miséreux ; tu ne peux te comparer aux gens du peuple, tu n’en fais pas partie.
Les prétendues sensibilités sociales, l’éthique de la gouvernance, les libertés et les droits universels que l’ensemble des politiciens prétend défendre ne sont que des slogans et des illusions et ne servent qu’à renforcer davantage les piliers de l’État et du capitalisme.
Les anarchistes ne sont pas dupes. La misère doit être éradiquée. L’Etat et le capitalisme aussi. Ti Wi (GLJD)