Traite négrière au Havre en 1860

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Quand la traite des Noirs continuait en France après 1848…

L’inauguration du Mémorial ACTe, à Pointe-à-Pitre, fait couler beaucoup d’encre : reconnaissance par l’Etat des crimes du passé, apaisement des mémoires mais aussi plaies rouvertes et remise en cause d’une certaine activité mémorielle…

En réalité, si l’acte de réparation symbolique est utile, il aurait été beaucoup plus utile d’analyser les origines de l’esclavage sous toutes les latitudes. Car du commerce de chair humaine, il y en a eu sur tous les continents et à chaque fois nous retrouvons l’argent-roi ou l’accroissement d’un pouvoir comme mobile de tels comportements barbares. Des personnes dénuées de scrupules vendent leurs congénères, les uns pour des verroteries, les autres pour des sommes d’argent  conséquentes.

En ce qui concerne la France, il faut insister pour démontrer qu’à partir du XVIIème siècle, l’économie du pays et notamment les richesses induites l’ont été sur la base du commerce triangulaire. La Révolution française passant, la Traite des Noirs prend une valeur universelle et se trouve remise en question. Les nobles et bourgeois qui y avaient recours avancent des arguments que l’on pourrait trouver dans bien d’autres domaines, notamment celui de la manne financière tirée de l’armement : si nous ne pratiquons pas la Traite, les Anglais la feront à notre détriment et nous serons moins concurrentiels…Aujourd’hui, nous vendons de nombreux rafales aux Emirats ou à d’autres pays, sinon les Américains prendront le marché…Il y a quelques années, on argumentait de la même manière pour les mines anti-personnel. Et au milieu du XIXème siècle, de nombreux patrons et députés à leur solde prétendaient de même qu’il fallait continuer à faire travailler les enfants pour des raisons de compétitivité…Les familles Begouën-Demaux et Foache, familles négrières havraises par excellence, ne raisonnaient pas autrement. Il suffit de relire leurs écrits tendant à se dédouaner à bon compte.

L’argent n’a pas d’odeur et tant qu’une société sera basée sur le besoin de se faire du fric à tout prix ou aura des velléités de soumettre ses voisins, nous trouverons toujours quelques malins cyniques pour rendre complices de leur trafic une partie de la population qui profitera du système, ces mêmes malins empochant le plus gros des bénéfices…

En attendant, nous livrons un récit de baraterie très intéressant d’autant qu’il touche un ancien maire du Havre, Jules Masurier, dont une rue porte encore son nom dans un quartier classé « Unesco »…

TRAITE DES NOIRS – 1860

 Compte rendu de la séance de la Cour d’Assises de la Seine-Inférieure paru dans le Courrier du Havre du 24 août 1862 (Texte semblable paru dans le Journal du Havre de la même date)

COUR D’ASSISES DE LA SEINE-INFERIEURE

Présidence de M. de Loverdo – Audience du 23 août

BARATERIE DE PATRON – INCENDIE D’UN NAVIRE – TRAITE DES NOIRS

             La Cour d’Assises offrait hier un spectacle particulier et tout-à-fait exceptionnel. Seize individus comparaissaient sous une triple accusation. Le ministère public leur reprochait d’avoir fait la traite des noirs au moyen d’un navire français sur les côtes d’Afrique, d’avoir commis une baraterie de patron et mis le feu au navire, et d’avoir fait une fausse déclaration devant le consul d’un naufrage imaginaire dans le but de dissimuler l’incendie volontaire du navire.

Les accusés sont les nommés Martial-Alfred Gallet, né le 7 février 1833 à Bordeaux, capitaine en second du navire le Don-Juan, demeurant à Bordeaux ; Eugène Vasseur, matelot ; Schoeffer, maître d’équipage ; Marais, charpentier de navires ; Ogé, cuisinier ; Gouaran, Lefebvre, Dumanoir, Neveu, tous matelots du navire le Don-Juan, sur lequel la traite aurait eu lieu; Viel et Ferment, novices à bord du même navire ; Letellier, Richeux et Corroëne, matelots du navire le Volta, qui, après avoir fait naufrage dans les mers de Chine, avaient été embarqué sur le Don-Juan pour être rapatriés ; enfin, Nicoulet, matelot naufragé du navire Sumatra, et Picard, matelot….

TRAITE DES NOIRS – 1860