Radicalisme

Dans le mot armistice, il y a le mot arme, inévitable, omniprésent, comme pour bien montrer qu’elles sont toujours là, les armes, prêtes à repartir, à recommencer, à narguer cette fausse paix faite par elles.

Dans le mot armistice, il y a la terminaison, le suffixe comme on dit, qui rime avec factice, avec artifice, une injustice, clin d’œil à la paix feinte, à la paix faite par les armes, et, de ce fait, livrée à la merci des armes. Dans le mot armistice, c’est le mot arme qui domine. Le mot paix est absent.

Dans le mot racines, de la même façon, épluché étymologiquement, il y a le mot race. S’il y a race, il y a racisme. On revendique, à tort et à travers, ses racines, sa culture, son identité. Dans identité, il y a identique, nous avons des racines identiques, nous sommes la même race.

C’est quoi, ça, les racines. Seuls les arbres ont des racines. Et d’ailleurs, on peut bien parfois les déraciner et les replanter autre part, bien loin du sol natal, ils revivront, ils s’épanouiront de nouveau.

L’homme n’a pas de racines, sinon en remontant bien loin, aux premiers hommes ; en tout état de cause la poignée d’humains qui a succédé, après maintes étapes, au monde aquatique, aux dinosaures, et quelle que soit l’évolution subie, cette poignée d’humains n’a qu’une « racine » qu’une origine, la Terre. Ce n’est qu’après, au fil des siècles, au fur et à mesure que l’homme s’est cru le droit de prendre le pouvoir sur la terre, d’y construire des frontières, de séparer les hommes des hommes, de faire des classements, des tris, des sélections (avant d’en supprimer le « s » initial), ce n’est que peu à peu que l’homme s’est forgé des racines, comme il s’est inventé des dieux, des maîtres, par peur, pour avoir des repères (re-pères).

L’homme n’a pas de racines. Dans le mot racines, il y a cette rime très riche, presque entière, avec ass-assine, puisque c’est toujours au nom des racines que les hommes s’octroient le droit d’en assassiner d’autres, racines territoriales, racines culturelles, racines sociales.

L’homme n’a pas de racine. Les mots, eux, ont une racine. Les mots ont un radical. Les mots ont un sens. On ne doit pas les employer à tort et à travers.

Dans le mot Paix, il y a paix tout seul, qui se suffit à lui-même ; le mot Paix qui n’a besoin d’aucun artifice, d’aucun armistice, d’aucune arme pour être, pour vivre. Le mot Paix s’impose, le mot Paix va  de soi, il arrive paisiblement, avec ses quatre lettres, le P qui a déjà tout dit, le A, qui est le début, le premier pas, l’Approche évidente, première lettre d’Amour, d’Anarchie, le I comme l’éclat de rire qui vient en écho, poussé par X, l’inconnu.

Yves Le Car