La société mégalithique était hiérarchisée
Une étude de la chercheuse suédoise Bettina Schulz Paulsson, publiée le 11 février 2019 dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) indique que le mégalithisme est né en Bretagne. Cette préhistorienne suisse de l’université de Goterbog (Suède) a daté par radiocarbone des centaines de mégalithes notamment en Europe et il s’avère que les plus anciens (-4794 à -3999) se trouveraient en Bretagne. Ces vieilles architectures monumentales, antérieures de 2000 ans aux pyramides, intriguent. Près de 5000 mégalithes ont été recensés en France. Mais ce chiffre ne cessera d’augmenter car de nouveaux menhirs par exemple sont découverts d’année en année à Monteneuf ou les Landes de Cojoux en Bretagne, par exemple. Quelques incendies de landes bretonnes ont mis au jour des menhirs couchés, tombés naturellement ou du fait de l’homme, notamment au Moyen-âge, sous la pression de la religion catholique qui entendait éradiquer les superstitions et anciennes croyances.
Le résultat présenté par Bettina Schulz Paulsson, basé sur des analyses de 2410 datations radiocarbone et des chronologies très précises pour les sites mégalithiques et les contextes associés, suggère la mobilité maritime et les échanges interculturels. Pour autant, on ne peut oublier les sites mégalithiques qui se trouvent à l’intérieur des terres, dans le Massif Central par exemple. Les monuments mégalithiques ont été construits à des époques différentes.
« Les résultats au radiocarbone suggèrent que des tombes mégalithiques ont émergé dans un intervalle de temps de 200 à 300 ans dans la seconde moitié du cinquième millénaire avant notre ère dans le nord-ouest de la France, la Méditerranée et la côte atlantique de la péninsule ibérique. Le nord-ouest de la France est, à ce jour, la seule région mégalithique d’Europe qui présente une séquence monumentale prémégalithique et des structures de transition vers les mégalithes, suggérant le nord de la France comme région d’origine du phénomène mégalithique.[…] Ceci invite à une réévaluation radicale des horizons mégalithiques et invite à l’ouverture d’un nouveau débat scientifique sur la mobilité et l’organisation maritimes des sociétés néolithiques, la nature de ces interactions à travers le temps et l’essor de la navigation. » Voilà qui est intéressant pour nous autres anarchistes car les études menées déboucheront aussi sur le type de société qui prévalait à l’époque. Certains compagnons, pleins de bonnes intentions, ont vu dans l’époque néolithique des groupes d’hommes et de femmes vivant en communautés basées sur l’entraide… Tout cela s’avère faux. Si l’on prend des sites bretons moins connus que celui de Carnac, on constate que les menhirs sont essentiellement installés en hauteur. A Monteneuf, c’est à 158 m d’altitude. Pas très haut, mais pour la Bretagne, c’est déjà une bonne hauteur pour être vus de loin. Plus on descend, moins il y a de menhirs. A chaque époque, des puissances essaient de dominer et pour cela, il faut être vu : clochers des églises, monuments comme la Tour Eiffel, gratte-ciel…
Les alignements de menhirs sont alors le signe d’une société qui désire montrer sa puissance. Voilà ce que l’on est capable de faire. Nous pouvons tailler, ériger … des monuments. Et d’autres élèvent et cultivent pour nourrir les travailleurs qui s’attellent aux tâches de construction. La sédentarité implique de se poser quelque part et de montrer dans le cas présent qu’on peut passer du temps à faire autre chose que de trouver sa subsistance. Cela implique une société très hiérarchisée avec une division du travail. Cette société hiérarchisée est celle que nous connaissons actuellement, toutes choses égales par ailleurs. Les personnages importants ont le droit à des tombes funéraires hors du commun.
Les études en cours nous diront si les populations locales faisaient appel à des populations plus éloignées. Les alignements de Carnac laissent supposer une telle hypothèse.
La culture des mégalithes serait donc née en Bretagne, autour de 4 500 ans avant J.-C., avec des structures aussi spectaculaires que les alignements de Carnac ou le grand menhir brisé, de plus de 20 m de long, à Locmariaquer. Ce qui reste à déterminer, c’est la symbolique. Les menhirs étaient placés dans un certain ordre, à un emplacement déterminé. Il en est de même pour les travailleurs qui construisaient les monuments. Le faisaient-ils sur la base d’une foi, d’un élan…Le travail était-il obligatoire, à quel rythme…Voilà des questions intemporelles mais qui intéressent et interrogent notre société d’aujourd’hui. Surtout pour tous ceux et celles qui aspirent à une société sans domination, égalitaire et libertaire.
Dommage que les sites mégalithiques bretons ne soient toujours pas classés au patrimoine mondial de l’Unesco, alors que la ville du Havre construite en béton l’est.
Un Breton du Havre (GLJD)