Un article intitulé « Dépasser l’Etat » de Youness Bousenna est paru dans le journal « Le Monde » en date du samedi 25 novembre. Très intéressant et bien documenté, l’auteur de cet écrit reprend les dernières recherches de David Graeber, Marshall Sahlins et l’incontournable James Scott, qui est à l’origine de l’anthropologie anarchiste dont l’objet est la critique radicale des formes du pouvoir dans nos sociétés actuelles. Et en particulier de son incarnation : l’Etat. Les militants libertaires sont davantage familiers des penseurs plus anciens comme Bakounine, Kropotkine…dans leurs critiques de l’Etat. Mais en recoupant et imbriquant les recherches plus récentes de l’anthropologie, de la philosophie politique et de l’archéologie, plusieurs travaux remontent aux origines historiques et conceptuelles de l’institution étatique, dans le but de dépasser l’hégémonie de cet objet aujourd’hui considéré comme la forme immuable du pouvoir. La difficulté des anarchistes se trouve dans le fait que les différentes écoles socialistes dont le marxisme s’accommodent et revendiquent même un Etat fort, tout comme n’importe quelle démocratie ou dictature.
David Graeber, malheureusement décédé en 2020, est pour beaucoup dans ce nouvel air du temps avec ses nombreux écrits dont nous reparlerons ultérieurement : De la bureaucratie à la dette (5000 ans), Au commencement était… des embryons étatiques surgis au néolithique à l’archéologie de la souveraineté…un renouvellement du concept central de nos systèmes politiques est en cours. Si on ajoute le point de vue de Philippe Descola : « L’Etat est devenu un horizon intellectuel indépassable. La réflexion contemporaine est très pauvre, car elle s’inscrit dans la double filiation du libéralisme et du socialisme, qui ont en commun de séparer radicalement les humains et le reste du monde. », d’autres horizons s’ouvrent à la pensée anarchiste. Et nous sommes les seuls à vouloir mettre d’autres organismes en lieu et place de l’Etat.
James Scott entend remettre l’Etat à sa juste place : celle d’une institution qui a joué un rôle bien plus modeste que ne le sous-entendent les tenants du pouvoir d’aujourd’hui. Majoritairement, la population humaine a évolué dans un monde sans Etat. Il indique de même que l’Etat garant de la sécurité et de la prospérité est un mythe invalidé par les dernières recherches en archéologie. Et quand vient à nos oreilles la disparition de grands royaumes qui serait due à l’action des habitants détruisant un ordre social oppressif, cela aussi nous ouvrent d’autres portes pour un autre futur.
David Graeber présente l’Etat comme un objet qui annihilerait la diversité des expériences politiques humaines à travers le temps et l’espace. Même si nous devrons supporter pour un certain temps encore l’Etat, qui possède un certain nombre de pouvoirs coercitifs et le monopole de la violence, la fin de l’histoire n’est pas écrite. A charge pour les anarchistes de prôner d’autres alternatives à l’Etat et de les mettre en place.
Patoche (GLJD)