Et si la révolution était possible de Denis Langlois

L'amour est fort que la violence d'Etat

Et si la révolution était possible.

Le dernier livre de Denis Langlois ravive l’espoir d’une révolution possible aujourd’hui. Publié aux Editions Scup, en janvier 2018, il sera le premier à publier dans le cadre des 50 ans de Mai 68. Sous les pavés, la plage. Sous les pavés, la page. Ancien objecteur de conscience, c’est tout naturellement qu’il prône une révolution non violente : « Les Etats ont renforcé à outrance leurs armées et leurs polices. Les affronter militairement ne peut mener qu’à un carnage et à la recrudescence de l’oppression ». Denis Langlois est sur la même ligne que Jean Barrué même si ce dernier n’est pas mentionné. Pour Barrué, « L’anarchisme n’est pas seulement la négation et le refus du monde dans lequel nous vivons : il est aussi un acte de foi dans l’homme qui peut et qui doit se libérer de la servitude économique, et aussi de toutes ces autorités hiérarchiques qui étouffent en lui la personnalité et le rendent esclave des machines dont il devrait être le maître. »

Critique de la démocratie via le système électoral, critique de l’Etat, des hommes providentiels et des militants dont le terme d’origine latine fait référence aux militaires…A ce terme, il préférerait « les Fédérés ». Nous sommes d’accord avec lui à ce sujet d’autant que, d’une part, nous sommes fédéralistes et d’autre part, les Fédérés eurent leurs heures de gloire durant La Commune de Paris en 1871. Antimilitariste, il conchie toutes les armées, structures centralisées et hiérarchisées, avec des chefs qui donnent des ordres et des soldats qui les exécutent servilement. Pacifiste, l’écrivain a toujours dénoncé toutes les guerres. C’est un adepte de la désobéissance et d’Etienne de La Boétie. Pour lui, un axiome intangible : les procédés qu’on emploie pour réaliser quelque chose influent directement sur le résultat. Il analyse finement la dérive des partis communistes dont la révolution s’est toujours transformée en totalitarisme avec d’un côté les dominés et les dominants comme dans l’ancienne société. Supprimer la propriété privée des moyens de production n’est pas forcément un gage d’émancipation. Le marxisme aurait-il failli ? « Lénine, Trotsky, Staline, Mao, Fidel Castro, Pol Pot pour ne parler que d’eux, étaient issus de la bourgeoisie ou y avaient accédé du fait des études qu’ils avaient suivies. Quand ils se sont emparés du pouvoir, ils n’ont guère été enclins à le remettre entre les mains du peuple, classe à laquelle ils n’avaient jamais appartenu ou qu’ils avaient quittée depuis longtemps. » C’est que Denis Langlois milite ou veut se fédérer avec d’autres pour qu’une révolution débouche sur une société sans classes qui apporte liberté et égalité. Nous aurions ajouté que l’égalité politique est fictive sans égalité économique et sociale. Mais Denis Langlois, s’il reprend nombre de thématiques chères aux libertaires, il ne cite jamais ces derniers alors qu’il reprend les propos de Marx à maintes reprises. Concernant la religion, il aurait pu nommer Bakounine et à propos de la suppression du salariat, citer Kropotkine. Un savant dosage de penseurs anarchistes ainsi que de Marx n’aurait rien enlevé à la qualité du livre d’essence libertaire.

Denis Langlois espère que le terme contre-force remplacera la notion de contre-pouvoir, trop connotée. Le terme antiautoritaire était aussi pour nous autres, libertaires, bien adapté. D’ailleurs, notre écrivain commet une erreur en indiquant qu’aucune réalisation due aux promoteurs de l’Internationale anarchiste n’a pu se mettre en place. Les collectivités d’Aragon durant la Révolution espagnole par exemple démente ce propos.

Le mérite du livre de Denis Langlois réside surtout dans des analyses judicieuses des rapports de domination et dans les pistes à suivre pour éviter de récidiver dans les désillusions et les erreurs du passé. Il nous donne quelques éléments de réponses dans un petit manuel, sorte de mode d’emploi de la révolution. La faiblesse du livre, car tout livre est critiquable, se trouve dans l’évacuation très rapide des problèmes économiques et sociaux en cas de révolution. Les syndicats, conseils ouvriers semblent absents des réflexions. Idem pour la gestion des services publics par les communes. Au groupe libertaire Jules Durand, nous connaissons la nature humaine et il nous semble primordial d’instaurer un équilibre des forces syndicats/communes afin de ne pas tomber dans les travers des hommes de pouvoir et des sachants. L’équilibre proudhonien.

Pour autant le livre de Denis Langlois nous redonne la pêche. Rien n’est perdu : la Révolution reste à l’ordre du jour. « Fédérés de tous les pays, unissons-nous ! » car la dimension internationale ne peut être occultée.

Les libertaires se battent pour le plus élevé des projets politiques, une société où la liberté de chacun est la condition de la liberté de tous et toutes. Ni le besoin de domination, ni l’ambition personnelle, ni l’arrivisme ne trouvent leur compte dans le mouvement anarchiste. C’est sans doute pour cela que nous avons aimé le livre de Denis Langlois.

Patrice L.H.

Livre à commander pour la modique somme de 10 euros, 119 pages.

Editions Scup – 1 cavée Saint Léger, Caudebec en Caux, 76490 Rives- en- Seine