Le Golfe du Morbihan

Le Golfe du Morbihan

En route pour la petite mer.

Sitôt doublé la « Pointe des Emigrés » apparaît Conleau, à l’entrée du goulet délimité par la côte d’Arradon, et la presqu’île de Langle, en Séné, le pays des Sinagots ; pêcheurs pour qui le golfe n’a point de secrets.

Qui ne se souvient, parmi les anciens de la région, de leurs bateaux à coques noires et à deux mâts, portant rouge voilure.

Solides à la mer, comme leurs équipages, on peut encore voir l’un de leurs survivants « Le Vainqueur des Jaloux », naviguant à travers le Golfe toutes voiles dehors, ayant ma foi toujours fière allure.

Aujourd’hui, pinasses et petits chalutiers en ont pris la relève.

A la sortie du Goulet de Conleau, se découvre le golfe aux nombreuses îles, le Golfe du Morbihan. Autant d’îles que de jours dans l’année, selon la tradition. La toute première : l’île de Boëdic, puis l’île d’Arz, où il e plaît d’aller parfois y retrouver des amis.

Après le coup de l’amitié au bar de « L’Escale », à la pointe de Béluré, arpentant la route bordée de tamaris, et par la mer, je m’en vais jusqu’au vieux bourg, inchangé, de l’île, aux demeures très anciennes et où les promoteurs n’ont, pas encore, fait pousser le béton. Ne le leur permettez pas, braves gens de l’île d’Arz, c’est un vieux Vannetais amoureux de votre île qui vous en conjure.

Après avoir quitté l’île d’Arz et doublé les îles : Dronnec et Logoden, se présente la côte d’Arradon, au merveilleux décor, lorsque vient le printemps. Les jardins à flanc de coteaux mêlant alors leurs chatoyants coloris aux ajoncs d’or et genêts également en pleine floraison.

Aussi la nomme-t-on la « Riviéra bretonne ». […]

Sous ses apparences trompeuses, le Golfe du Morbihan réserve parfois au navigateur qui s’y aventure, sans bien le connaître, des surprises désagréables : bancs de sable, vasières, roches et courants. Il ne faut pas en conclure pour cela que la navigation sur le golfe est un danger permanent, non ! Mais cependant une connaissance parfaite des lieux s’impose, et aussi, bien sûr, de bonnes leçons de matelotage.

Et le navigateur averti sait très bien que les courants du golfe peuvent atteindre, selon le coefficient, jusqu’à quinze kilomètres de vitesse horaire. Aussi pour sortir du golfe empruntera-t-il le jusant, et le flot pour rentrer.

Quant au roches, bien que balisées, mieux vaut tout de même passer au large pour éviter d’y être drossés par les courants et venir s’y craquer.

Méfiez-vous aussi de certaines « sournoises », telles « La Chèvre » et « Le Chevreau », entre « Le Faucheur » et « Le Mouton », qui, n’apparaissant qu’à basse-mer, ne se manifestent seulement que par un léger clapotis en surface.

Mais cela dit, que ce soit sous le soleil ou sous la pluie, quelle que soit la saison, le Golfe du Morbihan ne manque pas de charme, et vaut d’être parcouru, visité…à la voile ou en vedette.

Maintenant si vous le voulez bien, après un regard vers le large, la « Mor-Braz », où nous apercevons à l’horizon des îles du « Ponant » : Belle-Ile, Houat et Hoëdic, laissons derrière nous, Port-Navalo, Locmariaquer, le Golfe et ses toutes dernières îles. Poussons plus loin, au-delà des îles Arnik, vers « Le Loch », la rivière d’Auray.

De la pointe du « Bler », passant Kerlavarec, une vaste étendue nous reste à parcourir entre les rives de Locmariaquer et de Baden, tout au long, bordées de nombreux chantiers ostréicoles, avant d’atteindre « Fort-Espagnol ».

Puis, la rivière devenant plus étroite, nous atteindrons « Kerentrech » un des plus jolis passages de la Rivière d’Auray, avec, droit devant, le vieux « Château du Rocher » dans son cadre de verdure, cependant qu’au-delà, et sur la droite, la rivière « Le Sal » nous invite à remonter jusqu’au pittoresque petit pot du Bono.

Le Bono, pays des marins connus jadis sous le nom de « Forbans », et qui aujourd’hui forment en partie les équipages des chalutiers de : Lorient, Concarneau, et La Rochelle.

Après avoir doublé « Pont César », sur « Le Loch », matelot, « fais gaffe » ! Tiens compte de l’heure de la marée, et de l’importance du tirant d’eau de ton bateau. Car si tu n’as plus à redouter sur les euax paisibles de la rivière d’Auray les redoutables courants et tourbillons du Golfe, les vasières, d’où les hérons cendrés juchés sur leurs longues échasses ‘observent, pourraient bien t’attirer des ennuis. Alors, si tu veux en toute tranquillité aller jeter l’ancre dans le Port de Saint-Goustan, et ensuite te promener dans les ruelles étroites de son vieux quartier, matelot, vise bien entre les balises. […]

René Lochu (Libertaires, mes compagnons de Brest et d’ailleurs). Editions La Digitale, Quimperlé.