Convergence des luttes avec les agriculteurs

Qu’on ne s’y trompe pas, les agriculteurs ne sont pas tous logés à la même enseigne et les intérêts des gros céréaliers par exemple ne sont pas ceux de l’éleveur d’ovins qui touche en moyenne 700 euros par mois, ce qui est insuffisant pour vivre.

Les petits agriculteurs ont bien raison de bipasser la FNSEA et la Coordination rurale car les dirigeants syndicaux qui essaient de récupérer le mouvement ne jouent pas dans le même camp.

Certains dirigeants syndicalistes à l’instar d’Arnaud Rousseau défendent une agriculture productiviste française pour nourrir les Français, mais consacre leurs productions majoritairement à l’exportation. Double discours et hypocrisie car sur les barrages et dans les médias, ils soutiennent les agriculteurs qui se plaignent de l’augmentation des taxes sur le gazole non routier (GNR), mais c’est la FNSEA qui a entériné cette hausse cet été, lors des négociations avec le gouvernement sur le projet de loi de finances. Ce sont les mêmes qui bénéficient de marges conséquentes quand ils vendent à l’étranger. D’où un numéro d’équilibriste : d’un côté il faut dénoncer les importations de poulets, bœufs, céréales…qui viennent de pays qui n’auraient pas les mêmes normes environnementales qu’en France ; de l’autre, les gros agriculteurs veulent continuer à faire du business et ont besoin du libre- échange.

Les gros céréaliers et éleveurs de fermes-usines sont par exemple les principaux bénéficiaires de la PAC (Politique Agricole Commune), quand les petits éleveurs sont les plus désavantagés et touchent la portion congrue des subventions européennes. Les petits agriculteurs n’ont donc pas les mêmes intérêts que les gros. Ces intérêts sont même antagonistes. Il ne faut surtout pas remettre en cause les marges des groupes agroalimentaires. Les petits agriculteurs qui s’endettent jusqu’au cou pour survivre sont malheureusement manipulés par les dirigeants de la FNSEA qui détournent la juste colère des petits agriculteurs par la politique du bouc émissaire. Et le R.N de s’engouffrer dans la brèche pour critiquer l’Europe et ses normes écologiques, s’alliant de même les bonnes grâces des chasseurs.

Arnaud Rousseau est davantage un faiseur d’affaires qu’un agriculteur : il est diplômé de l’European Business School de Paris et est passé un temps par le courtage de matières premières agricoles, c’est-à-dire leur mise en vente sur les marchés financiers. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le fermier qui se lève aux aurores pour la traite des animaux ni avec celui qui courbe l’échine pour ramasser sa production dans les champs.

Une chose est sûre, tous les travailleurs et les petits agriculteurs ont les mêmes intérêts. Tout le monde doit avoir les moyens de bien vivre de son travail, de bien manger, tout en protégeant la santé de tous et notre planète. Nous avons tous intérêt à sauvegarder notre environnement et à lutter contre le dérèglement climatique.

Les agriculteurs se mobilisent pour dénoncer leur faible rémunération : ils ont raison et on est solidaires des petits agriculteurs, pas des gros céréaliers et autres spéculateurs. Les inégalités sont flagrantes dans l’agriculture avec 80% des aides récupérées par 20% des agriculteurs. La dérégulation du marché au niveau européen a favorisé la spéculation sur les matières premières et l’agrobusiness. Avec le Mercosur, le libre-échange accentuera le dumping social, poussant aux fermes-usines, bref au gigantisme et fera exploser les émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture. Déjà l’agriculture française est responsable de 19% de ces émissions de GES.

Dans le même temps, les prix de l’alimentation explosent et de plus en plus de salariés ont des difficultés pour manger correctement et sainement. A cause de l’inflation, certes, mais aussi parce que les richesses vont essentiellement aux multinationales de l’agroalimentaire et à la grande distribution dont les marges atteignent des records. Voilà le modèle que la FNSEA ne veut pas remettre en cause car leurs dirigeants sont les premiers bénéficiaires de ce système bien rôdé. Tant que les petits agriculteurs seront dupes de leurs syndicats dits représentatifs, ils seront les dindons de la farce. Tant que les travailleurs des villes et des champs ne s’allieront pas contre les capitalistes, les changements s’effectueront à la marge et de manière corporatiste.

Par ailleurs, les petits agriculteurs devraient analyser les éléments de langage de l’Etat. Pour ne pas s’aliéner la FNSEA, pour que cette dernière canalise les mécontentements paysans, le gouvernement joue la montre et la négociation. Il ne s’attaque pas de manière frontale et musclée aux agriculteurs. Quand des travailleurs en grève bloquent les routes, ils prennent les gens en otage. Quand les paysans font la même chose, c’est parce qu’ils veulent vivre dignement de leur travail, ce que personne ne conteste. Quand des jeunes, des scientifiques passent à l’action directe pour sensibiliser la population sur le dérèglement climatique, le gouvernement les appelle les éco-terroristes et les font passer en jugement avec de lourdes peines à la clef. Quand les paysans font la même chose et peut-être à plus grande échelle, ils bénéficient d’un traitement de faveur médiatique et ne sont pas inquiétés jusqu’à présent. Qu’on réfléchisse bien à ce deux poids deux mesures.

Continuer à laisser crever les petits agriculteurs n’est pas une option, l’inaction écologique non plus !

Ti Wi (GLJD)