
En relisant le livre de René Lochu « Libertaires, mes compagnons de Brest et d’ailleurs », j’y ai retrouvé cette chanson de Léo Ferré, les étrangers. Et c’est ce même Léo qui écrivit la préface du livre de souvenirs de René : « Lochu je l’ai rencontré en 68. J’étais dans le désordre. Il m’a remis sur la route. La Bretagne, pour moi et dès lors, n’est plus le sentiment « recommencé », comme la mer de l’autre qui la regardait aussi, la mer, mais du côté de Sète et avec des idées reçues directement de Méditerranée et sans Lochu, pardi. » Un clin d’œil à Brassens.
Et Lochu de citer le poète anarchiste Eugène Bizeau : « A bas la guerre ! A bas l’armée !
Le simple bon sens nous le dit,
Puisque avec leurs engins maudits
La race humaine est décimée.
Jetons le sabre et le fusil,
Jetons la bombe et la fusée,
Parmi les flèches de Crécy
Dans les bas-fonds des vieux musées. »
Et nous autres, anarchistes, répétons à l’envi : A bas la guerre, à bas l’armée. Encore et encore aujourd’hui. Et que la lutte continue ! Il est des fondamentaux et des invariants à ne pas oublier même en période de barbarie.
Et notre ami, Maurice Laisant, d’écrire la postface de Lochu : « Dans la poursuite du grand rêve libertaire dont nous ne verrons pas l’apothéose, nous avons du moins connu la joie d’avoir servi la plus humaine des causes, d’avoir côtoyé les esprits les plus larges, les cœurs les plus ouverts, et, pour moi, d’avoir été ton ami ».
Les étrangers (chanson de Léo Ferré)
Regarde-la ta voile elle a les seins gonflés
La marée de tantôt te l’a déshabillée
Les bateaux comme les filles ça fait bien des chichis
Mais ce genre de bateau ça drague pas dans Paris
T’as les yeux de la mer et la gueule d’un bateau
Les marins c’est marrant même à terre c’est dans l’eau
Ta maman a piqué sur ta tête de vieux chien
Deux brillants que tu mets quand t’embarques ton destin
C’est pas comme en Avril, en Avril 68
Lochu tu t’en souviens la mer on s’en foutait
On était trois copains avec une tragédie
Et puis ce chien perdu tout prêt à s’suicider
Quand la mer se ramène avec des étrangers
Homme ou chien c’est pareil on les regarde naviguer
Et dans les rues d’Lorient ou d’Brest pour les sauver
Y a toujours un marin qui rallume son voilier
Regarde-la ta quille à la mer en allée
La marée de tantôt te l’a tout enjupée
Les bateaux comme les filles ça fait bien du chiqué
Mais quand on s’fout à l’eau faut savoir naviguer
T’as le cœur comme ces rocs vêtus de Chantilly
Quand la tempête y a fait un shampooing dans la nuit
Ta maman t’a croché deux ancres aux doigts de chair
Et les lignes de ta main ça s’lit au fond d’la mer
C’est pas comme en Avril, en Avril 68
Lochu tu t’en souviens dans ces rues de l’emmerde
On était trois copains au bout de mille nuits
Et le jour qui s’pointait afin que rien ne s’perde
Quand la mer se ramène avec des étrangers
En Bretagne y a toujours la crêperie d’à côté
Et un marin qui t’file une bonne crêpe en ciment
Tellement il y a fourré des tonnes de sentiments
Regarde-la ta barre comme de la Pop musique
Ça fait un vrai bordel chez les maquereaux très chics
La mer a ses anglais avec le drapeau noir
On dirait 68 qui s’en revient du trottoir
Ma maman m’a cousu une gueule de chimpanzé
Si t’as la gueule d’un bar j’m’appelle Pépée Ferré
C’est pas comme en Avril, en Avril de mon cul
Dans ce bar endossé au destin de la rue
Et c’est pas comme demain en l’An de l’An 10 000
Lochu tu t’en souviens c’était beau dans c’temps-là
La mer dans les Soleils avec ou bien sans quille
Un bateau dans les dents des étoiles dans la voix
Et quand on se ramenait avec nos galaxies
Ça faisait un silence à vous mourir d’envie
Et les soirs d’illusion avec la nuit qui va
Dans Brest ou dans Lorient on pleure et on s’en va
L’An 10 000, Lochu, tu t’rappelles
L’An 10 000, tu t’rappelles, Lochu
L’An 10 000, l’An 10 000, l’An 10 000…
Lochu découvre à Brest les « Libertaires », fondateurs et animateurs de la « Maison du Peuple » et devient leur compagnon. Il raconte sa vie militante à leurs côtés, les journées tragiques d’émeutes à Brest en 1935, le soutien aux compagnons anarchistes espagnols luttant contre le fascisme, les campagnes pour la paix…