Affaire Durand : Paul Meunier enquête au Havre

FEVRIER jules durand

Paul Meunier enquête au Havre

M.Meunier, député de l’Aube s’est ému du scandale judiciaire de Rouen.

Appartenant au parti radical ministériel, il a senti mieux que les autres, les risques que courait son parti en laissant s’accomplir cette infamie.

Les quelques rares journaux qui soutiennent notre cause n’ont pu atteindre beaucoup d’autorité ; ce sont nos agitations et nos manifestations ouvrières qui par leur éclat, leurs cris et leur action ont pu atteindre un cœur d’homme hautement placé pour arriver au but : la Révision.

J’ai pu le voir, l’entretenir, l’aider dans sa tâche rendue facile parce que trop caractéristique.

A 2 heures, vendredi, nous étions au rendez-vous. Grand nombre de personnes étaient présentes. Nous ne les connaissions pas toutes mais nous lisions bien sur leur physionomie qu’elles venaient non seulement sauver une victime, mais encore arrêter un scandale qui n’a que trop duré dans ce régime de démocratie, arrêter ce mouvement de réaction, de répression, arbitraire, écœurant, brutal et féroce.

Plus de 200 charbonniers étaient aussi venus apporter des témoignages vrais ; c’était imposant.

Tant mieux pour la victime !

Tant pis pour la République bourgeoise !

Car n’oublions pas avec quelle haine et quelle audace au Havre, et nous pouvons le dire la Seine-Inférieure, même partout mais surtout au Havre, nos juges réactionnaires condamnent nos camarades.

Sur 22 grèves que nous avons enregistré cette année, 35 de nos camarades ont fait connaissance avec la prison pour avoir usé du droit de grève.

Nous ne pouvons pas oublier non plus l’expulsion du camarade Sommer contre qui, en la circonstance, tant de Havrais protestaient ; le Conseil municipal lui-même votait un ordre du jour demandant au Ministre de revenir sur sa décision.

En ce moment n’avons-nous pas encore notre camarade Buray, secrétaire de la métallurgie qui accomplie une peine de trois mois de prison, arbitrairement parce qu’accusé par un jaune.

M. Meunier doit savoir tout cela.

Les vieilles badernes du Palais de justice qui ne veulent pas s’adapter à l’état moderne ne savent rien de notre vie et nos souffrances, doivent être connus de tout le pays.

Les sans entrailles ne sont plus de nos jours, l’humanité veut autre chose que des haines et des souffrances, elle veut la liberté, l’amour et le bien-être.

M. Meunier quittera le Havre avec l’intuition que nous sommes des gens raisonnés et non pas des criminels.

 

GEEROMS