Condamné à deux reprises pour divers cambriolages sur la Côte d’Azur, une fois à quatre ans et une autre à cinq ans, Serge Livrozet sort de prison en 1972. Il écrit son premier livre, De la prison à la révolte, un an plus tard. Il rencontre dans la foulée de 1968 plusieurs philosophes dont Michel Foucault avec qui il crée le Comité d’action des prisonniers. A une question récente de camarades sur la portée de ses actions en faveur des prisonniers, il répond que ses actions n’ont finalement servi à rien puisque la situation dans les prisons est pire aujourd’hui qu’à l’époque où il militait au CAP. Des discussions que j’ai pu avoir avec lui au local du libertaire au Havre ou au resto devant une pizza, Serge maintenait que la majorité des personnes qui étaient incarcérées n’avaient rien à faire en prison. Loin de tout angélisme puisqu’il avait lui-même fréquenté le milieu carcéral pendant neuf ans, il indiquait que certains individus devaient rester en prison car ils représentaient un réel danger pour la société. Pour cela, c’était malheureusement irréversible, ils devaient rester en taule sinon on pourrait craindre pour les femmes et les enfants. Pour autant la prison engendre des comportements nocifs et les jeunes qui sortent de prison se retrouvent sans emploi à leur sortie d’où de forts risques de récidive. La France a toujours favorisé la répression à l’éducation et la prévention. Les derniers chiffres parlent d’eux-mêmes. En quarante ans, de 1980 à 2020, le nombre de personnes écrouées a doublé et la durée moyenne de détention effectuée a augmenté d’un quart entre 2006 et 2019 par exemple. La population carcérale augmente en France alors qu’elle baisse dans l’Union Européenne. Alors quand on voit les politiciens de tous bords demander un renforcement des peines de prison, des constructions de prison pour augmenter le nombre de places au sein du régime pénitentiaire, on se demande jusqu’où veulent aller ceux qui entendent lutter contre le laxisme de la justice.
A aucun moment, ces politiques ne remettent en cause la ghettoïsation des quartiers donc des écoles soumis à la carte scolaire. Les priorités budgétaires continuent à favoriser les formations d’élite, ce qui était déjà dénoncé par Proudhon au XIXème siècle. A aucun moment ces mêmes politiciens se donnent une vision à long terme pour sortir de l’engrenage délinquance-prison-délinquance. A aucun moment, ils ne remettent en question la société dans laquelle nous vivons avec toutes ces vitrines indécentes de richesses qui s’exposent alors que de plus en plus de gens vivent dans la précarité et ont du mal à manger ou se chauffer. Comment une femme de ménage qui a des horaires flexibles, tôt le matin et tard le soir, peut-elle s’occuper correctement de ses enfants pour le coucher, les devoirs…Les conditions de travail sont à revoir, les horaires…Mais la tendance est plutôt d’alimenter le réflexe identitaire, le déclin de la France, le manque d’autorité…tout le contraire des solutions libertaires : coopération parents-enseignants, entraide entre pairs, des moyens supplémentaires pour compenser l’origine sociale dans les résultats et orientations scolaires, réduction du nombre d’élèves par classe pour aller vers davantage d’autonomie et de liberté…
De plus en plus d’infractions sont liées à la drogue. Là encore, l’Etat continue à criminaliser ceux et celles qui plantent leur cannabis ou le fument en passant par des revendeurs au lieu de se concentrer et s’en prendre au trafic de cocaïne, crack et autres drogues dures. Les méthodes colombiennes arrivent dans de nombreux ports français avec son cortège de pressions voire de morts notamment parmi le personnel portuaire. Les puissants syndicats de ces secteurs professionnels ont leur rôle à jouer.
Les réformes : loi anticasseurs, lois antiterroristes de 2017 et loi « sécurité globale » de juillet 2021…ont des conséquences sur la liberté d’expression et les manifestants. Un programme de 7000 places de prison est en cours et un autre de 8000 places verra le jour d’ici à 2027. De plus en plus de militants sont incarcérés. De nombreux gilets jaunes ont payé cher leur mobilisation.
Il est temps de tout refonder : les quartiers, l’école, le marché de l’emploi avec des salaires décents, l’écologie…Des milliards ont été distribués au patronat récemment, c’est donc qu’il y a de l’argent dans les caisses.
Un article récent indiquait que pour vivre heureux, il fallait un salaire mensuel de 6000 euros. Alors, chiche, demandons un salaire de 6000 euros par mois, la semaine de 32 heures pour pouvoir faire autre chose que bosser et enfin recréer du lien social, sans oublier tous les ingrédients pour lutter contre le réchauffement climatique.
Ti Wi ( GLJD)