Trois fillettes ont été assassinées, le 29 juillet 2024, près de Liverpool, par un jeune de 17 ans né à Cardiff (Pays de Galles) de parents rwandais sans lien apparent avec l’islam. C’est un acte odieux et horrible. Mais l’assassin a été faussement présenté comme un migrant musulman et demandeur d’asile. Tout comme à Dublin, fin 2023, lors d’émeutes mémorables, c’est une fausse rumeur qui a circulé sur les réseaux sociaux et semé le chaos. L’extrême-droite est à la manœuvre et s’en prend violemment aux mosquées et aux lieux d’hébergement de demandeurs d’asile. Comme à l’accoutumée, les musulmans sont pris à parti par les racistes antimusulmans. La désinformation en ligne conduit à la banalisation de discours anti-migrants. Des gens comme le libertarien Elon Musk appuient là où cela fait mal et affirment que « la guerre civile est inévitable en Grande-Bretagne ». La théorie du complot en rajoute. C’est le grand remplacement, ou migration de masse, qui menacerait l’identité anglaise. Bref les réseaux sociaux deviennent une arme à double tranchant et ceux qui la maîtrisent en tirent un net avantage.
Pour autant, un pays où 20% de sa population vit sous le seuil de pauvreté est un pays condamné à être livré aux démagogues de la pire espèce. Si on ajoute l’extinction de l’ancienne culture ouvrière, un consumérisme anesthésiant, une dérégulation financière, une surveillance décomplexée des individus notamment des militants et un endoctrinement via les écrans, on a tous les ingrédients nécessaires à la montée d’une société autoritaire.
Tout comme en France, la Grande-Bretagne est confrontée à un cocktail détonant : une extrême-droite bruyante de plus en plus influente (avec un Nigel Farange, député, promoteur du Brexit) ; une immigration de plus en plus contestée par les Anglais et une insécurité où le moindre incident peut prendre des proportions inédites.
Cela devrait nous alerter. Nous avions déjà eu un aperçu en France de mobilisations d’extrême-droite à Callac, Crépol…Même en Corse, les indépendantistes sont contraints de monter au créneau face à la montée du RN. Deux nationalismes se concurrencent ainsi. Et d’expliquer cette croissance d’extrême-droite par « un vote communautaire français », comme si les Corses ne votaient pas RN…c’est une analyse bien faiblarde et hasardeuse.
Suite aux dernières élections législatives, le RN va recevoir 18,4 millions d’euros de subventions publiques par an. De même les partis perçoivent 37 200 euros par député et sénateur. C’est dire que même nous autres, les abstentionnistes, allons payer pour l’extrême-droite via nos impôts…Ce trésor de guerre va permettre au RN de faire campagne à grande échelle. Ce parti peut remercier monsieur Macron avec sa dissolution.
Cette manne financière va attiser le programme RN qui va continuer à cliver les Français. Mais il ne faudrait pas croire que seuls les « déclassés » votent RN. Les habitants des zones péri-urbaines qui ont accédé à la propriété individuelle n’ont rien de travailleurs précaires dans l’ensemble. Souvent ces salariés bossent à deux. La population « racisée » s’est retrouvée dans des banlieues et l’habitat social s’est de fait dévalorisé. In fine, les rapports de domination que les anarchistes dénoncent depuis des lustres traversent la société française à différents niveaux. Les enjeux d’emplois, d’espaces d’habitation, d’établissements scolaires, de services publics…mettent en concurrence les travailleurs dont les plus pauvres se retrouvent stigmatisés voire exclus.
C’est autour de ces sujets, entre autres, que les militants doivent se mettre au travail. Pendant que les travailleurs s’opposent et se concurrencent, le patronat, les élus locaux qui refusent les logements sociaux, les politiciens se frottent les mains et en tirent bénéfice.
L’extrême-droite s’impose par étapes successives. Cette montée en puissance est nourrie par des extrémismes identitaires. De la version ligth via le RN à une version hard via les Zemmouristes ou le clan de Marion Maréchal lié aux intégristes catholiques. Plutôt que de s’attaquer aux problèmes économiques des gens, aux problématiques écologiques, leur fonds de commerce, c’est la croisade identitaire. Actes antisémites et actes antimusulmans relèvent de la même logique. Les politiciens d’extrême-droite surfent sur la peur de l’autre, l’angoisse collective…et deviennent via les réseaux sociaux des pros de la manipulation du langage afin d’instrumentaliser des faits odieux et d’attiser ainsi les tensions.
Ce sont les politiciens macronistes, de droite et d’extrême-droite voire certains à gauche qui ont mis la thématique identitaire au centre du débat. A force de crier au loup, ça dérape et il est difficile d’éteindre l’incendie. Fort heureusement, en Grande-Bretagne, de nombreuses manifestations antifascistes se sont déroulées ces derniers jours. Il est temps de faire de même en France. Ce que disent les libertaires depuis bien longtemps, sans être beaucoup entendu, c’est qu’un régime d’extrême-droite peut arriver au pouvoir par les urnes. Qu’un gouvernement arrivant au pouvoir par un vote dit démocratique peut ne pas être démocratique du tout. CQFD.
Ty Wi (GLJD)