Pour les prochaines élections législatives de juin 2022, il serait bien malhonnête d’employer le terme de tripartition de la vie politique à partir du moment où la moitié des Français s’abstiendra. Nous sommes dans une logique de quadripartition avec un bloc majoritaire, celui des abstentionnistes. Et parmi ceux-ci de plus en plus de personnes se réclamant de l’anarchisme, terme qui à l’évidence se banalise. Il faut donc s’habituer à la banalisation de l’anarchisme que ce soit dans le milieu ouvrier ou dans le milieu culturel. D’ailleurs nous tenons à rendre hommage à Miss.Tic qui vient de mourir récemment. Cette artiste de street Art n’était pas une idéologue mais était « profondément anarchiste ». De nombreuses personnes se reconnaissent dans ce terme « anarchiste ». Donc aux prochaines législatives, nous aurons une tripartition de 50% de votants. Exclure ainsi la moitié de la population, celle des non-votants, ne renforcera pas plus « la démocratie » qui se saborde elle-même en refusant ne serait-ce que la proportionnelle.
L’effondrement capitaliste se précise à moins que nous ne sortions à brève échéance du capitalisme militarisé et nucléarisé qui domine aujourd’hui le monde. Mais il serait étonnant que les faiseurs de fric prennent cette voie. La planète ne peut plus supporter le dérèglement climatique ni l’injustice. À mesure que les systèmes sociaux échouent dans leurs rapports et fonctionnements, davantage de personnes explorent et expérimentent des alternatives. Il y aura bientôt des millions de personnes qui chercheront sous toutes les latitudes des réponses autres. Il y a déjà une explosion de tendances significatives de toutes sortes : politiques, religieuses et philosophiques. Certains verront le socialisme libertaire comme une issue viable. Pour d’autres, nous serons leurs pires ennemis mais les rangs anarchistes sont appelés à grossir. Plus grand monde ne souhaite un monde « marxiste » tant les expériences passées (URSS, RDA, Pol Pot…) et encore présentes (Chine…) ont été catastrophiques pour les millions de personnes qui ont subi ou subissent encore le joug de tels régimes. Nous sommes déjà les ennemis des religieux qui prospèrent sur la misère humaine et cela va s’accentuer.
Concernant l’alternative libertaire, la première difficulté est d’adopter des pratiques et une philosophie anarchistes concordante entre les buts fixés et les moyens à employer pour y parvenir.
La seconde difficulté est de les adapter à leurs propres pratiques qui varient en fonction des avancées technologiques et des besoins qui évoluent très rapidement.
Nous pouvons voir nos drapeaux à la télévision, dans les journaux. Ils sont utilisés dans des rassemblements et pas forcément par des « militants ». C’est un effet d’imitation et d’appropriation de symboles. Ne riez pas, ne soyez pas consternés ; n’ayez pas honte, ne vous abandonnez pas, c’est utile que d’autres nous rejoignent sur le plan des idées. Ce ne sont pas les organisations libertaires qui ont fait 1968 mais des jeunes et des moins jeunes qui ont eu envie de changer le monde. La chose fondamentale est que dans chaque personne intéressée par « l’Idée », une pratique va être générée ; cela passera sans doute par une lutte avec ses idées précédentes, et à la suite d’une mobilisation, d’une lutte, nous aurons d’autres gens convaincus par l’anarchisme.
Chacun de nous compte, nous sommes des êtres uniques. Que cela nous plaise ou non, nous faisons chacun une différence. Nous sommes condamnés à nous comprendre ou à périr. Cela s’est déjà produit et cela se reproduira. Il est temps de construire des ponts et d’être indulgents, sans perdre pour autant notre âme.
La connaissance de Bakounine et d’autres penseurs anarchistes n’est pas innée. Elle s’acquiert au fur et à mesure des lectures, des rencontres…
Certes, Bakounine se distingue par sa vision profonde de la dégénérescence étatique des révolutions. Se fiant aveuglément à la passion créatrice des masses, selon lui, la révolution n’avait pas besoin de chefs (même s’ils étaient des hommes de science), ni d’avant-gardes dirigeantes, ni de conventions, ni de gouvernements « prolétariens », pire s’ils étaient investis, élus ou affublés du titre d’avant-garde du prolétariat, avec souvent des pouvoirs d’exception. L’auto-organisation des masses servait d’antidote à la centralisation étatique, source d’une corruption bureaucratique qu’il fallait éviter à tout prix. L’État prolétarien n’a aucun sens : il donnera nécessairement lieu à la formation d’une nouvelle classe privilégiée d’experts, de fonctionnaires et d’hommes d’appareil. Quoique d’origine ouvrière, un militant cesserait de l’être dans l’acte ; les ouvriers qui gouvernent défendent des intérêts de classe étrangers au prolétariat : ceux de la « bureaucratie rouge », la plus vile aberration contenue dans le communisme « autoritaire ». En peu de temps, l’État absorbe toute l’activité sociale, production, pensée, culture…, et avec l’aide d’un contingent de forces de l’ordre, il réglemente « scientifiquement » jusqu’au moindre détail de la vie quotidienne. Le communisme d’État transforme la révolution en un despotisme de la pire espèce qui, loin d’établir le royaume de l’égalité et de la liberté, intronise la domination d’une nouvelle bourgeoisie plus vorace et prédatrice que l’ancienne.
Il est donc nécessaire de connaître l’histoire mais elle s’apprend petit à petit. C’est aussi l’œuvre de pédagogie de militants aguerris ; ces derniers n’étant ni des gardiens du temple ni des gourous. Apprends-moi à apprendre disent les pédagogues libertaires.
L’héritage de Bakounine, son testament politique, repose sur ces critiques avisées. Mais le dix-neuvième siècle n’est pas celui du XXIème. Le numérique, le dérèglement climatique, le nucléaire…sont passés et ont changé la donne. L’écologie et le féminisme sont des enjeux actuels. D’ailleurs, Bakounine disait en substance qu’il mettait au défi de trouver des questions qui n’avaient pas été abordées au sein de l’Internationale. C’était vrai à son époque mais celle-ci a changé. Aujourd’hui, c’est la survie de la planète qui est en jeu, même si les enjeux de pouvoir et de domination sont toujours actuels. L’égalité économique et sociale de Bakounine n’a perdu en rien sa valeur, au contraire, cette revendication s’est confortée à l’expérience du temps. Mais nous devons aller au-delà.
Nous devons donc nous approcher de l’Anarchie en brandissant la flamme d’un Nouveau Monde dans lequel l’Humanité et la Nature ne feront plus qu’un. Elisée Reclus nous a fourni de multiples pistes.
Patoche (GLJD)