Austérité ou rigueur

Austérité

Ce mot qui indique une situation économique donnée mais qui n’est guère employé par les gouvernements quels qu’ils soient. Les politiciens au pouvoir préfèrent parler de rigueur.

Quand tout va mal et qu’il faut redresser les comptes, les économistes parlent de tournant. Du coup, les Français ont l’impression de tourner en rond depuis plus de 40 ans. En 1983, deux ans après la victoire de la gauche plurielle en mai 1981, Jacques Delors nous présentait un plan de rigueur qui ne devait pas durer et qui était fait pour maintenir notre indépendance nationale. Aujourd’hui, les politiciens parlent de souveraineté nationale. Les mots changent mais la rigueur, entendez par-là ceux qui vont trinquer et payer la note, c’est toujours pour les travailleurs. D’ailleurs Barnier crie à grand renfort de main sur le cœur que les revenus les plus modestes seront épargnés. Ouf ! Enfin, pas pour tous car on ne sait toujours pas quelle rémunération représente un revenu modeste. Les gouvernements tapent sur les petits habituellement, car ils sont plus nombreux, mais là Barnier ne veut pas taper sur les plus modestes, à savoir les plus petits que les petits de d’habitude. Ça rassure.

Mais les caisses de l’Etat sont vides ; on se demande la faute à qui ? A pas de chance parce que l’économie maintenant c’est au petit bonheur la chance. On se souvient de ces économistes, de ces agences de notation qui n’avaient pas vu venir la crise des subprimes (2007-2008). Etonnant, non, aurait dit Desproges.

Les économistes de formation savent que selon les fluctuations et croissance, si l’inflation diminue c’est le chômage qui remonte. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui : 180 plans de licenciements recensés en un an depuis septembre 2023. Avec 97 milliards d’euros distribués aux entreprises du CAC 40, la France détient le record européen des dividendes. Ce coût du capital plombe l’industrie.

« Les entreprises qui licencient et se gavent d’aides publiques sont aussi celles qui rémunèrent grassement leurs actionnaires » constate Sophie Binet, la secrétaire de la CGT.

Auchan a annoncé un plan social d’une ampleur inédite, 2.300 emplois supprimés et Michelin fermera 2 usines, à Vannes et Cholet, qui employaient près de 1.300 salariés. Le Premier ministre a affirmé, ce mardi, vouloir savoir « ce qu’on a fait dans ces groupes de l’argent public qu’on leur a donné ». Nous devons créer ou recréer de l’emploi industriel, comme maintenir l’emploi agricole dans notre pays…

Mais, entre 2014 et 2019, Auchan a bénéficié de plus de 500 millions grâce aux cadeaux fiscaux du CICE. Sans compter que Michelin a enregistré un bénéfice net de deux milliards d’euros en 2023 et a certainement arrosé copieusement ses actionnaires. La bande à Macron ainsi que l’extrême-droite et le PS sont toujours du côté du patronat. Il n’y a aucune illusion à se faire sur la volonté d’un gouvernement de gauche comme de droite de réellement défendre les travailleurs. De surcroît, Barnier cherche à passer en force un budget d’austérité aussi historique que celui de la gauche en 1983. Certains députés appellent à siffler la fin de la récréation et à utiliser le fameux 49.3. Les discussions à l’Assemblée nationale ne sont finalement que de pure forme.

Le chômage qui était le cheval de bataille de Hollande puis celui de Macron, remonte et va encore s’accentuer. En 2025, l’économie française détruirait 150.000 emplois selon l’OFCE. Une première depuis 2012. Et ce qu’il faut dire c’est que le gouvernement n’a pas de prise sur des groupes totalement privés comme Auchan et Michelin. Les remontrances gouvernementales ne sont là encore que de pure forme. C’est d’ailleurs à la suite de licenciements chez Michelin que l’ancien lambertiste Lionel Jospin avait sorti en 1999 son célèbre « l’Etat ne peut pas tout ». L’Etat peut vendre des « bijoux de famille », peut subventionner avec nos impôts le patronat mais il ne peut pas tout…C’est avouer que le patronat fait ce qu’il veut et que l’Etat est à son service.

L’élection de Trump à la Maison blanche va accentuer le protectionnisme américain. Les droits de douane vont augmenter de manière significative et gageons que le gouvernement français trouvera encore une excuse pour reporter sa responsabilité d’incompétence sur le nouvel élu, pas si nouveau que cela d’ailleurs. Là encore, c’est un mauvais signe pour les travailleurs européens sur le plan de l’emploi.

Le patronat français distille à l’envi que l’écologie est punitive, que les normes environnementales asphyxient les entreprises et l’agriculture. Parallèlement le gouvernement fait semblant de s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre qu’il souhaite voir baisser de 40% d’ici à 2030. Mais nous ne sommes pas dupes quant aux capacités gouvernementales à tenir ses engagements, pris comme un plan de bataille, mais dans les faits plus cosmétiques que réels. Pour nous autres anarchistes, il faut refuser d’opposer le social et l’environnemental. Pour cela, le combat contre le capital et l’Etat reste d’actualité. Au niveau social, interdire les licenciements peut être une première étape, encore faut-il être en capacité de se mobiliser à grande échelle. Au niveau environnemental, le photovoltaïque et l’éolien en mer doivent être priorisés pour atteindre 60% de renouvelables le plus tôt possible. En attendant la fin des énergies fossiles.

Les patrons se sont suffisamment gavés sur le dos des travailleurs. Ils mettent en danger la vie de la planète. Ils doivent payer leur crise économique et leur crise climatique.

Ti Wi (GLJD)