Voline faisait remarquer à juste titre qu’une théorie n’a de valeur et de chance d’application durable que dans la mesure où elle est conforme à la vie.
Une telle vérité trouve sa démonstration dans la faillite générale de toutes les propositions politiques, dont l’aboutissement est une rupture totale avec les nécessités les plus élémentaires et un déséquilibre en tous les domaines.
Déséquilibre entre l’univers terrestre et l’espèce humaine, dont l’expansion insensée menace, non seulement son environnement, mais aussi – par voie de conséquence – sa propre existence. Il suffit de constater les dégâts occasionnés par le dérèglement climatique par exemple. Aussi, la démographie galopante, encensée par toutes les religions (croissez, multipliez-vous…), fait fi des ressources limitées de la planète.
Déséquilibre entre les différentes catégories sociales, aboutissant à une opposition de l’activité des hommes et des femmes, à une neutralisation de leurs efforts et à la nullité de leur production, en raison de la vanité et de la nocivité de leur fabrication, en raison des conditions de travail doublement dégradées voire inhumaines dans certains pays ; et parce qu’elles soumettent l’individu à des rythmes anormaux, et parce que le résultat en est inutile ou nuisible, en raison enfin de l’honneur ou de la honte attachés à telle ou telle profession. Une minorité s’arroge le droit d’exploiter et de dominer le plus grand nombre pour en tirer le plus de profits possible. Nous avons maintenant des économies basées sur l’industrie de l’armement donc de la mort et pour d’autres sur le narcotrafic. Par ailleurs bon nombre d’emplois relève de l’inutilité sociale.
Déséquilibre entre les êtres des deux sexes, entre les générations, entre les « races », entre les nations ; déséquilibres engendrés, fomentés, entretenus, et avec eux les tabous et les préjugés, les mépris et les haines dont ils sont nés. Les femmes sont bien moins payées que les hommes ; elles sont victimes de féminicides, de violences sexuelles et sont cantonnées à des tâches ménagères bien souvent non partagées. Même si on constate des progrès et une évolution des mentalités, on est encore loin du compte. Il suffit aussi de constater la discrimination dont sont victimes les minorités racisées, sexuelles…
On ne peut dissocier une proposition sociale de la vie. Ainsi, elle se doit pour être prise en considération, de concerner tous les vivants.
Cette préoccupation a toujours été celle des anarchistes, qui se sont toujours refusés au monolithisme d’une société aveugle aux diversités humaines, ce souci, qui a toujours été le nôtre, a toujours laissé une marge à l’évolution des choses, se refusant à fermer nos fenêtres sur l’avenir.
En clair, cela présuppose la juxtaposition des désirs humains (sauf ceux qui relèvent de la criminalité) et le respect par chacun de tous.
Faute de cela toute prétendue révolution ne serait qu’un coup d’Etat, et la transformation sociale annoncée ne nous offrirait qu’une nouvelle dictature.
Or, si ce monde nouveau, rêvé, espéré, voulu par tous les esprits libres, peut voir le jour, ce ne sera qu’en raison d’une synthèse générale, d’une mise à jour, non seulement des besoins humains et des ressources humaines et terrestres, mais aussi des désirs de chacun et des diversités individuelles.
Un système fédéraliste (et seul un système fédéraliste) peut prétendre réaliser une telle œuvre, seul il a la faculté de juxtaposer, lier, coordonner les différentes formes d’activité des uns et des autres, seul il peut briser le carcan d’une organisation centralisée et par conséquent, autoritaire.
Serait-il donc concevable qu’une organisation visant à une finalité libertaire ait recours dans le présent à des méthodes centralisatrices ? Toute organisation se doit d’être dans son actualité la préfiguration de sa proposition d’avenir.
Raucime et Ti WI (GLJD)