
Le motif principal de cet écrit est clairement réactif à certaines confusions savamment orchestrées et contient un profond malaise face à ce que nous considérons comme une distorsion conceptuelle sur le sens le plus reconnu du terme « libertaire ». En fait, en tant que groupe libertaire Jules Durand, nous éditons le journal « Le libertaire », revue de synthèse anarchiste. C’est dire que nous reconnaissons les termes anarchiste et libertaire comme synonymes.
Comme il a été historiquement reconnu depuis le milieu du XIXe siècle, le terme libertaire, en particulier en opposition à ce que nous pourrions appeler le « (dés)ordre capitaliste mondial », a été principalement associé au mouvement ouvrier d’influence anarchiste dans sa lutte insistante contre le capitalisme et en faveur d’une société libre émancipée de toute exploitation sociale. Nous pensons, face à cette affirmation catégorique, que peu d’historiens et de « savants » pourraient réfuter cette définition initiale reflétée dans une multitude de livres et d’analyses rigoureuses se référant à l’histoire générale des XIXe et XXe siècles.
L’enjeu de cette dénonciation d’un certain amalgame entre libertaire et « libertarien » s’incarne plutôt dans notre présent immédiat et donc dans l’usage persistant « en progrès » et largement déformé du terme « libertaire ». Parmi les « faussaires » divers et brillants d’aujourd’hui, on trouve des secteurs économiques, des groupes sociaux/politiques et aussi d’étranges et très puissants « individus alpha » qui feraient partie d’un dangereux conglomérat « hypercapitaliste » international.
Parmi les nombreuses idées folles exprimées avec une certaine fréquence et jouissance dans les médias de masse, il y a des objectifs à moyen terme comme l’effondrement progressif de certaines conquêtes sociales obtenues grâce aux luttes pour les droits menées par les classes ouvrières dans de nombreux pays ( l’éducation, la santé, les retraites, etc.).
Leur attaque persistante et délibérée contre « l’État » est menée cette fois à partir d’une position clairement « anarcho-capitaliste », et n’est pas basée sur la justice sociale au bénéfice de tous les citoyens, mais au contraire sur une « liberté » (commerciale) mal nommée qui cache avant tout et à peine son propre bénéfice économique.
Au contraire, la suppression possible de l’« État », théorisée par les premiers penseurs de l’anarchisme social le plus reconnaissable dans le dernier tiers du XIXe siècle, avait toujours été liée à la suppression réelle et effective du système capitaliste injuste (pléonasme) et aussi à la création d’une nouvelle société où toute trace d’exploitation sociale disparaîtrait, tant dans son empreinte individuelle que dans sa dimension collective.
Quelques exemples concrets de cette épidémie internationale de « classisme bourgeois » qui balaie notre monde fragile à l’échelle mondiale sous l’étiquette récente de ce faux esprit « libertaire » capitaliste nous sont récemment montrés par le gouvernement de Javier Milei en Argentine (l’homme à la tronçonneuse) ou l’influence menaçante et persistante des puissants « lobbies » capitalistes américains (Musk etc.), actuellement étroitement liés au bloc ultra-conservateur qui a remporté les récentes élections générales de 2024 autour du chaos putschiste du « trumpisme ». Ce qui était autrefois, et il n’y a pas si longtemps, habituellement appelé par la presse internationale grand public sous l’étiquette plus précise d’« ultra-libéral » est en train de changer rapidement avec une certaine insistance sous le parapluie déformé et de plus en plus trompeur du terme « libertaire ».
Nous voulons vous avertir catégoriquement et dénoncer, au cas où vous ne seriez pas encore au courant de notre ligne éditoriale, que les matériaux historiques que nous fournissons et les idées motrices qui y transparaissent se réfèrent à un (autre) imaginaire idéologique radicalement antagoniste et opposé à ces grossiers défenseurs d’un « anarcho-capitalisme » de plus en plus asocial et malade.
La tradition historique initiale des mouvements libertaires a été articulée principalement par des militants et des activistes sociaux qui ont fait partie des classes populaires (femmes et hommes) et qui ont défendu jusqu’aux dernières conséquences, avec une attitude de solidarité exemplaire, les opprimés (« le sel de la terre ») dans leur vie quotidienne risquée et difficile.
Pour cette raison, les tendances idéologiques et économiques qui représentent ce bloc social de plus en plus consolidé et d’apparence ultra-conservatrice ne représentent pas du tout ce que nous défendons depuis les débuts du mouvement libertaire. D’une certaine manière, on peut dire avec une certaine rigueur historique que la majorité des libertaires ont fait partie, depuis leurs débuts, de l’imaginaire social qui s’est formé autour de ceux que certains dirigeants politiques appellent péjorativement les « gauchistes », où la critique radicale du capitalisme et de son régime de domination absolue a constitué une partie substantielle de leurs idées et désirs persistants.
Enfin, et pour terminer en renforçant une position idéologique claire, nous énumérerons brièvement, mais non de manière exhaustive, nos préférences personnelles fermes à l’égard de certains hommes et femmes anarchistes et socialistes libertaires qui, tout au long de leur histoire personnelle, ont laissé en nous une marque indélébile qui vit encore dans nos pensées et dans nos cœurs : il suffit de lire ne serait-ce que « Révolution anarchiste », un livre récent où de nombreux penseurs libertaires y sont référencés. Des idées mais aussi une mise en pratique de ces idées. En clair, le terme libertarien est à l’opposé du terme libertaire. Ces termes sont antinomiques.
Ty Wi (GLJD)