Pour une manifestation nationale à Paris en avril 2023

Rond Point Jules

Pour une manifestation nationale à Paris en avril 2023

Macron a dégainé le 49.3 comme un pied de nez au parlement et aux manifestants. Il vient nous rappeler que le parlementarisme ne sert à rien. Le président des riches avait une assemblée godillot lors de son précédent quinquennat et aujourd’hui, ses députés ne sont plus majoritaires alors il utilise le 49.3. Le gouvernement fonctionne, quoiqu’il arrive et s’il ne peut ronronner, c’est que les mouvements de grève l’en empêchent.

Sa réforme des retraites ne passe pas par la porte, qu’elle passe par la fenêtre. De toute façon, le gouvernement aura beau jeu de dire que la loi a été votée par le Sénat et qu’une commission mixte l’a approuvée. La démocratie est respectée selon eux.

Il fallait être bien naïf pour penser que Macron n’utiliserait pas le 49.3

Mais la rue est là pour contrer une réforme que la plupart des travailleurs considèrent comme inutile et injuste.

Hier soir, la colère s’est exprimée dans les rues de plusieurs villes de France. Des milliers à Paris, un millier au Havre…A Rennes, les manifestants avaient la rage. Ailleurs aussi. Au Havre, en soirée, des palettes et des pneus ont brûlé devant l’Hôtel de ville. Certains auraient bien mis le feu à l’Hôtel de ville. La colère n’est pas toujours bonne conseillère. Mais la colère va s’exprimer. Darmanin parle déjà de bordélisation comme De Gaule parlait de la chienlit en 68. Plusieurs députés de la majorité présidentielle nous font une explication de texte comme quoi la réforme du gouvernement représente des avancées pour les Français. Il faut oser quand même. En quoi travailler deux ans de plus est une avancée ; une reculade, certainement.

Habituellement, nous sommes favorables aux manifestations décentralisées afin que le plus grand nombre puisse manifester, au plus près de son lieu de résidence. Les manifestations ont été importantes jusqu’à présent même dans les petites villes ou villes moyennes. C’est le signe d’un profond mécontentement en France.

L’intersyndicale appelle à une 9e journée de mobilisation, le jeudi 23 mars. C’est dire que la contestation n’est pas terminée mais les gens commencent à être lassés de ces grèves et manifestations saute-mouton.

A défaut d’organiser les grèves reconductibles sauf dans quelques corporations (portuaires, éboueurs…), il pourrait être intéressant de passer à la vitesse supérieure. Et d’organiser une manifestation nationale à Paris avec réservation de cars etc…et un million de participants dans les rues pourrait faire reculer le gouvernement.

Nous savions que le 7 mars serait difficile à battre par la suite sur le plan du nombre de manifestants. Et les médias de parler d’essoufflement, de lassitude…Les politiciens de l’opposition parlent de vide démocratique, de déni démocratique, de vice démocratique…comme si les parlementaires représentaient les travailleurs.

Les plus déterminés des manifestants parlent d’autres modes d’action. D’autres de continuer à se faire entendre. D’autres d’y aller plus fort, de se radicaliser…

Les libertaires se réfèrent toujours à l’action directe. Les anarchistes n’ont cessé de préconiser l’action directe à l’encontre des politiciens qui en nient la valeur et pour cause. L’action directe a été de tous temps une méthode employée par ceux et celles qui se dressèrent contre les tyrans, les maîtres et les exploiteurs, contre ceux qui prétendaient imposer leur volonté ou leurs idées à autrui. Les politiciens, nous n’en avons pas besoin. La preuve, ils sont à la remorque du mouvement qu’ils espèrent cependant récupéré à des fins électorales, leur gagne-pain.

Emile Pouget, un anarchiste syndicaliste de la CGT naissante définissait ainsi l’action directe : La caractéristique de l’action directe est d’être une manifestation spontanée et réfléchie, mais sans intervention d’agent extérieur, de la conscience et de la volonté ouvrière et ce, indépendamment de tout contexte politique. Celle-ci est affaire de circonstance, de résistance à vaincre. Action directe n’est pas fatalement synonyme de violence ; elle peut se manifester sous des allures bénévoles et pacifistes ou très rigoureuses et fort violentes, sans cesser d’être – en un cas comme dans l’autre – de l’action directe. » C’est donc fonction de circonstance, tout est là. L’action directe est donc sans compromissions capitalistes ou gouvernementales, sans intrusion dans le débat de personnes interposées.

Dans une étude publiée en 1905, « la Grève générale », par Etienne Buisson, il y est dit : « L’action directe doit constituer la méthode pratique de la politique de toute la classe ouvrière parvenue à la conscience de l’antagonisme latent et final de tous ses intérêts avec ceux de la classe capitaliste ; elle a un champ d’action bien autrement vaste que celui des traditionnelles luttes électorales et parlementaires. »

Pour Pierre Besnard, l’action directe est « la seule et véritable arme sociale du prolétariat. Nulle autre ne peut, quelque emploi qu’on en fasse, lui permettre de se libérer de tous les jougs, de tous les pouvoirs, de toutes les dictatures, y compris la plus absurde d’entre elles : celle du prolétariat. »

L’action directe implique donc que la classe ouvrière se réclame des notions de liberté et d’autonomie au lieu de plier sous le principe d’autorité. Or c’est grâce au principe d’autorité, pivot du monde moderne, dont le démocratisme est l’expression dernière, que l’être humain, enchaîné par mille liens tant moraux que matériels, est coupé de toute possibilité de volonté et d’initiative.

L’action directe, c’est la ruine de l’esprit de soumission et de résignation qui aveulit les individus, faits d’eux des esclaves volontaires ; et c’est la floraison de l’esprit de révolte, élément fécondant des sociétés humaines.

Mais qu’on s’en souvienne, dès son origine, l’Association internationale des travailleurs avait exprimé la synthèse de l’action directe dans sa devise : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »

Maxime Leroy dans la Coutume ouvrière n’a pas hésité à noter : « L’action directe est donc une méthode, la méthode qui donne son unité à toute l’activité ouvrière ; elle est en même temps une philosophie qui tient en ces quelques mots : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »

Et revenons à Pouget : « L’action directe, manifestation de la force et de la volonté ouvrière, se matérialise suivant les circonstances et le milieu, par des actes qui peuvent être très anodins, comme aussi ils peuvent être très violents. C’est une question de nécessité simplement. »

Alors, non, l’action directe n’est pas obsolète. Elle est même à conseiller au quotidien.

TI Wi (GLJD)