V° congrès de la CNTE – Madrid 8-16 Décembre 1979

Le V° congrès de la CNTE s’est déroulé à Madrid du 8 au 16 Décembre 1979. Le point N°5 abordé lors de ce congrès rappelle les fondamentaux de l’anarcho-syndicalisme espagnol. Quarante-trois ans après le Congrès de Saragosse de 1936, le Congrès de Madrid reprend les thèmes chers aux libertaires, notamment le concept de communisme libertaire. C’est un relevé de conclusion qui n’a pas pris une ride. Nous publierons les motions adoptées à l’époque car elles replacent l’anarcho-syndicalisme dans toutes ses dimensions. Déjà lors de congrès, les compagnons, heureusement majoritaires à l’époque, dénoncent les manœuvres des trotskystes. Plus tard, les provocations policières auront raison du développement de la CNT, notamment au travers de l’incendie de la Scala…

Mais c’est bien ce congrès de décembre 1979 qui a mis du baume au cœur des militants libertaires du monde entier. C’est cette CNT qui a nous fait rêver. Il nous semble important de relire le corpus idéologique de la CNT de l’époque. Nous reviendrons ultérieurement sur le fond qui est toujours d’actualité et sur la forme qui a divisé les anarcho-syndicalistes espagnols mais cela a eu aussi des répercussions en France jusqu’à aujourd’hui.  ( GLJD)

V° congrès de la CNTE – Madrid 8-16 Décembre 1979

Point N° 5 : Principes, tactiques et finalités

Anarcho-syndicalisme, définition et tactiques

Nous comprenons l’anarcho-syndicalisme comme la synthèse de la théorie et de la pratique de l’anarchisme agissant sur et dans tout type d’associationisme ouvrier qui conflue dans le syndicat. Il s’agit en gros, d’une synthèse de l’anarchisme et du syndicalisme révolutionnaire pour impulser le changement de la société actuelle à partir du monde du travail. L’anarchisme a été la source d’inspiration du syndicalisme révolutionnaire né en France au siècle passé et qu’on peut considérer, comme fait actuellement l’A.I.T., comme un synonyme d’anarcho-syndicalisme.

Il existe précisément une différence dans les contenus essentiels que caractérisent la pratique du syndicalisme révolutionnaire que défend et pratique l’anarchosyndicalisme et la pratique de celui que défendent certains groupes et secteurs assez éloignés du mouvement libertaire, même s’ils utilisent, en en affaiblissant le contenu, le terme de « syndicalisme révolutionnaire ». Nous n’entendons par syndicalisme révolutionnaire rien d’autre que ce mouvement qui , surgi des classes exploitées et opprimées, aspire à la destruction du système établi pour, par l’intermédiaire d’une action directe et antiautoritaire, démonter les mécanismes de domination en mettant tous les moyens de production au service des travailleurs, lesquels prendront, quelle que soit la circonstance, les décisions qu’ils estimeront justes, sans connaître aucun autre type de médiation, de contrainte et de pouvoir qui ne serait issu des travailleurs eux-mêmes.

Réaffirmant les positions antérieures, nous ratifions les accords adoptés par le Congrès constitutif de l’Association Internationale des Travailleurs tenu à Berlin en décembre 1922 et modifiés au IV° Congrès de Madrid en 1931 et au V° Congrès de Paris en 1935.

Principes et finalités

L’anarcho-syndicalisme est en réalité, du point de vue des principes, une vision déterminée du monde qui correspond à la philosophie antiautoritaire et émancipatrice de l’anarchisme, et manifeste donc son opposition à toute exploitation, tant économique que politique, et à toute aliénation religieuse, son objectif fondamental et prioritaire étant de propager ces idées dans le monde du travail par l’intermédiaire du Syndicat. Il œuvre dans le champ syndical pour que l’individu comprenne réellement que l’exploitation se situe dans le domaine économique où la lutte des classes se manifeste le plus clairement et est assumée par la majorité des travailleurs. Il faut penser – et l’histoire le démontre – que les révoltes et les tentatives révolutionnaires restent vaines si, dans les pays où elles se produisent, il n’existe pas une organisation syndicale révolutionnaire.

Il faut mettre en évidence que cette attitude d’opposition à toute exploitation ne peut être qualifiée de pure idéologie ou de produit de laboratoire, mais qu’elle répond à une constante de l’Homme tout au long de son histoire, dans sa lutte sans trêve contre tout type d’oppression. Cette lutte constitue la revendication du droit à être et à disposer librement de propre destin, jointe au désir de solidarité que toutes les personnes, collectivement, obtiennent ce droit. Il n’y aura pas de vraie liberté tant qu’une seule personne restera soumise à d’autres semblables. Le mérite de la pensée libertaire réside tout entier dans l’éclaircissement de ce fait à la conscience de l’individu.

Face au monde d’oppression constante et multiforme que nous subissons, l’anarchiste oppose sa rébellion. Sa vision part d’une rupture totale avec les valeurs politiques, économiques et culturelles établies par les classes dominantes au cours de l’histoire. Par l’anarcho-syndicalisme, l’évolution historique, si elle a un sens, doit culminer en une éthique de la responsabilité personnelle et inaliénable, opposée de façon radicale à la constante historique de domination. Cette rupture suppose que l’anarcho-syndicalisme oppose aux valeurs de la société établie ses propres valeurs. Moyennant quoi, les travailleurs se transforment en agents souverains et actifs de la transformation sociale. Pour mener à terme cette transformation en profondeur, l’anarcho-syndicalisme se matérialise sous la forme organisée, concrète, que nous appelons CNT (Confédération Nationale du Travail).

A suivre