Le patronat demande des immigrés

Si le gouvernement Macron creuse le lit de l’extrême-droite en utilisant la stratégie du bouc émissaire faisant des immigrés les responsables de toutes les crises pourtant générées par le système capitaliste, s’il favorise les discours xénophobes en utilisant la dernière loi immigration en calquant sa rhétorique sur la droite extrême, il utilise surtout la division pour se maintenir au pouvoir. Macron rejoue la partition initiée par Mitterrand en son temps désirant faire exploser la droite, ce qui est en passe de se réaliser aujourd’hui. Il suffisait d’être patient.

Ce qui est terrible, c’est ce racisme et la peur de l’étranger qui gangrènent la société avec des propos immondes assumés et qui n’auraient pu se tenir il y a seulement vingt ans.

Pour autant, nous ne pensons pas que l’extrême-droite, aux portes du pouvoir aujourd’hui, puisse y accéder à court terme.

A cela, il y a deux raisons. D’une part, les travailleurs et leurs organisations ne représentent aucun danger révolutionnaire immédiat pour le patronat, et ce dernier a besoin d’une main d’œuvre immigrée de plus en plus abondante. Et ce n’est pas propre à la France.

La France serait bien dans l’embarras si tous les médecins étrangers devaient quitter le territoire national. Mais le milieu hospitalier n’est pas le seul à requérir de la main d’œuvre immigrée. Les services à la personne, le BTP et la restauration sont des secteurs où les métiers sont en tension. Pour l’agriculture, les saisonniers sont de même indispensables : vendange, différentes cueillettes… Le patronat productiviste a besoin de s’étendre et accroître ses profits. Il patronat est donc à la peine pour recruter dans plusieurs secteurs et il a toujours eu besoin d’une main d’œuvre étrangère pour faire baisser le coût du travail des travailleurs en général. Par ailleurs, il faut bien redire que les migrants et les réfugiés ne prennent pas le travail des Français, ils participent à la vie économique en consommant. Souvent ils travaillent dans des conditions déplorables dans certaines branches professionnelles car sans papier, ils n’osent se plaindre.

Avec le Brexit et les difficultés économiques de la Grande-Bretagne, les Français ne sont pas enclins à quitter l’Europe et il a bien fallu que Marine Le Pen retourne sa veste sur le sujet, laissant à Florian Philippot, le rôle de brexiter.

Les pays européens sont dans la même configuration, celle d’une demande de main d’œuvre étrangère, dans le cadre d’une immigration choisie. Les demandes sont différentes selon les besoins des différents pays de l’Union mais la dynamique est la même. Tous les dirigeants européens veulent réarmer la natalité.

L’exemple le plus percutant est celui de l’Italie. Salvini continue à dénoncer la submersion migratoire mais Meloni, la Présidente du Conseil italien, issue des rangs de l’extrême droite, joue une partition bien étrange. Elle désire allier le contrôle des migrations «  irrégulières » et une aide aux pays africains. Contrairement à la politique qu’elle menait alors qu’elle était dans l’opposition, Meloni n’accuse plus l’Union européenne d’être responsable des vagues de migrants. Elle sait que le patronat italien a un besoin crucial de main d’œuvre notamment dans les secteurs du tourisme et de l’agriculture. Giorgia Meloni fait maintenant la promotion de l’immigration légale.

Les Polonais dont la croissance économique est florissante ont un besoin important de travailleurs dans l’agriculture et le bâtiment. La main d’œuvre d’origine asiatique est sollicitée : Indiens, Philippins etc., Sans compter les voisins ukrainiens qui ont fui la guerre. Là encore, le nationalisme s’accommode des besoins du patronat.

Même Orban répond à la demande patronale. Ainsi des dizaines de milliers d’immigrés ont été autorisés à entrer en Hongrie. Le plein emploi nécessite des « travailleurs invités », notamment des Philippins. Orban envisage de faire venir 500 000 étrangers…

Les Suédois et les Danois axent leur demande sur les travailleurs très qualifiés. Le patronat de ces contrées  s’inquiète du retard pris par rapport à d’autres pays et demandent des travailleurs qualifiés mais aussi d’autres salariés qui le sont moins.

Les Anglais qui ont voté pour qu’il y ait moins d’étrangers en Grande-Bretagne font face à une immigration record. Près de 20% des personnels de santé ne sont pas citoyens britanniques par exemple.

 Les Belges ne sont pas en reste surtout en pays flamand. Les patrons sont à la peine pour recruter dans les secteurs de la logistique, du numérique et de la construction.

Les Allemands estiment que pour faire face aux millions de travailleurs qui partiront en retraite d’ici une quinzaine d’années, il faudra 400 000 immigrés par an pour combler les départs et continuer à faire tourner l’économie. Les services de santé et d’éducation ainsi que la métallurgie et l’informatique sont en demande. Mais là, le gouvernement allemand va privilégier des demandeurs non-musulmans : Indiens, Canadiens et Brésiliens.

On le voit, le patronat demande et les gouvernements s’exécutent.

Pour ces raisons, le patronat n’a aucun intérêt à ce que des mouvements d’extrême droite tuent la poule aux œufs d’or.

Le pendant de ces demandes de personnel très qualifié, c’est que cela impacte le développement des pays dits émergents. L’Europe compte ponctionner les forces vives de pays qui ont pourtant besoin de travailleurs qualifiés d’autant que les pays d’origine ont souvent payé la formation de ces personnes. Mais les problèmes éthiques, pour les dirigeants, c’est du toc.

En France, on s’aperçoit que Marine Le Pen a été plutôt épargnée par Macron car c’est sa meilleure ennemie. Il laissera le soin à Edouard Philippe en 2027 de s’occuper de l’extrême droite en l’attaquant sur ses relations troubles avec la Russie, sur ses revirements économiques et sociaux… son programme erratique. L’assassinat de Navalny  par Poutine aujourd’hui oblige les dirigeants du RN à de sérieux numéros d’acrobates et d’équilibristes. Certes le R.N. entend capitaliser sur l’insécurité, le déclassement social, la smicardisation des travailleurs, les migrants etc. mais si il pense que le système va s’écrouler pour lui tomber dans les bras, c’est qu’il manque d’analyse. La liste de Bardella caracolera en tête lors des prochaines européennes et Marine Le Pen sera de même en tête lors de la prochaine présidentielle mais il ne suffit pas d’engranger des ralliements de technocrates comme l’ancien patron de Frontex aujourd’hui pour accéder au pouvoir. Cela étant dit, l’extrême droite doit être combattue sur tous les terrains notamment celui de classe. Les anarchistes ont une boîte à outils bien remplie pour cette mission.

Ti Wi (GLJD)