Littérature libertaire

Mon double

Littérature libertaire

Parce qu’anarchistes, nous avons la conviction de l’importance de la lecture au quotidien. Se renseigner, s’instruire, s’éduquer mais aussi prendre du plaisir avec le désir de contribuer à l’émergence d’une autre culture du monde. Ouvrir des fenêtres sur d’autres horizons ; appréhender les autres avec davantage d’intelligence, moins de préjugés. Maintenir un équilibre entre poésie, sensibilité, conscience de l’autre mais aussi respect de notre individualité. Réflexions, échanges réciproques, entraide, partage permettent de se donner les moyens de créer des dynamiques du local à de plus vastes échelles. S’affranchir des habitudes, des contraintes liées au travail ou celles du moment ; recherche de l’épanouissement, diversité, convivialité sont autant de vecteurs qui démontrent que le livre est important, vital pourrait-on dire. La lecture nous permet de nous évader de ce monde qui n’est pas le nôtre, du moins celui que nous désirons, de communier avec des amis, d’enrichir les discussions, de philosopher, de s’armer pacifiquement pour refaire le monde.

Elitistes, les libertaires ? Non, évidemment. D’un point de vue global, le milieu culturel, dont les multiples équipements de l’Etat, profite aux milieux aisés et cultivés. Le milieu ouvrier, les gens à revenus modestes, les habitants des banlieues restent à la porte des opéras, musées, bibliothèques…Il existe donc un fossé culturel où les personnes les plus éloignées de la culture paient des impôts mais ne profitent qu’à la portion congrue des équipements culturels prévus pour tous et toutes. Pourquoi ce fossé se creuse-t-il d’année en année ? On pourrait invoquer le coût des spectacles, le bourrage de crâne de la TV qui vampirise l’intelligence des spectateurs…Nous y voyons plutôt le contrecoup d’une perte de sens de d’utopie. Dans les années 1968-1980, il existait au Havre mais aussi ailleurs, un riche tissu culturel : MJC, CLEC…où des spectacles, des expositions de qualité étaient proposés aux habitants des quartiers. C’était un premier contact avec la culture, loin de ce que véhiculait la bourgeoisie. Nous savons tous que les CLEC permettaient de mailler les territoires d’une ville et d’effectuer de la propagande électorale mais ces centres avaient le mérite d’exister et de jouer un rôle culturel non négligeable. Les comités d’entreprise jouaient aussi un rôle culturel important à Valmont…avec des têtes d’affiche en concert, à des prix raisonnables. Les jeunes venaient en nombre, les ouvriers aussi. Maintenant la culture est encore plus standardisée et de qualité incertaine.

Ceux et celles qui avaient compté sur le numérique pour démocratiser la culture y seront pour leurs frais. Un coin de ciel s’éclaircit cependant. Si les best-sellers sont au livre ce que les bockbusters sont au cinéma, on voit apparaître de nombreux livres à faible tirage qui sont de plus en plus vendus, notamment dans les éditions libertaires. Certes ces livres sont généralement pointus et touchent un maigre public mais ils ont le mérite de se généraliser et d’être partagés.

Nos anciens axaient leur propagande sur de petites brochures thématiques faciles à lire. Peut-être devrions-nous reprendre ce type de publications en parallèle des petites éditions livresques qui couvrent aujourd’hui les tables de presse militantes. Encore le livre…et nous pensons qu’à l’allure où vont les choses, lire en dehors des best-sellers sera un acte de contestation et de résistance. Gardons précieusement nos bibliothèques car l’autodafé implicite de la culture livresque est en train de se produire sous nos yeux…