Le Français, ce pigeon qui travaille gratuitement pour les capitalistes

Quand on travaille bénévolement pour le Secours Populaire, une association d’entraide ou une association qui fait vivre une commune, on a le statut de bénévole et on sait que l’on travaille pour le bien commun. Mais il est du travail non rémunéré que tout un chacun exécute gratuitement pour le compte des banques, des supermarchés, des autoroutes,  etc. afin de remplir les poches des grands groupes de la Tech.

Prenons quelques exemples. Si vous prenez l’autoroute en flux libre, vous devez avoir un badge télépéage ou si vous n’en possédez pas, on exige de vous un paiement en ligne dans les 72 heures sous peine d’amende. On vous fait miroiter un gain de temps mais nous verrons à l’usage si le nombre d’accidents n’augmente pas à terme. En attendant, vous bossez gratuitement pour la Sanef qui engrange des profits pourtant conséquents.

Vous passez à la caisse automatique d’un supermarché, vous faites du self-service qui organise avec votre consentement un transfert de la charge de travail habituellement dévolue à une caissière sur les usagers. Certes, il n’est pas agréable d’attendre à la caisse quand la file est importante mais cela devrait être géré par les enseignes qui ne sont pas à plaindre quant à leurs marges. De surcroît, vous vous faites de plus en plus fliqués aux caisses automatiques faisant de vous un délinquant potentiel, ce qui n’est pas très agréable non plus. Vous remplissez votre chariot, vous scannez les codes-barres sous la surveillance d’un employé. Non seulement vous effectuez le travail d’une caissière mais vous vous transformez en éventuel resquilleur car vous avez maintenant cette responsabilité de passer tous vos articles.

Quand vous gérez votre compte en banque à distance, vous travaillez également gratuitement pour votre banque qui ne réduit en rien ses coûts, bien au contraire. Sans compter au passage les dizaines de milliers d’emplois qui ont été supprimés dans le secteur bancaire sur les 20 dernières années.

Quand vous réservez une location ou un hôtel, là encore vous travaillez gratuitement, de même quand vous réservez un billet de train. Pourtant prendre le train coûte de plus en plus cher. Les places de guichetiers SNCF se réduisent.

Quand vous payez toutes vos factures d’électricité, gaz, eau, assurances etc. vous vous rendez complices de même de la démonétisation du travail.

Les grands groupes de la Tech, non contents de récupérer la valeur marchande des données que nous leur fournissons quand nous naviguons sur internet, s’en mettent plein les fouilles avec notre travail gratuit.

Le pompon, ce sont les groupes comme Airbnb qui échappent à l’impôt car leurs sièges sont dans des paradis fiscaux alors que les travailleurs sont taxés en fonction de leurs revenus qui eux n’échappent pas au fisc. Les riches connaissent toutes les ficelles pour payer le moins possible d’impôts. Airbnb taxe les loueurs et les locataires sans posséder un seul logement en France.

Le gouvernement et le patronat nous saoulent avec le coût du travail qu’il faudrait alléger pour l’employeur, bien entendu. Nous constatons, nous autres consommateurs, que les entreprises qui sont censées profiter de la baisse des cotisations pour diminuer leurs prix ne les baissent pas afin d’accroître leurs profits. Parallèlement, ces vingt dernières années, les cotisations patronales ont été considérablement allégées au niveau du Smic par les gouvernements de gauche comme de droite. Du coup, les patrons tirent avantage à garder leurs salariés au Smic. Les travailleurs sont encore les pigeons mais à un autre niveau.

Pourquoi nous bassiner avec ce coût du travail alors que notre modèle social repose davantage sur les revenus du travail que sur ceux du capital notamment au niveau fiscal. Les riches bénéficient de leurs rentes mais on n’en parle quasiment pas hormis dans les cercles militants. Pourtant c’est contre la rente et les conditions de travail déplorables faites aux travailleurs et à leurs enfants que le droit du travail s’est forgé au fil des décennies au XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui où de pitoyables conditions de travail exténuent encore les travailleurs du nettoyage, les livreurs ubérisés etc. La défense des travailleurs contre la rente, contre l’évasion fiscale…est une question de fierté et de dignité en attendant des moments plus propices où l’égalité économique et sociale sera la règle imposée par ceux et celles qui produisent véritablement les richesses.

Les travailleurs se laissent berner par les thèmes identitaires et les questions migratoires véhiculés par l’extrême-droite, la droite et le patronat alors que les luttes pour des conditions de travail dignes et bien rémunérées seraient plus à même de rendre espoir aux salariés. Quand nous parlons des travailleurs, nous parlons des travailleurs agricoles, des travailleurs d’usines mais aussi de tous ceux et celles qui travaillent dans les services, ces derniers représentant aujourd’hui les trois-quarts de la population active.

En tant que libertaires, nous sommes très attachés au rôle de l’éducation. Nous constatons que l’école est une machine à reproduire les inégalités. Ce n’est pas nouveau ; de célèbres pédagogues anarchistes avaient en leur temps dénoncé cet état de fait (cf « Libertaires et Education » de Patrice Rannou).

L’Observatoire des inégalités rapporte que dès l’entrée en maternelle « les enfants des milieux les plus favorisés affichent des scores nettement supérieurs à ceux des enfants de milieux défavorisés ». Et bien entendu, les inégalités se creusent tout au long du système scolaire. L’école est un élément moteur du tri social.

La gauche n’est pas exempte de reproches car elle a longtemps été au pouvoir depuis 1981 et n’a pas fait grand-chose pour remédier à cela. Il y a loin de la coupe aux lèvres et l’on constate une grande hypocrisie entre les discours d’égalité des chances de Macron et autres politiciens de tous bords et la réalité des faits. Comme dirait le Président à propos du réchauffement climatique, ce n’est pas une opinion, ce sont les faits, basés sur des relevés scientifiques.

En ne changeant pas de logiciel, on pipe les dés dès la naissance. Quand on ajoute à cela la concentration du patrimoine qui s’étoffe d’année en année, on valide l’inégalité de fait et on s’éloigne de plus en plus de la dite devise républicaine « Liberté-égalité-fraternité ».

Seule une Révolution sociale et libertaire sera à même de constituer une alternative au système capitaliste qu’il soit d’Etat ou non.

Goulago (GLJD)