Anarchisme/Marxisme-léniniste

Souvent des personnes rencontrées lors de manifestations, sur notre lieu de travail ou dans des associations nous demandent quelles différences fondamentales existe-t-il entre les anarchistes et la gauche et l’extrême-gauche marxiste. En général, on essaie de faire court loin des grandes théories. Voilà quelques points que l’on aborde pour nous différencier des autres courants susmentionnés.

La gauche et l’extrême-gauche marxiste s’organisent en partis et participent aux élections, systématiquement. Au-delà des pratiques électoralistes, la visée de la prise de pouvoir pour participer à un gouvernement divise encore davantage les tenants de cette option et les anarchistes. D’autant que ces partis politiques s’appuient sur le centralisme démocratique alors que les libertaires sont d’inconditionnels fédéralistes. De surcroît le rôle de l’Etat, dominateur, est jugé différemment par les uns et par les autres. La doxa marxiste indique que l’Etat dépérira, qu’une dictature du prolétariat est nécessaire pour assurer la transition. Les anarchistes, à la suite de Bakounine et la plupart des penseurs anarchistes pensent qu’il faut abolir l’Etat, instrument de domination et d’exploitation aux mains des classes dirigeantes et que sa disparition permettra l’instauration du communisme libertaire. Même si les marxistes affirment que l’abolition de l’Etat est une revendication de tous les socialismes, le fait de vouloir établir une dictature provisoire rend son abolition illusoire car l’Etat, toujours, se bureaucratise et se renforce pour aboutir à un capitalisme d’Etat. Ce dernier met un point final au dépérissement de l’Etat. L’idée marxiste de l’Etat est donc en faillite et les exemples sont multiples : Union soviétique, Cuba, Chine…En résumé, l’Etat ne s’autodétruit pas.

Concernant l’organisation en partis, les anarchistes ont toujours dit qu’il y avait contradiction entre ceux qui prétendent dénoncer les dérives des processus de bureaucratisation (notamment les Trotskystes) et ces mêmes marxistes qui affirment de fait la prééminence du centralisme démocratique donc de structures hiérarchisées. On est loin du fédéralisme libertaire et de la construction du socialisme par le bas qui respecte l’autonomie des structures de base proposées par les anarchistes. Les marxistes n’abordent pas le sujet des délégués avec mandats clairs, précis, contrôlés et qui sont révocables à tous moments. C’est une différence de taille entre libertaires et marxistes toutes tendances confondues, notamment celles se réclamant de Lénine.

Enfin les marxistes veulent prendre le pouvoir (que les anarchistes considèrent comme maudit) en participant aux élections. La révolution n’est plus à l’ordre du jour. Les libertaires ne cessent d’analyser et de dénoncer les vices du processus électoral depuis son instauration en 1848 puis des résultats des élections car au final les « représentants élus » n’ont aucun compte à rendre et peuvent même voter des lois contraires qui vont à l’encontre de leur programme. C’est pourquoi les anarchistes appellent à l’abstention ; c’est un acte politique qui refuse toute délégation de pouvoir. La participation aux élections pervertit le combat révolutionnaire. Un député ouvrier, c’est un député de plus, un ouvrier de moins. De nombreux députés communistes ont été élus en France ; ils ont même participé à un gouvernement de gauche plurielle mais pour quels résultats ? Qu’ont-ils empêché ? Le système capitaliste a-t-il été entravé ?

Les anarchistes à l’opposé prétendent qu’avec le fédéralisme libertaire, l’autogestion, on pourrait se passer de gouvernement.

Nous en revenons aux débats théoriques de la Première Internationale entre les tenants de la conquête du pouvoir par les urnes et les tenants de la non-participation aux élections et la lutte conjointe contre l’État et la bourgeoisie – ce qui est la conception bakouninienne de la politique.

Penser qu’il suffit de moraliser les élus pour moraliser la vie publique et l’Etat, c’est méconnaître la nature de l’Etat dont nous avons dit qu’il se renforçait systématiquement pour mieux dominer et contraindre.

Au-delà du parlementarisme face à la démocratie directe, de la prise de pouvoir face à l’autogestion ou gestion directe, du centralisme face au fédéralisme, entre socialisme gouvernemental et rupture avec le capitalisme, entre Etat et Fédération de communes, de nombreux autres points divergent. Par exemple celui des nationalisations face aux expropriations ouvrières.

Autre point d’achoppement l’armée.

Pour les libertaires, c’est la paix qui prépare la paix. C’est l’émancipation qui procure la vraie sécurité. Les anarchistes préfèrent axer leur sécurité sur la base d’une autodéfense éthique.

Les marxistes sont favorables à l’armée. L’armée a massacré les soviets de Cronstadt, les partisans de Makhno …et les anarchistes n’oublient pas que Trotsky a militarisé le travail. On est bien loin de l’autogestion et de la liberté syndicale. On constate de même le rôle de l’armée aujourd’hui pour mater le peuple (Etats-Unis, Algérie, Iran…) ou pour assouvir des visées impérialistes (Israël, Russie…).

Nous reviendrons ultérieurement sur d’autres différences qu’il importe de connaître quand on s’intéresse à la question sociale.

Micka (GLJD)