Machiavel et ses disciples

Ils sont innombrables et on les retrouve continuellement au cours de l’histoire et dans tous les pays. Chaque époque est confrontée à des problèmes différents. Mais il y a une constante : le Pouvoir s’est toujours servi de la ruse, de la force, du crime, des fake-news ou de la corruption pour neutraliser ses adversaires.

Et le Pouvoir peut changer de nom, d’idéologie, il reste égal à lui-même. Il est toujours l’apanage d’hommes assoiffés de puissance ou d’argent, cherchant par tous les moyens, à dominer et à s’imposer.

Et il y a une autre constante : tous et toutes sans exception, prétendent se masquer d’idées de grandeur, de grands principes. La patrie, la gloire, le bien de l’humanité…

Aujourd’hui, on y ajoute la défense de la planète.

En son temps, Richelieu fit brûler les châteaux féodaux pour affermir le Pouvoir royal, pour affermir l’unité de la nation, déchirée pendant des siècles par des guerres civiles et religieuses, des frondes et des complots. En réalité, il avait démantelé tout et tous ceux qui pouvaient lui opposer une quelconque résistance. Il servait soi-disant, le roi et la nation. En fait, il se servait lui-même dans sa volonté de domination. Après lui, le cardinal Mazarin acquit la fortune de son siècle en pillant l’Etat, les œuvres d’art…Charité bien ordonnée commence toujours par soi-même. Et pendant ce temps, le Tiers Etat dont 90% étaient des paysans continuait à payer les différents impôts de l’époque. Le clergé et la noblesse profitant de la manne financière  étatique.

Il a fallu une Révolution pour substituer, à une société fondée sur le privilège, une société où l’égalité de tous serait la loi commune. D’où 1789. Qui étaient ces gens qui osaient s’élever ainsi contre les privilèges ? Des révolutionnaires ?

Non, loin s’en faut, même si on nous l’a dit à maintes reprises dans les livres d’Histoire. Ceux et celles qui ont pris l’initiative de se révolter furent un mélange de mécontents, de personnes prises à la gorge ne pouvant nourrir leur famille mais surtout des arrivistes, des ambitieux qui ont espéré, devant les difficultés financières de la monarchie, obtenir des assouplissements à la rigueur fiscale et au mépris de la noblesse et du clergé.

Les arrivistes, par chantage stratégique, manipulèrent le mécontentement des paysans et des artisans, ceux qui travaillent et produisent et sont exploités par les autres. C’est ainsi que les exploités se trouvèrent embarqués plus ou moins consciemment dans une aventure qui se termina par une victoire de la bourgeoisie, laquelle s’empressa de s’emparer du pouvoir et s’octroyer (elle aussi) des privilèges qu’elle sut préserver et consolider jusqu’à nos jours. Le peuple souvent naïf et crédule se contenta des miettes et des promesses.

Pourtant sans l’enthousiasme des paysans, des sans-culottes, sans leur sacrifice en vue d’un idéal de justice et d’égalité, la monarchie était sauvée. Malgré des tentatives de Restauration (Charles X et Louis Philippe), la République se maintint grâce au peuple. Mais quelle République ? Celle du peuple ? Certainement pas, mais celle d’une aristocratie possédante et capitaliste, toute aussi avide, exploiteuse et contraignante que la précédente.

La démocratie ? Le peuple l’a. Le droit de vote pour choisir ses maîtres ? Il l’a. Des lois sociales, le droit syndical ? Il les a. Certes en se révoltant encore contre ses nouveaux maîtres. Car la République a beau nous gaver de « liberté-égalité-fraternité », dans les faits on est loin du compte. De quelle égalité parle-t-on ? Celle de travailler pour un patron ou l’Etat ? Leur égalité, c’est celle de l’ordre, la hiérarchie et la subordination. Belle trouvaille de la bourgeoisie pour maintenir le peuple sous le joug.

Les héritiers de Machiavel sont toujours à la manœuvre aujourd’hui. Ils multiplient leurs empreintes de séduction auprès de ceux qui sont sensibles à l’attrait de la politique et du Pouvoir. Dans le vacarme de la lutte entre chefs, entre majorités et minorités, nous les voyons mis en vedette par les médias et les sondages. Même Marine Le Pen bénéficie d’une extraordinaire complaisance, version dédiabolisation. Ou bien, on grossit la force du RN pour faire peur à la petite bourgeoisie et à la majorité dite silencieuse. Ou bien, il y a des tractations et une alliance objective de différents partis pour assurer la permanence du système. Les nouveaux Machiavel mènent la danse.

Si de la politique nous passons à d’autres aspects de la vie sociale, il n’y a pas de secteurs où les méthodes de corruption ne jouent pas à fond.

On corrompt les faiseurs d’opinion (journalistes, écrivains, essayistes, philosophes…) qui en échange de certains avantages et de certaines positions, changent de camp et servent le ou les princes. Tous les hommes se vendent, tout dépend du prix…disait Napoléon.

Les exemples de corruption fourmillent, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat (cf les procès en cours).

Mais tout au long de l’histoire, nous avons aussi vu des hommes et des femmes qui ont refusé de se vendre. Les anarchistes font partie de ceux-là car ils n’aspirent pas à prendre le pouvoir. Cependant, notre force réside dans nos moyens d’action de contre-pouvoir.

Le prolétariat devrait être attentif et vigilant car tout se joue sur son dos. Et il est l’éternelle victime de tous ceux qui ne pensent qu’à la puissance du Pouvoir et de l’argent. Le jour où les travailleurs travailleront pour eux-mêmes en tant que producteurs qui produisent seuls les richesses, ils n’écouteront plus les Machiavel des temps modernes. Et à ce moment-là, les choses pourront changer. Et nous demanderons l’égalité économique et sociale. Pour une société réellement fraternelle et soucieuse de la nature.

Bruno (GLJD)