C’est l’exercice de l’autorité qui crée le désordre

L’anarchie est la plus haute expression de l’ordre

Il y a désordre partout où l’individu est lésé dans le libre exercice de ses droits et de ses facultés. Il ne peut y avoir d’ordre véritable sans harmonie. Dès que les rapports harmonieux entre les gens ou entre les choses sont entravés par des forces ou des influences extérieures et contraignantes, il n’y a plus d’ordre. Cette notion-là est d’une grande importance car elle représente l’un des principes fondamentaux de la doctrine anarchiste et en constitue en partie l’originalité. Toutes les autres doctrines sociales – de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par toutes les écoles « modérées » – sont fondées sur la croyance pour ne pas dire la certitude, que l’ordre dans la société est fonction de l’autorité qui s’y exerce.

Les anarchistes prétendent, eux, que c’est l’exercice de l’autorité qui crée le désordre. Tant que la société ne s’établira pas sur la base de rapports de production, de consommation, de distribution harmonieux ; tant que les structures hiérarchiques n’auront pas été abandonnées au profit de structures véritablement fédéralistes et autogestionnaires ; tant qu’il existera des forces d’intimidation et de répression, on ne pourra parler d’ordre social.

De même, tant que les institutions susciteront et perpétueront les antagonismes, les injustices, les oppressions, les querelles scolastiques, les confusions doctrinales et dogmatiques, on ne pourra pas parler d’ordre moral.

C’est pourquoi, pour le libertaire, c’est d’abord dans l’esprit que doit régner l’ordre. Rien n’est plus néfaste à la cause que nous défendons que la confusion – et non la diversité – des idées. Car s’il peut exister des divergences nombreuses sur le choix des moyens et des tactiques et sur l’utilité de telle ou telle expérience, il ne saurait y avoir de malentendu sur les notions fondamentales (antiautoritaires) de l’anarchisme.

L’ordre marxiste

Dans tout régime « fort » le silence c’est l’ordre, la discussion le désordre. Aussi n’y a-t-il, dans les pays totalitaires, ni meetings ni manifestations de rues (sinon immédiatement réprimées). L’exemple des fractions révolutionnaires ayant pris le pouvoir en U.R.S.S. sous Staline, à Cuba sous Castro, en Chine sous Mao…offre une image frappante de ce que devient une révolution au service du pouvoir. Un ex-professeur de philosophie tchèque, Milan Simecka, l’a remarquablement mis en relief dans les lignes ci-dessous : « Il n’y a pas de meilleurs partisans de l’ordre que les révolutionnaires victorieux. Dès que se met en place un nouveau pouvoir révolutionnaire, un Etat et ses institutions se créent ; dès que ses représentants ont goûté à leur nouvelle situation, l’ordre devient une notion sacrée. Presque du jour au lendemain, tous ceux qui menaient les soulèvements, incitaient à la grève, organisaient des manifestations, diffusaient des écrits illégaux, cachaient habillement des armes, faisaient partie des commandos ou les dirigeaient, tous deviennent des tenants de l’ordre et de la stricte légalité ».

Dans les Etats marxistes, le citoyen doit être un serviteur aveugle de l’Etat (c’est-à-dire du parti).

Et l’on peut constater que dans les pays dits du « socialisme réel », les régimes autoritaires perdurent même après un virage à 90 degrés vers l’économie capitaliste. Des décennies après, l’homme nouveau se fait attendre.

Tout ordre autoritaire s’appuie avant tout sur l’acceptation passive et sur le grégarisme des masses. L’ordre établi est rigide et fixé.

Pour les libertaires, tout ordre qui crée un privilège n’est que désordre puisqu’il s’établit au détriment d’autrui. Tout ordre fondé sur la hiérarchie n’est que désordre puisque la notion de hiérarchie implique la domination des uns et la subordination des autres. Tout ordre qui fait du profit une valeur essentielle de civilisation n’est que désordre puisqu’il sanctionne et légitime la division profiteurs/exploiteurs et spoliés/exploités.

Un ordre naturel ne peut être que perpétuelle mouvance vers le mieux et le meilleur. C’est cette « utopie » qui, au-delà de toutes les luttes quotidiennes, doit être l’aspiration de tout libertaire.

A.P.