Notre intérêt ne peut être dissocié de celui de la planète.

Sauvegardons les dunes

Quand Macron nous dit que nous vivons la fin de l’abondance et de l’insouciance, c’est une vaste fumisterie car l’abondance continuera à ruisseler pour les riches, par contre les travailleurs devront serrer d’un cran supplémentaire leur ceinture. La répartition égalitaire des richesses ne sera jamais à l’ordre du jour pour les politiciens sauf si un rapport de force les y oblige. Et ce n’est pas avec la mobilisation qui vient de se dérouler le 29 septembre que cela changera. Tous les libertaires, et d’autres, s’accordent à dire qu’il faut changer l’ordre des choses et militer pour l’égalité économique et sociale. Mais nous sommes loin du compte. Tous les jours, de nouvelles hausses de prix sont signalées, certaines justifiées d’autres relevant de la spéculation. Les spéculateurs jouant d’ailleurs avec le feu. Pendant ce temps, les salaires ne bougent qu’à la marge. Dans les secteurs où les syndicats sont forts, les travailleurs arrivent à obtenir des hausses de salaire pour maintenir leur pouvoir d’achat (Port…). Certains secteurs comme les raffineries (Total à Gonfreville l’Orcher)  se battent pour obtenir 10% d’augmentation de salaire, ce qui est un minimum au regard des profits enregistrés par TotalEnergie. Mais dans l’ensemble, les retraites n’ont augmenté que de 4% et les salaires de 3,5%. On est loin du compte pour faire face à la flambée des prix. Pendant ce temps, les entreprises françaises ont versé 32,7 % de hausse des dividendes à leurs actionnaires qui n’en finissent pas d’être reconnaissants à un système si généreux pour eux. Certes le dérèglement climatique entraîne une baisse des rendements agricoles, des coûts supplémentaires pour stopper les incendies des forêts…mais aussi une explosion du coût de l’électricité nucléaire car la sécheresse ne permet plus dans certains cas de refroidir les réacteurs, sans compter la vétusté de ces derniers. La guerre en Ukraine en rajoute une couche. Le prix des matières premières augmente et se répercute sur les produits finis donc sur les consommateurs. La concurrence acharnée pour des parts de marché entre les Etats-Unis, la Chine…la politique zéro Covid des Chinois…ont perturbé les échanges. L’Europe se rend compte qu’il faut être moins tributaire des autres sur les plans de l’approvisionnement de certaines denrées ou certains composants. Le système capitaliste se réoriente.

Urgence sociale et urgence climatique

La hausse des prix pousse les travailleurs à se battre pour les salaires. C’est une bonne chose que de retrouver une certaine combattivité mais parallèlement nous devons nous battre pour davantage d’emplois car plusieurs secteurs vitaux ont été sacrifiés. Les services publics se sont dégradés, notamment la Santé et l’Education. Dans d’autres secteurs, le recrutement est à la peine : manque des milliers de serveurs, de cuisiniers dans l’hôtellerie-restauration ; près de 2000 chauffeurs sont aux abonnés absents dans  les transports scolaires…Plusieurs grèves d’animateurs sont venues perturbées les centre-aérés cet été (Château des Hellandes…). Les salariés en ont assez d’être sous-payés pour une amplitude horaire démesurée.

Le pouvoir a déjà dans sa besace plusieurs solutions pour pallier au manque de main d’œuvre. Il peut jouer sur différents leviers : orienter les chômeurs vers des filières qui ne nécessitent que peu de formation (restauration/service…), utiliser des contractuels en faisant des économies substantielles au passage (Education Nationale), orienter les jeunes via l’apprentissage et les lycées professionnel, former à la va-vite des aides à domicile… Dans une période d’incertitude et de chômage, les  secteurs économiques en tension trouveront finalement une main d’œuvre contrainte. Parallèlement d’autres filières devront faire face à une démission croissante de leurs employés devenant plus exigeants quant au télétravail, l’utilité sociale de leur travail…Mais le monde de l’entreprise possède des facultés d’adaptation surprenantes.

Du côté des travailleurs, nous devons en même temps réclamer des revalorisations de salaires et de retraites qui permettent de vivre dignement tout en réclamant de taxer les profits des entreprises notamment les superprofits de la pétrochimie (TotalEnergie, Exxon…), gaziers (Engie), pharmaceutiques…Ces derniers ont bien bénéficiés des commandes de l’Etat lors de la pandémie.

Parallèlement, la crise climatique nous commande de raisonner et voir à long terme. Fin de mois et problèmes climatiques sont pour nous indissociables. Le gouvernement nous demande la sobriété énergétique. Certes, nous voulons bien y souscrire à condition que les fauteurs de troubles soient mis à l’amende. Que les plus gros pollueurs soient mis à contribution car nos petits gestes individuels sont dérisoires au final. Ils sont nécessaires pour une prise de conscience mais si peu efficaces au regard de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre.

En réalité, c’est la société capitaliste qui doit être pointée du doigt quant aux émissions, pollutions diverses en tout genre. Elle se soucie de ses profits, très peu de la santé des travailleurs, sauf quand la loi oblige les patrons à prendre des dispositions de mise en sécurité des salariés. Nous l’avons vu pour l’amiante, nous le verrons pour le benzène dans quelques années (pétrochimie et alentours). Les autorités connaissent les problèmes mais sous couvert de ne pas nuire à l’emploi, c’est la grande muette. Quand trop de gens sont touchés, que des procès retentissants ont lieu, ça bouscule un peu l’ordre des choses ; pourtant les dégâts de santé occasionnés, la mortalité des travailleurs (cancers…) sont connus et identifiés. Pour l’urgence climatique, c’est pareil. On connaît les conséquences depuis longtemps mais le patronat tire sur la corde pour faire de juteux profits le plus longtemps possible. Les milliards des uns font fi des droits de l’homme et de l’environnement pour la coupe du monde de football au Qatar, autre exemple d’actualité.

Nous avons déjà, dans nos colonnes, proposé des solutions faciles à mettre en œuvre et de bon sens. D’ailleurs la gauche écologiste au Havre (PC…) les reprend à son compte : gratuité des transports en ville et environs (moins de pollution car moins de circulation automobile, désengorgement des centre-ville, justice sociale pour ceux et celles qui peuvent ainsi se déplacer gratuitement pour chercher un emploi, sortir des quartiers périphériques…). Tout le monde parle d’accélérer l’isolation des logements. Le gouvernement vante les subventions de ma prime rénov’…Cette prime ne profite qu’à une quantité négligeable de personnes pour la bonne raison que les plus pauvres ne peuvent mettre au bout. Et les personnes qui gagnent à deux, 3000 euros par mois, on leur dit qu’ils sont trop riches pour en bénéficier. De qui se moque-t-on ? Hypocrisie que tout cela. Même constat au niveau des chaudières.

Faire baisser la facture de chauffage, on est tous d’accord (à part les rupins qui s’en fichent), encore faut-il nous en donner les moyens. Depuis des lustres, nous disons qu’il faut réorienter le modèle énergétique : utilisation des énergies renouvelables (éolien, solaire…)  Mais les lobbys font obstruction à l’éolien par exemple (fourniture de kit pour engager des procédures juridiques contre l’implantation d’éoliennes…). De même, comment en 2022, ne trouve-t-on pas les moyens financiers pour installer des panneaux solaires sur les maisons individuelles, dans les jardins, sur les toits d’immeuble…En payant par exemple ces panneaux et en récupérant les fonds investis sur les économies réalisées. Par ailleurs, il faudra bien repenser l’expansion du nombre de maisons secondaires. En Bretagne, par exemple, on a dépassé les 250 000 résidences secondaires (les maisons endormies) alors que les « locaux » ne peuvent plus se loger à cause du coût des loyers, notamment sur la côte. Les travailleurs sont ainsi obligés d’effectuer des dizaines de kilomètres en voiture pour se rendre au travail. D’où une pollution accrue, des dépenses contraintes…

Idem pour  le modèle agricole. Pourquoi la FNSEA a-t-elle autant de poids et d’influence dans les ministères ? Les algues vertes continuent à proliférer en Bretagne, les ressources en eau diminuent et l’eau du robinet ne correspond pas aux normes sanitaires pour 20% de nos concitoyens. Des solutions existent pour nourrir tout le monde avec des produits de qualité. Les filières bio, circuits courts doivent être encouragées et soutenues. Confier à 1% de personnes le soin de nourrir les 99% restantes est une ineptie. Le monde rural doit être redensifié, ce qui implique une politique de réinstauration de services publics partout où c’est nécessaire. Quand la Troisième République a créé l’école publique, elle s’en est donné les moyens. Des écoles en dur furent construites dans les moindres localités. Avec le personnel pour faire fonctionner ces établissements scolaires. Tout est une question de choix politique.

Nous avons dénoncé l’artificialisation des terres plus d’une fois ainsi que les projets inutiles. Il faut se mobiliser pour dire stop à toutes ces gabegies. Même chose pour tous ces panneaux publicitaires qui polluent visuellement les paysages et qui incitent à consommer des voitures par exemple avec des images de femmes, objets de désir…Le transport aérien doit être limité mais pas question de culpabiliser des travailleurs qui se paient un voyage à l’étranger tous les deux ou trois ans alors que les membres du gouvernement, les footballeurs et autres friqués utilisent l’avion régulièrement sans compter les jets privés. L’égalité passe aussi par une redistribution du droit à voyager.

Le capitalisme et le capitalisme d’Etat sont régis par la loi du marché, des actionnaires et des profits, ce qui impliquent en l’état actuel des choses surexploitation des ressources et des travailleurs et gaspillage. Il ne faut jamais oublier que le patronat produit pour faire du fric. Et il est capable de produire n’importe quoi du moment où les profits sont là. L’utilité sociale de la production n’est pas dans son ADN. Pour les libertaires, l’utilité sociale du travail, de la production et de la consommation est dans le nôtre. La gestion directe, la socialisation des moyens de production et d’échange, sont nos solutions si nous voulons un autre futur. En sachant que notre intérêt ne peut être dissocié de celui de la planète.

Patoche (GLJD)