Etre anarchiste en 2025

Nous ne reviendrons pas sur les fondamentaux et les invariants de l’anarchisme, il existe pour cela bon nombre de livres qui traitent de ce sujet. Parmi les plus récents : « Révolution anarchiste » de Patrice Rannou, « Repenser l’anarchisme » de Tomas Ibanez, les livres de David Graeber…Sans compter les incontournables d’Emma Goldman, Kropotkine, Bakounine, Elisée Reclus etc.

En 2024-2025, être anarchiste, c’est vivre avec son temps. Avec une instabilité politique, économique et écologique. On ne peut s’abstraire de la situation à laquelle nous sommes soumis. Par contre nous pouvons la dénoncer, la combattre et proposer une alternative. Nous sommes dans une interdépendance mondialisée d’un point de vue énergétique et écologique par exemple. Ça ne veut pas dire que localement on ne peut rien faire. Interdépendance énergétique, parce que notre économie est basée sur les énergies fossiles et que ces dernières contribuent au réchauffement climatique. En matière de pollution, il n’y a pas de frontières et la montée des eaux peut toucher des pays par exemple qui ne contribuent  que très peu au dérèglement climatique. Tous les pays sont touchés ou seront touchés par ricochet ou non par la crise climatique en cours. D’où la nécessité d’un internationalisme des travailleurs qui veillerait aux intérêts des classes laborieuses dont on sait qu’elles sont les plus exposées aux dégâts occasionnés par les inondations, les sécheresses (cf Valence en Espagne…). Même si le nucléaire pollue moins sur le plan des gaz à effets de serre, il reste dangereux à court terme (avec possibles guerres, secousses sismiques, attentats…) et très dangereux pour les générations futures notamment en ce qui concerne les traitements des déchets radioactifs et leur enfouissement. Si une centrale nucléaire pète, il n’y a pas de frontières et personne n’est à l’abri des radiations.

Les travailleurs sont de même touchés par la précarité, le chômage et l’exploitation capitaliste. De multiples plans de licenciements sont en cours notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie et la restauration, le commerce, l’automobile etc. Sans compter la non-prise en compte des besoins dans les services publics qui licencient les contractuels…Près de 290 plans de suppressions d’emplois ont été recensés en une année, de septembre 2023 à octobre 2024, avec 200 000 emplois touchés. Et l’année 2025 ne s’annonce guère meilleure, bien au contraire, et gageons que le patronat profitera de la crise politique française pour tailler dans ses effectifs afin de gaver davantage ses actionnaires. D’ailleurs ce même patronat ne veut surtout pas débattre des milliards d’exonérations de cotisations sur les bas salaires. Et de faire du chantage à l’emploi si le coût du travail venait à augmenter. C’est cette peur du chômage, cette anxiété sociale avec la xénophobie qui fait monter l’extrême-droite.

Le monde agricole n’est pas exempt de reproches. C’est le secteur productiviste qui touche le plus de subventions de l’U.E. alors que la terre, comme écosystème, est de plus en plus attaquée. La biodiversité s’amenuise, de nombreuses espèces disparaissent ; les agriculteurs eux-mêmes sont victimes des pesticides ainsi que les riverains de leurs champs avec moult cancers et pathologies à la clef. La planète est en voie de saccage. La pollution de l’air est responsable d’une mortalité croissante, jugée à 40 000 morts chaque année en France. Et là, il n’y a pas de plans de prévention. Lors de la dernière COP (COP 16), le constat suivant a été fait : 100 millions d’hectares de terres saines et productives sont dégradés par l’homme chaque année. La pollution de l’air en Inde fait suffoquer les populations. La production de déchets explose ainsi que celle des plastiques qui devrait atteindre le milliard de tonnes avant 2050, c’est-à-dire à court terme dans 20-25 ans, avec toutes les conséquences sur le réchauffement climatique et la santé des gens.

L’industrie des armes est en pleine expansion ce qui ravive les peurs notamment celle d’une guerre. Aucun coin de la planète ne semble épargné. Même la vieille Europe est en proie au doute et la guerre s’invite à ses portes en Ukraine. L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm indique dans son dernier rapport qu’en 2023, le chiffre d’affaires des 100 premiers groupes de défense a atteint 632 milliards de dollars. Les Etats-Unis caracolent en tête mais les Dassault Aviation, Naval Group, Safran, Thales font aussi d’énormes bénéfices.

Les tensions en Asie-Pacifique avec la Chine de plus en plus présente sur zone, sans compter les velléités de cette dernière de s’emparer de Taiwan, l’ancienne Formose. Une guerre nucléaire n’est pas à exclure avec la Russie ou la Corée du Nord.

Tout cela crée de l’instabilité à l’échelle mondiale d’autant qu’ailleurs, la situation à Gaza, au Liban, en Syrie, en Iran, au Kurdistan…relève d’une reconfiguration voulue par l’Etat hébreu et participe grandement à l’instabilité susmentionnée.

Tout cela participe aux diverses peurs contemporaines auxquelles nous pourrions ajouter l’intégrisme (des Evangéliques mais aussi de l’intégrisme musulman avec sa composante terroriste), le nationalisme, la xénophobie, le racisme qui prennent de plus en plus d’ampleur partout dans le monde y compris en France. Les viols de Mazan, de citoyens lambda mais aussi de sportifs (rugbymans…), d’acteurs, chanteurs etc. nous font part d’un sexisme et d’un patriarcat des plus débridés qui confèrent à l’abjection. Les médias et les réseaux sociaux sont de plus en plus soumis à l’extrême-droite, jusqu’à la tentative de prise de pouvoir chez Bayard Presse où Petit Ours Brun va avoir bien du mal à encore faire rêver nos enfants et petits-enfants. Ce poids éditorial des Bolloré, Stérin…mais aussi au niveau mondial des Elon Musk pour les réseaux sociaux…s’accompagne d’une surveillance accrue des individus au quotidien : surveillance de masse, contrôle social et surveillance des individus Ne pas s’intéresser aux questions numériques, à l’Intelligence Artificielle, à la libération totale du cyberespace… ferait de nous des militants à œillères dépourvus de sens critiques et incapables d’anticiper les prochains Big Brother. A ce niveau les libertaires se doivent de réfléchir aux médias qui transportent les informations ainsi que de celle des outils de circulation.

Révolutionnaires, les anarchistes doivent continuer à dénoncer le mythe de la «  Démocratie » qui ne sert qu’à faire perdurer un système élitiste de domination et d’exploitation. Les gesticulations  des politiciens de tous bords pour censurer le gouvernement Barnier ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La grève générale expropriatrice reste l’élément principal du processus révolutionnaire pour les anarchistes. A cette occasion, si Sophie Binet appelle, à juste titre, les travailleurs victimes de licenciements à occuper les usines, nous allons plus loin en proposant une montée à Paris de tous les salariés victimes de ces licenciements et appuyés par une grève interprofessionnelle  dans le courant du premier trimestre 2025. Mettre un million de personnes dans la rue serait plus efficace que mettre un bulletin de vote dans une urne. Et si une rupture se produit avec une grève générale, il faudra continuer sur la voie de la gestion directe des entreprises et des services publics avec une organisation de bas en haut et sur la base du fédéralisme libertaire. Une autogestion de fait qui permettrait de prendre en charge directement et le plus rapidement possible toute la production et sa répartition. Même processus pour les services publics via les communes.

A défaut, nous nous engagerions  vers de formes nouvelles d’autoritarisme politique qui se nourrissent de nationalismes, xénophobie, de patriotismes, de racismes, de peurs qui ne sont que  des succédanés des fascismes classiques du XXème siècle.

Les réponses aux changements climatiques ne peuvent être laissées aux politiciens et aux gouvernements. Les contestations notamment de la jeunesse se mondialisent et apportent une sensibilisation accrue aux problèmes climatiques. L’anarchisme peut apporter sa pierre à l’édifice en devenir en agissant pour le bien commun, sans discriminations aucunes en remettant en cause toute forme de domination. C’est aussi pourquoi nous devons aller vers une société sans classe ni Etat. Nous demeurons viscéralement internationaliste, libertaire et égalitaire, autogestionnaire et fédéraliste. Seule une égalité économique et sociale dans la liberté est à même de permettre une telle société.

Même si cela ne se traduit pas par une affluence de militants dans les groupes libertaires, l’influence de ces derniers s’accroît et parfois nous avons du mal à la quantifier.

Nous pensions à tort que le fait que le marxisme-léninisme périclite, un espace s’ouvrirait pour les idées libertaires. Ce n’est pas le cas aujourd’hui mais il est possible qu’à terme cela se produise. Nous sommes dans le temps long. Les impasses de cette idéologie autoritaire ainsi que celles du capitalisme qui conduit la planète à sa perte nous ouvre des perspectives pour un autre futur.

Donc le XXIème siècle sera le siècle :

  • De la lutte contre le dérèglement climatique, la pollution et l’éco-anxiété ;
  • De la lutte contre la course aux armements et contre le nucléaire civil et militaire ;
  • Les religions qui sont toutes liberticides, et encore davantage celles qui s’appuient sur le terrorisme ;
  • La surveillance de masse des individus et leur inféodalisation aux nouvelles technologies;
  • Le fascisme qui repointe son immonde face ;
  • L’alternative pour une égalité économique et sociale ;
  • L’anarchisme et la solidarité en actes ;
  • L’égalité économique et sociale.

Sinon, dans une version plus sombre, le fascisme pourrait étendre son emprise comme un poulpe géant au détriment de nos libertés fondamentales. Et une guerre serait le pire des scénarios.

Micka ( GLJD)