La laïcité doit-elle être cantonnée au seul aspect de la séparation des Eglises et de l’Etat ?
Nous autres libertaires avons une vision globale de la société, à ce titre nous condamnons toute croyance au sacro-saint marché qui permet sans vergogne l’exploitation de l’homme par l’homme. Sous couvert de liberté économique, les lobbies industriels et financiers imposent leurs diktats et leur vision du monde. Après avoir célébré la fin de la lutte des classes, les partisans des lois du marché essaient de nous faire accepter leurs lois comme intangibles au même titre d’ailleurs que toutes les églises désirent que la loi religieuse impose la soumission de chaque individu à leur loi divine. Ainsi le marché génère chômage massif, licenciements boursiers…et des millions de salariés ont peur du lendemain comme les croyants ont peur de la hiérarchie ecclésiastique et d’être pris en défaut par leurs pairs qui les fliquent de fait.
Jean Jaurès, chantre de la République laïque et sociale, postulait que la République resterait laïque pour autant qu’elle resterait sociale. Pour Bakounine, il n’y a pas d’égalité sans égalité économique et sociale. Jaurès et Bakounine s’insurgent de fait contre les « nouvelles cléricatures de l’argent » : religion du profit, dogme économique du marché et Proudhon aurait pu deviser sur les spéculations boursières…
Sur fond de crise économique qui perdure depuis l’ère Mauroy, aucune compensation des inégalités sociales n’a été mise en place et les premiers à être touché dans ce cadre sont les jeunes, les femmes et les immigrés ainsi que les enfants nés de parents étrangers qui constituaient une main d’œuvre bon marché travaillant dans les industries notamment automobiles durant la période dite des Trente Glorieuses.
Comme rien ou pas grand-chose n’a été réalisé pour les jeunes des banlieues, ceux qui appartiennent à la communauté musulmane ont revendiqué haut et fort leur identité religieuse pour pallier l’absence d’initiatives publiques visant à combattre les discriminations dont ils étaient victimes.
On peut après tergiverser sur le problème du foulard à l’université, dans l’espace public…sur l’inégalité entre femmes et hommes dans la religion musulmane…tout ce qui sera dit restera lettre morte pour la bonne et simple raison que la société nous donne à voir le contraire de l’égalité partout. La devise républicaine : liberté, égalité et fraternité est en panne sèche.
La religion s’engouffre alors dans les brèches ouvertes par les dysfonctionnements économiques et politiques de la société française.
Peut-on envisager une porte de sortie à cette crise identitaire ?
Un travail de dialogue et d’écoute dans les écoles publiques pourrait permettre aux enfants et aux jeunes de se libérer du carcan familial. Tout ce qui valorise la coopération plutôt que la division est bon à prendre. Lutter contre le racisme et la xénophobie sera efficace si l’on est capable d’éduquer au vivre ensemble, si l’on s’achemine vers l’égalité économique et sociale pour tous et toutes. Ainsi, il faudra revoir à la baisse les subventions attribuées à l’école privée, régler le problème des ghettos dans les quartiers, imposer une mixité sociale entre écoles publiques et privées en contrôlant le recrutement selon les catégories socioprofessionnelles des parents et les niveaux scolaires des enfants. En attendant la fin des écoles privées…Pour un unique service public de l’éducation.
La société a perdu gros en laissant la laïcité perdre du terrain au fil des ans : lois Marie et Béranger qui permirent les premières subventions aux écoles privées, loi Debré en 1959, lois Guermeur de 1971 et 1977…Depuis l’après –guerre, de nombreuses dispositions dérogeant au principe de la loi de 1905 ont été mises en place et nous en payons les conséquences aujourd’hui. Bientôt, nous verrons les écoles privées musulmanes fleurir sous couvert d’égalité avec les écoles catholiques. Nous voyons la grande astuce des écoles confessionnelles sous contrat d’association avec l’Etat, et elle consiste à se prétendre service public comme les écoles publiques, avec comble de l’ironie, l’obligation pour l’Etat de les financer. Il faudra mettre un grand coup de pied dans la fourmilière des ennemis de la liberté : les religieux de tous poils. Sans parler des sectes qui guettent à leur tour. On peut effectuer un parallèle avec les Etats-Unis où les créationnistes remettent en cause les lois de l’évolution…
La laïcité impose à notre sens une neutralité religieuse mais aussi politique et commerciale dans les écoles. Ce qui implique une indépendance des écoles vis-à-vis de tous les pouvoirs politiques et une interdiction des pratiques commerciales au sein des établissements scolaires : non diffusion des données personnelles relatives aux élèves et la non-participation aux partenariats avec des entreprises. On trouve cela dans les textes officiels mais on peut constater leur inopérance quant à leur application notamment lorsqu’il s’agit de favoriser telle ou telle entreprise. L’exemple du plan informatique pour tous (IPT) est révélateur et plus proche de nous dans le temps, la proposition récente de télécharger Microsoft Office 2016 à 11,20 € pour les enseignants alors que les préconisations du ministère stipulent qu’il faut aller vers les logiciels libres et gratuits…De nombreuses municipalités ont d’ailleurs signé une charte de bonne conduite quant à l’utilisation des logiciels à utiliser. Mais l’Etat, c’est fais ce que je dis pas ce que je fais !
Pour répondre à la question posée de manière liminaire, la laïcité ne doit pas se restreindre à limiter le religieux à la sphère privée mais doit intervenir de manière plus générale afin de ne pas livrer les élèves et les enseignants aux margoulins de toutes sortes, financiers et politiciens en premier lieu.