A quand la pilule pour les impuissants du cerveau
La guerre des étoiles aurait pu commencer. Un météore aurait pu percuter notre planète et la faire exploser ; qu’importe !
On parlait encore du dernier massacre à Gaza et les assassinats se perpétuaient en Cisjordanie ; qu’importe !
Les Afghanes et les Iraniennes étaient frappées et humiliées quand elles n’étaient pas purement tuées pour des tenues vestimentaires jugées inappropriées. Les hommes faisaient la loi ; qu’importe !
On venait de découvrir l’ampleur de la famine en Ethiopie et le nombre de morts au Tigré. Des êtres déshérités, dont une majorité d’enfants, mouraient de faim aux quatre points cardinaux ; qu’importe !
On continuait à torturer derrière les murs des prisons de maintes contrées du globe et à exciser des fillettes au nom de traditions odieuses, et trop peu nombreuses étaient les personnes qui dénonçaient ces pratiques; qu’importe !
La guerre durait en Ukraine et Navalny était assassiné par Poutine ; qu’importe !
La mondialisation, paupérisant les travailleurs, et les plans sociaux, qui en flanquent des milliers sur le carreau, continuaient inexorablement ; qu’importe !
Les chômeurs étaient les grands perdants des réformes en cours ; qu’importe !
Les services publics s’effondraient ; qu’importe !
Qu’importe aussi les inondations, les sécheresses, les ouragans, bref le dérèglement climatique et ses dramatiques conséquences.
Aucune catastrophe, naturelle ou provoquée, y compris l’écroulement de la Bourse, n’aurait pu empêcher l’hystérie collective qui s’est emparée de la quasi-totalité de la population, de l’adolescent au sénior, de l’actif au retraité, du salarié au chômeur, du nanti au paria !
Cette folie qui balaie tout, ce sont les Jeux Olympiques et paralympiques de Paris qui arrivent fin juillet 2024. Nous avions déjà eu le mondial de football au Qatar fin 2022. A chaque fois, du pain et des jeux, comme chez les Romains. Et on oublie tout.
Plus rien n’existe, tous et toutes se prosternent au pied du dieu Sport: les chaînes de TV, les radios, les journaux, les magazines. Surtout les médias les plus puissants, ceux qui monopolisent et façonnent l’opinion nous en font manger à satiété, du matin au soir.
Devant ces jeux, amnésie générale, mais pas d’amnistie pour les fins de mois difficiles, les traites à payer, les factures d’énergie qui n’en finissent pas de grimper, l’inflation, les salaires minables, le spectre du chômage, la course aux petits boulots ubérisés ou non, les maigres retraites, les patrons imbus de leurs privilèges et la hiérarchie arrogante…Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil. Tout le monde s’embrasse et vive le cocorico tricolore !
La France, troisième sur le podium des exportateurs d’armement au monde. Ouf, déjà une médaille.
Le sport, opium du peuple, complète la religion. La vénération des idoles sportives devient un exutoire à la misère et au mal-être. On a le foot, le tour de France et les J.O. ! Vive l’année 2024 !
A quand la pilule pour les impuissants du cerveau qui ont inspiré à Ernest Renan ces mots très pessimistes toujours actuels : « La bêtise humaine est la seule chose qui me donne une idée de l’infini. »
le libertaire