Le pouvoir des technocrates
Malgré le changement opéré en France dans le monde de la politique politicienne avec changements d’étiquette, les fondements du politique n’ont en rien changé à l’échelle du pays. D’un bipartisme au tripartisme, la seule nouveauté est le poids électoral considérable du R.N. aujourd’hui. Or, le champ véritable du politique, c’est le conflit de classes existant à son niveau de base, c’est-à-dire au niveau des institutions. Les classes se définissant, selon moi, par rapport à leur possession ou leur non possession de pouvoir dans chaque Institution, y compris l’Institution Suprême (hélas !) actuellement encore bien debout partout dans le monde, je veux parler de l’Etat !
Or, à l’intérieur même de cette Institution Suprême dans la France actuelle, et bien que le parlement aspire à asseoir en son sein une autorité dont on l’avait auparavant privée, trône déjà une colossale puissance capable de faire la nique à tous les gouvernements qui se succèdent et se succéderont. Et cette classe détenant la puissance, cette caste plutôt, ce sont justement les descendants de Prométhée, le voleur de feu, qui la constituent. On les appelle aussi (moins poétiquement) des technocrates. Et puis, tiens ! Pour causer plus concret, n’a-t-on pas entendu parler quelque part ces derniers temps, d’Etat dans l’Etat. Nous avions à l’époque de l’Inquisition, la religion catholique qui représentait cet Etat dans l’Etat. Dans les années 1980, on parlait d’un Etat E.D.F. Aujourd’hui, où la France est devenue le deuxième exportateur mondial d’armement, l’industrie de l’armement ne représente-t-elle pas un Etat dans l’Etat ?
C’est la finalité du politique dans le monde actuel, et qu’on la pare, de blanc, de rouge, de brun ou de toute autre couleur, n’est-elle pas la Puissance, toujours davantage de puissance ?
Mais les détenteurs de la puissance véritable, ce ne sont pas, quoiqu’en puisse penser le plus grand nombre, les hommes politiques eux-mêmes. Ce sont, bien au contraire, les anonymes professeurs Nimbus et autres docteurs Mabuse, serviteurs inconditionnels de l’energeia et de la technè dont ils règlent la copulation par décisions administratives et jupitériennes. On peut ainsi dire que tout le pouvoir concentré des différentes nations se trouve finalement dans les mains de quelques dizaines de milliers de personnes disposant de hauts savoirs utiles (sic !) et qui ne sont certainement pas prêtes à laisser filer les privilèges acquis et l’autorité qu’elles se sont arrogés.
Les sciences, les techniques, le numérique et les réseaux sociaux se sont emparés de nos vies. Et bientôt, l’Intelligence artificielle accentuera le phénomène. C’est incontestable. Ils nous gouvernent et nous inventent nos avenirs, voire nous expliquent les chemins du seul progrès et du seul bonheur souhaitable. Ils dressent notre pensée.
Ce qui me préoccupe justement, c’est que tout cela ne soit pas humainement maîtrisé. Ce qui me préoccupe, c’est que, dès qu’un être humain donne pour tout sens à sa vie la manie perpétuelle du calcul et du seul raisonnement mathématique afin de « se rendre maître et possesseur de la nature » comme disait déjà Descartes, il ne se préoccupe plus de distinguer, de hiérarchiser et, à plus forte raison, de condamner certains niveaux de monde en puissance, surtout lorsque le plafond du démentiel a déjà été cent fois crevé.
Pourtant, à mon humble avis, pour ce qui est du sacro-saint savoir scientifique, on ferait bien de commencer par s’interroger, non sur la qualité objective des résultats, mais sur l’opportunité fonctionnelle d’un tel savoir ou d’une telle science, uniquement préoccupée de découvrir ce qui est à l’exclusion de ce qui pourrait être. L’apparition des technologies de grande envergure, ainsi que le développement de populations très denses, exigent aujourd’hui par la force des choses, que l’organisation prenne une place prépondérante et que soit bouleversée la conception traditionnelle du rôle de l’individu dans la société.
Si nous continuons sur cette lancée post-industrielle, l’humain sera de trop et nos perceptions et actions coutumières deviendront inadéquates.
C’est pourquoi, il nous faut créer très vite une nouvelle image de l’homme qui n’en fasse pas un dominant mais un existant, pas un chef mais un créateur en privilégiant le jugement de tous et toutes et non le commandement de quelques-uns et quelques-unes. Ce n’est pas un souhait, c’est une nécessité.
Le Père Chat pour le libertaire